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Le progrès est-il nécessaire ? Commentaire du texte de Merleau-Ponty

Publié le 31/07/2010

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merleau

Ce texte paraît en 1951, période pendant laquelle le parti communiste était le premier parti de France. Pour les communistes, le progrès était nécessaire. La lutte des classes aboutirait à l'égalité entre les hommes et à une sorte de perfection. Le progrès était dans l'ordre des choses, on ne pouvait pas douter qu'il aurait effectivement lieu. Dans son texte, Merleau-Ponty discute d'une certaine manière l'idéologie simpliste qui voudrait que les choses soient inscrites à l'avance, et de cette façon prévisibles. Pour lui, l'humanité n'est pas inéluctablement destinée à progresser. Tout peut être remis en cause à n'importe quel moment.    Le progrès est-il nécessaire ? Non, répond Merleau-Ponty dans le texte que nous allons étudier. L'humanité peut stagner ou même régresser.  Pourquoi cette ascension vers le progrès n'est-elle pas inéluctable ? Merleau-Ponty répond que contrairement aux animaux, les hommes ont en commun une certaine intelligence, une capacité à intégrer une culture faisant que "tout est possible de la part de l'homme et jusqu'à la fin". L'homme serait donc capable du pire comme du meilleur.  L'homme, privé "d'équipement originel" pourrait être le lieu d'un miracle ou celui d'une catastrophe inévitable. Le progrès serait donc une possibilité plutôt qu'une nécessité.  Quelles seraient alors les conditions de cette évolution ? La vie d'un homme serait formée d'une succession de hasards, de situations aléatoires, auxquels il pourrait répondre de manière extrêmement variée. Cela présuppose, l'existence d'une liberté d'action. Le progrès dépendrait alors du choix des hommes qui se saisissent des opportunités ou les laissent passer. Rien ne serait alors déterminé à l'avance.    Le progrès est-il inéluctable ? L'homme est-il enclin au progrès ? Pourquoi cette évolution positive de l'homme est-elle incertaine ? L'homme subit-il sa vie déjà tracée, son évolution, ou dispose-t-il d'un libre arbitre ?  Notre explication suivra la même structure que le texte. Nous verrons d'abord en quoi le progrès est incertain. Nous trouverons par la suite les causes de cette incertitude avant de nous interroger sur les conditions d'une progression de l'humanité.    Le progrès est censé traduire une amélioration, un développement des connaissances, des capacités de l'humanité. Pour Merleau-Ponty, ce progrès ne serait pas nécessaire d'une nécessité métaphysique, dans l'absolu, c'est à dire que la civilisation, se dirigerait vers une amélioration de ses techniques, de ses connaissances, mais pas vers un progrès en soi.    Un homme au cours de sa vie, évolue, acquiert une culture, c'est à dire des normes et des valeurs. Il progresse également grâce à l'expérience. C'est à dire qu'il va intégrer certaines situations et être capable de réagir de façon appropriée face à elles. Il bénéficie également de l'expérience de ses prédécesseurs.  Merleau-Ponty, espère que"l'expérience finira par éliminer les fausses solutions", et de là conduira à une amélioration. Mais ce processus peut prendre beaucoup de temps, et peut échouer. C'est à dire que l'humanité peut stagner, voir régresser.    Merleau-Ponty compare l'humanité à une phrase. Ce mot est compris par tous quel que soit le contexte culturel, car les phrases sont la base du langage. Cette comparaison permet de mieux comprendre, le caractère fragile du progrès. On peut facilement s'imaginer que l'humanité se mette en route, se déroule et soit victime d'une hésitation ou des circonstances et aille s'échouer on ne sait où.    La vision de Merleau-Ponty est novatrice. A cette période, on croyait massivement que le progrès allait de soi. Il ne pouvait qu'être. L'humanité avec ses découvertes notamment scientifiques, progressait à grands pas. On n'imaginait pas que cette progression puisse avoir une fin, ni même se ralentir. Merleau-Ponty critique quelque part la simplicité de certaines réponses toutes faites et les causes uniques. Pour lui, les choses sont trop complexes pour pouvoir être résumée à une cause et à un effet. De multiples facteurs entrent en ligne de compte en ce qui concerne le progrès. Et notamment le hasard, qui empêche toute prévisions.    