Devoir de Philosophie

PRINCIPES LITTERAIRES ET MODÈLES DE PASCAL: La précision géométrique. — L'honnête homme. — Pascal et Epictète.

Publié le 24/03/2011

Extrait du document

pascal

Pascal ne faisait rien sans réfléchir à la nature, aux lois, et aux procédés de l'art ou de la science dont il se servait ; il y regardait de très près ; il ne restait jamais à la surface des habitudes et des idées reçues. Il s'acharnait à se rendre compte.    Ainsi en avait-il usé avec la physique, avec la géométrie, et aussi avec les conversations du monde.    Dès qu'il se mit à écrire, il ne manqua pas de se demander quels sont les buts, les moyens, la perfection du style. Il examina de près ces problèmes en les prenant à la racine, c'est-à-dire en commençant par les premiers éléments, par les mots et presque par les lettres.

pascal

« Plusieurs sur l'honnête homme nous ramènent aux Provinciales.

Les Provinciales sont écrites par un « honnêtehomme » et qui veut écrire en « honnête homme », mais non pas en précieux, en académiste, en orateur, engrammairien. L'aisance délicate du récit, le choix des termes, tous naturels et pris dans l'acception la plus naturelle, le tour vif,mais qui se détache par l'image ou le trait d'esprit, le ton de la bonne comédie, à la Térence, la vérité du dialogue,font de ces Petites Lettres, au point de vue de la langue et du style, le chef-d'œuvre de l'art de « l'honnête homme». Cet art est basé sur l'universalité du savoir et du goût. Voici, dans un curieux fragment que Pascal a effacé, l'expression de cette universalité. Puisqu'on ne peut être universel et savoir tout ce qui peut se savoir sur tout, il faut savoir peu et tout.

Car, il estbien plus beau de savoir quelque chose de tout que de savoir tout d'une chose ; cette universalité est la plus belle.Si on pouvait avoir les deux, encore mieux, mais s'il faut choisir, il faut choisir celle- là, et le monde le sent et lefait, car le monde est un bon juge souvent (37). L'universalité seule est à chercher dans un ami, parce qu'elle répond seule à nos besoins humains. L'homme est plein de besoins, il n'aime que ceux qui peuvent les remplir tous (36). Il est inutile de faire remarquer combien cette doctrine est contradictoire avec la technicité, avec la spécialisation,et avec toutes les tendances de l'industrialisme moderne. D'où cette conséquence : Il faut qu'on n'en puisse (dire), ni : « il est mathématicien », ni « prédicateur », ni « éloquent », mais « il esthonnête homme ».

Cette qualité universelle me plaît seule.

Quand en voyant un homme, on se souvient de son livre,c'est mauvais signe ; je voudrais qu'on ne s'aperçut d'aucune qualité que par la rencontre ou l'occasion d'en user(ne quid nimis), de peur qu'une qualité ne l'emporte, et ne fasse baptiser ; qu'on ne songe point qu'il parle bien,sinon quand il s'agit de bien parler, mais qu'on y songe alors. Lisons encore cette pensée qui nous ramène directement à la littérature : On ne passe pas dans le monde pour s'y connaître en vers, si l'on n'a mis l'enseigne du poète, de mathématicien,etc...

Mais les gens universels ne veulent point d'enseigne, et ne mettent guère de différence entre le métier depoète et celui de brodeur. Les gens universels ne sont appelés ni poètes, ni géomètres, etc...

mais ils sont tout cela, et juges de tous ceux-là.On ne les devine point.

Ils parleront de ce qu'on parlait quand ils sont entrés.

On ne s'aperçoit point en eux d'unequalité plutôt que d'une autre, hors de la nécessité de la mettre en usage ; mais alors on s'en souvient, car il estégalement de ce caractère qu'on ne dise point d'eux qu'ils parlent bien, quand il n'est pas question du langage, etqu'on dise d'eux qu'ils parlent bien, quand il en est question. C'est donc une fausse louange qu'on donne à un homme quand on dit de lui, lorsqu'il entre, qu'il est fort habile enpoésie ; et c'est une mauvaise marque, quand on n'a pas recours à un homme quand il s'agit de juger de quelquesvers (34). Cette qualité primordiale de l'honnête homme, l'universalité, suffit à Pascal pour condamner les précieux aussi bienque les pédants.

Le précieux et le pédant restent dans le particulier et dans le faux.

Par exemple, avec ses amis,Pascal blâme les fausses beautés, que beaucoup admirent en Cicéron (31) ; il se moque des « reines de village ».

«On a inventé de certains termes bizarres ; siècle d'or, merveille de nos joies, fatal, etc..., et on appelle ce jargon,beauté poétique » ; à quoi Pascal compare une jolie demoiselle toute pleine de miroirs et de chaînes, et qu'on nesaurait prendre pour reine que dans les villages. Cette comparaison lui paraît si juste et si amusante qu'il y revient (32).

« Rien ne fait mieux entendre combien unfaux sonnet est ridicule, que d'en considérer la nature et le modèle et de s'imaginer ensuite une femme ou unemaison faite sur ce modèle-là ». Un mot, dans ce texte est révélateur et riche de pensée : « modèle » ; il ne doit pas signifier exemplaire parfaitauquel se mesurent et se comparent tous les objets de même espèce ; il ne répond pas, dans la langue de Pascal, àla notion de « standardisation » ou de « rationalisation » chère au monde moderne contemporain ; il nous ramèneraitplutôt à Platon, et même au delà de Platon à Pythagore.

Il signifie une certaine impression produite sur nous, et parconséquent un certain rapport entre les choses et nous ; exactement, comme en mathématiques, le rapport sert de« modèle » et de définition.

Au reste, Pascal le dit en toutes lettres : D'y a un certain modèle d'agrément et de beauté qui consiste en un certain rapport entre notre nature, faible ouforte, telle qu'elle est, et la chose qui nous plaît.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles