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Publius Ovidius Naso, dit Ovide - LES MÉTAMORPHOSES - Livre onzième

Publié le 22/02/2012

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ovide
Tandis que par ces accents le chantre de Thrace attire à lui les forêts et les bêtes sauvages, tandis qu'il se fait suivre par les rochers eux-mêmes, voici que les jeunes femmes des Ciconiens délirantes, la poitrine couverte de peaux de bêtes, aperçoivent du haut d'un tertre Orphée qui marie ses chants aux sons des cordes frappées par sa main. Une de ces femmes, secouant sa chevelure dans l'air léger : "Le voilà, s'écrie-t-elle, le voilà celui qui nous méprise !" Et elle frappe de son thyrse la bouche harmonieuse du chantre qui eut pour père Apollon ; mais la pointe, enveloppée de feuillage, y laisse seulement une empreinte sans la blesser. Une autre s'arme d'une pierre ; mais celle-ci, lancée à travers les airs, est vaincue en chemin par les accords de la voix et de la lyre ; comme si elle implorait le pardon de ces criminelles fureurs, elle vient tomber aux pieds d'Orphée. Cependant ses ennemies l'attaquent avec un redoublement d'audace, rien ne les arrête plus ; elles n'obéissent plus qu'à Érinys déchaînée ; la mélodie émousserait tous leurs traits, mais leurs clameurs retentissantes, la flûte de Bérécynthe au pavillon recourbé, les tambourins, les claquements des mains, les hurlements des bacchantes ont couvert le son de la cithare ; à la fin, n'entendant plus le poète, les pierres se sont teintes de son sang. Les premières victimes sont les animaux que ses accents retenaient encore immobiles d'admiration, des oiseaux innombrables, des serpents, toute une troupe de bêtes sauvages ; les Ménades ravissent à Orphée ce témoignage de son triomphe. Puis elles tournent contre Orphée lui-même leurs mains ensanglantées ; elles se rassemblent comme les oiseaux qui aperçoivent l'oiseau des nuits errant par hasard en plein jour ; semblable au cerf qui, condamné à périr le matin dans l'arène de l'amphithéâtre, est la proie des chiens, le poète voit ces femmes marcher sur lui et le frapper avec leurs thyrses, ornés d'un vert feuillage, qui n'étaient point faits pour cet office. Elles brandissent contre lui les unes des mottes de terre, les autres des branches arrachées aux arbres, d'autres des pierres ; tout va leur être bon pour armer leur fureur ; il se trouvait que des boeufs retournaient la terre sous le poids de la charrue ; non loin de là, préparant la récolte à force de sueurs, des paysans creusaient le sol rebelle de leurs bras vigoureux ; à la vue de cette troupe, ils prennent la fuite, abandonnant leurs instruments de travail ; dans la campagne déserte gisent épars les sarcloirs, les râteaux pesants et les longs hoyaux ; les Ménades, hors d'elles-mêmes, s'en sont emparées ; elles ont mis en pièces les boeufs aux cornes menaçantes ; alors elles reviennent en courant pour achever le chantre inspiré des dieux ; il leur tendait les mains, il prononçait des paroles qui, pour la première fois, restaient impuissantes ; rien n'était plus sensible à sa voix ; ces femmes sacrilèges lui donnent le dernier coup ; par cette bouche, ô Jupiter, qui s'était fait écouter des rochers et comprendre des bêtes sauvages, son âme s'exhale et s'envole dans les airs. Sur toi, Orphée, pleurèrent les oiseaux désolés et la multitude des bêtes sauvages et les durs rochers, et les forêts que tes chants avaient si souvent attirées ; pour toi, les arbres, se dépouillant de leur feuillage, faisant tomber leur chevelure, prirent le deuil ; les fleuves mêmes, dit-on, s'accrurent de leurs propres larmes ; les Naïades et les Dryades refoulèrent leurs voiles sous un manteau noir et laissèrent flotter leurs cheveux. Les membres de la victime sont dispersés çà et là ; tu reçois, ô fleuve de l'Hèbre, sa tête et sa lyre ; et alors, nouveau miracle, emportée au milieu du courant, sa lyre fait entendre je ne sais quels accords plaintifs ; sa langue privée de sentiment murmure une plaintive mélodie et les rives y répondent par des plaintifs échos. Maintenant ces débris quittent le fleuve de la patrie pour la mer où il les a conduits ; elle les dépose à Méthymne, sur le rivage de Lesbos. Là un horrible serpent s'élance vers cette tête laissée à l'abandon sur une plage étrangère, vers ces cheveux encore humides de la rosée des flots. Enfin Phébus arrive ; il repousse le serpent prêt à mordre ; il pétrifie sa gueule ouverte et l'immobilise béant, tel qu'il était, sous la forme d'un dur rocher. L'ombre d'Orphée descend sous la terre ; il reconnaît tous les lieux qu'il avait déjà vus auparavant ; dans les champs qu'habitent les âmes pieuses il cherche Eurydice ; il la trouve et la serre entre ses bras avides. Tantôt à côté l'un de l'autre ils parcourent ce séjour d'un même pas ; tantôt il suit sa compagne qui le guide, tantôt il marche devant elle : Orphée peut enfin se retourner sans crainte pour regarder son Eurydice. [...]

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