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Proposition de corrigé du commentaire de V. Hugo, L'Année terrible, Juin 1871 (VII)

Publié le 03/05/2012

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A son retour d'exil, en 1871, V. Hugo est témoin du siège de Paris et de la Commune, ce gouvernement révolutionnaire imposé par le peuple parisien. Mais les forces de l'ordre le répriment violemment.. Un an après, paraît le recueil de L'Année terrible qui relate cet épisode sanglant. Dans cette pièce d'une soixantaine d'alexandrins, le poète évoque l'incendie de la bibliothèque du Louvre par des Communards, le 24 Mai 1871 . Le poème est composé d'un dialogue à deux voix entre l'incendiaire et une sorte dejuge visionnaire qui s'indigne contre ce crime. Mais l'accusation se transforme en un hymne fervent au livre. Le style de l'éloge enthousiaste porte ainsi un violent plaidoyer en faveur du livre tandis que le dialogue donne une grande force dramatique au texte.

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« des « chefs-d'œuvre », « les siècles » vl5, 17, 20 ; la bibliothèque est« vénérable amas des vérités »v 14, « tombeau des temps devenu répertoire» v 16.

Elle rassemble le génie de tous les temps comme le souligne l'hyperbole du vl9 «Dans ce qui commença pour ne jamais finir».

-plus précisément, la bibliothèque recèle les grandes catégories des esprits : les « poètes » païens ou chrétiens évoqués par les antonomases «des Eschyles terribles/ Des Homères, des Jobs» v21-22, les philosophes évoqués par l'énumération:« dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison» v23, les «prophètes» : «Dante ou Shakespeare, ou Corneille », v32.

-mais le livre n'abrite pas seulement la pensée humaine; il la communique dans une sorte de transfusion fabuleuse.

Cet échange est évoqué par le jeu des pronoms.: chiasme du v33 «L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille», dans les v34-36 et au v 40, Je« ils» répond au« tu».

Au v 37, ce pronom prend la fonction de sujet : « Ils t'enseignent ...

».

Ce pouvoir du livre est également évoqué par les personnifications du v51 : «II est ton médecin, ton guide, ton gardien » ~métamorphose de l'âme~ exprimée par des verbes de conscience : « Tu te sens» v34, «Tu sens» v36, «tu te reconnais »,v 41 et par la gradation renforcée par l'enjambement: des v41-42 : «Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre 1 Comme la neige au feu ...

»,par l'antithèse finale:« c'est la savoir, 1 Le droit, la vérité, la vertu, le devoir, 1 Le progrès, la raison f,iissipant tout délire».

· III) Une énonciation poignante Illl)Une mise en accusation violente -toutes sortes de moyens dramatisent le crime : la périphrase verbale, la diérèse, la majuscule de «Tu viens d'incendi /er la Bibliothèque» et nous renvoient aux exemples historiques des bibliothèques d'Alexandrie ou de Rome.

- système de reprises, assonance eni, rythme croissant v3-5 «Mais, c'est un crime inouï,/ Crime commis partoi contre toi-même, infiime,/ Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme» et dans l'ensemble du texte, apostrophes violentes« inf'ame » v4, «misérable »v24, exclamations VI4, 25, 57, question rhétorique soulignée par le rejet v27-28, accusations v7 « Ce que ta rage impie et folle ose brûler ...

» donnent une grande virulence.

-la 1ère accusation porte sur un paradoxe : en incendiant la bibliothèque, le criminel s'en est, en fait, pris à lui­ même .

.Ce paradoxe est souligné par la reprise des pronoms de la 2ème pers de singulier : v5 « Mais tu viens de tuer Je rayon de ton âme ...

», v8 «C'est ton bien, ,ton trésor ...

», v53.

La 2ème accusation est d'avoir détruit l'inestimable: le génie humain comme l'évoque l'hyperbole du v25 renforcée par l' inversion de construction: «dans ces chefs d'œuvre pleins de foudre et de clartés ..

./ Tu jettes, misérable, une torche enflammée.».

Une anaphore saisissante fait aux v 45-46la synthèse: «Toute cette lumière, 1 C'est à toi, comprends donc, et c'est toi qui l'éteins.» · -J'accusation finale offre un contraste frappant entre l'énumération et le caractère abrupt du v57 «Et tu détruis cela toi ! » III2) Un déséquilibre significatif -le tutoiement du locuteur institue sa supériorité sur l'accusé -la disproportion des répliques est frappante: non seulement l'accusé n'a que deux répliques constituées en fait d'hémistiches, au début et à la fm du texte, mais le registre de langue qu'il emploie est d'une simplicité extrême: à l'accusation et au plaidoyer vibrant pour Je livre, la 2ème voix oppose une reconnaissance rudimentaire des faits : « Oui.

J'ai mis le feu là.

» · -la supériorité du juge s'affirme non seulement dans les accusation mais encore dans les impératifs du discours : « Ouvre un livre» v 30, f< Lis ces prophètes», v 32.

-la dernière réplique constitue une révélation foudroyante: l'accusé n'a pu connaître le pouvoir des livres puisqu'il ne savait pas lire ! Cette réplique finale donne un caractère tragique au texte en évoquant la fatalité de l'aveuglement.

Mais, loin d'abolir la démonstration, elle la renforce: s'il avait lu, l'insurgé n'aurait pas commis un tel crime.

Le fait qu'il soit analphabète dénonce l'obscurantisme d'ill! pouvoir oppressif et justifie l'existence des livres.

Conclusion : Par sa ferveur et son énonciation dramatique, ce texte constitue une ode vibrante au livre, au trésor d'intelligence qu'il représente et à sa force libératrice.

Il est, en lui-même, une preuve de ce qu'il démontre, la beauté des images et la vigueur du style emportant l'adhésion du lecteur.

La lutte contre l'ignorance et l'obscurantisme domine l'œuvre de V Hugo qui ajustement ainsi célébré le rôle du poète: « Peuples ! Ecoutez le poète ! Ecoutez le rêveur sacré ! Dans votre nuit, sans lui complète, Lui-seul a le front éclairé.

» « Fonction du poète», Les Rayons et es Ombr~ (1839). »

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