Merleau-Ponty conçoit que les hommes ont en commun une intelligence, une "ouverture à l'être", et delà une capacité à acquérir une culture, les disposant à évoluer.  Mais cette intelligence, cette "ouverture", ne seraient pas uniquement sources de progrès. Elles feraient que "tout est possible de la part de l'homme, et jusqu'à la fin", le progrès, comme le pire.    L'homme serait capable de créer du "beau", de s'améliorer. Merleau-Ponty prend l'exemple de la "peinture italienne". Il pense à la peinture italienne de la Renaissance, période d'innovations, de découvertes. Au XVème- XVIème siècle, on découvre l'Amérique ("nouveau monde"), on découvre également l'imprimerie. Il y a un renouveau dans toutes les techniques, la navigation par exemple, et un renouveau dans l'art, notamment en Italie. On pense notamment à Botticelli, Léonard de Vinci... La peinture italienne de la Renaissance utilise des techniques particulièrement raffinées, et complexes. Merleau-Ponty donne la Renaissance comme exemple car c'est une période d'évolution positive typique reconnue par tous.    Par contre l'homme serait aussi capable du pire. L'auteur parle alors du sadisme. Le sadisme est une sorte de plaisir que l'on éprouve face à la souffrance de l'autre, c'est une forme de cruauté. Ici, Merleau-Ponty fait référence à une période très proche dans l'histoire, il en appelle au vécu récent. Il fait allusion aux horreurs de la Seconde Guerre Mondiale. Durant cette période, la torture prenait des formes particulièrement raffinées. L'intelligence de l'homme était utilisée à des fins sadiques, cruelles. L'élaboration des techniques d'extermination, l'invention des chambres à gaz par exemple, celle de la bombe atomique, véritable machine à tuer, ont montré de quoi l'homme était capable, et jusqu'où il était capable d'aller dans l'horreur. Le nazisme et l'antisémitisme étaient une forme de régression de l'humanité (après l'abolition de l'esclavage, et la proclamation des Droits de l'Homme et du Citoyen).    Pour Merleau-Ponty, son intelligence, son "ouverture" donneraient à l'homme une aptitude au progrès, mais ne l'amèneraient pas nécessairement à s'améliorer.    L'homme privé d'équipement originel, c'est à dire de griffes, de fourrure, de don lui permettant de se défendre, ou de survivre, serait en situation de "contingence", (situation dans laquelle tout peut arriver).    L'homme peut être l'objet d'un miracle. Un miracle est un fait exceptionnel étonnant, extraordinaire, qui relève du hasard, de la chance. Merleau-Ponty cite alors ce qu'il appelle le miracle grec exemple même de ce que peut être une progression de l'humanité. Le "miracle grec" désigne le surgissement, en peu de temps, des grandes sources de notre civilisation occidentale, notamment des sciences, et de la démocratie. Merleau-Ponty ici nous montre qu'une progression même rapide est possible, mais il insiste sur le fait qu'elle n'est pas nécessaire. Il emploie d'ailleurs le mot "miracle", auquel sont associées les notions de hasard et de chance.    Ou bien, il peut être l'objet d'une "adversité sans intentions". C'est à dire il peut être la victime d'une catastrophe inévitable, et quoi qu'il fasse, il ne pourra pas l'éviter. Ces "adversités", l'empêchent de progresser de façon linéaire, et l'humanité peut même être amenée à régresser.  L'homme peut se trouver au hasard dans ces deux situations, on ne peut pas savoir en avance comment l'humanité va évoluer.    Merleau-Ponty réfute différentes thèses, et pour les réfuter, il utilise trois fois le même exemple : la Joconde de Léonard de Vinci. L'exemple de la Joconde est intéressant car ce tableau et reconnu par une majorité comme étant un chef d'œuvre, presque un miracle. Et que l'on peut aisément se demander comment un tel tableau a pu être crée ?  Merleau-Ponty semble s'opposer à la thèse déterministe. Selon elle l'homme est dès la naissance programmé pour une vie précise. Sa nature (son code génétique...), et le milieu dans lequel il naît, le prédestinent à une certaine vie. Cette théorie serait facteur de reproduction sociale, et donc d'inégalités des chances à la naissances. Il ne semble pas croire non plus à la thèse qui veut que l'homme parce qu'il est homme fera telle ou telle chose qui est dans sa nature.  En un sens, Merleau-Ponty s’oppose à l’humanisme. Il semble ne pas croire à une "nature humaine capable de beauté". C'est-à-dire que l’essence de l’homme le pousserait de façon spontanée à produire des chefs-d’œuvre et donc des miracles.  Il ne semble pas croire non plus qu'à une cause précise corresponde un effet précis. C'est à dire qu'à une chose on trouve une explication unique ou simple.  Il semble critiquer la psychanalyse excessive. Pour lui, on ne peut pas expliquer la Joconde par la vie sexuelle de Léonard de Vinci (une des analyse de Freud conclut à une homosexualité latente de celui ci). La sexualité peut être l’une des causes de la Joconde, mais ce n’est certainement pas la seule, et on ne peut pas en être sûrs.  Merleau-Ponty s'oppose à une certaine théologie qui veut que Dieu donne tel ou tel don à un homme et que celui ci fera en fonction de ses dons telle ou telle autre chose.  Certains croyants expliquent le Joconde par un don que Dieu aurait donné à Léonard de Vinci, ou par une inspiration divine qu'aurait eu le grand peintre.    Mais pour Merleau-Ponty, ces trois thèses sont discutables. On peut avoir l'impression fausse que ces explications sont valides lorsqu'on les conçoit après coup. C'est à dire si aujourd'hui, avec notre vision d'hommes modernes, on regarde la Joconde et on essaye de lui trouver une explication.  Expliquer la Joconde, pour Merleau-Ponty, c'est partir avec l'a priori d'une seule vérité commune à tous, d'une seule bonne raison. C'est passer à côté de la subtilité d'une explication nuancée, ou à côté de l'absence d'explication.    Léonard de Vinci par le hasard des circonstances s'est trouvé dans une situation, un contexte précis lui permettant de peindre un grand tableau (il vit pendant la Renaissance, a un goût particulier pour l'art, bénéficie de leçons de grands maîtres de la peinture...). Et il a par hasard mais aussi par choix, exploité cette situation. Ainsi les causes de la Joconde sont complexes et multiples.    Pour Merleau-Ponty, la vie d'un homme ne peut pas être envisagée à l'avance. A la naissance les hommes sont tous égaux, ils partent avec les mêmes chances. Ils seront tous placés dans des situations au hasard, et auront tous la liberté leur permettant de saisir ou de laisser passer les opportunités. Sartre ne dit-il pas « l’important n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce qu’on a fait de ce qu’on a fait de nous. «. Ainsi l'évolution positive de l'humanité dépend à la fois du hasard et du libre arbitre des individus qui la composent. L'homme et l'humanité peuvent s'améliorer, mais ils peuvent aussi s'abêtir, régresser.    Pour l'auteur, le progrès n'est pas nécessaire ni déterminé car il dépend de facteurs qu'on ne peut pas connaître en avance et qui peuvent prendre les formes les plus variées. L'homme soumis au hasard peut être placé dans des situations extrêmement diverses. Et réagir de toutes les façons possibles face à ces situations. Ainsi le nombre de possibilité de tout ce qui peut arriver dans la vie d'un homme et pire dans le sort de l'humanité, est faramineux. Un progrès est possible, une régression aussi, mais rien n'est nécessaire.    Une régression ponctuelle serait possible mais à l'avancée suivante, ne dépasserait-on pas le niveau auquel on était arrivé avant la régression ?  L'humanité par une accumulation de savoir ancestraux et par l'ajout de découvertes, ne s'inscrirait-elle pas dans une avancée qui bien qu'irrégulière et semée de retours en arrière en resterait une incontestablement ?  Certaines formes de progrès comme le progrès dans la science et les techniques, sont indiscutables. Mais ces formes de progrès constituent-elles un réel progrès pour l’Humanité, c'est-à-dire un progrès d’un point de vue humain. Regardons l’avancée de la bombe atomique, les dégâts du nucléaire, et certaines techniques dites modernes et évoluées qui détruisent l’environnement.

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