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Quand l'amour parle, il est le maître, et il parlera. Marivaux

Publié le 22/02/2012

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La comédie des Fausses confidences, d'où est extraite cette phrase (fin de la scène 2 de l'acte I), a été représentée en 1737, au Théâtre-Italien, pour la première fois. Dernier chef-d'oeuvre de Marivaux (1688-1763), Les Fausses confidences mettent fin à la période de pleine maturité. L'auteur de La Surprise de l'amour (1722), de La Double inconstance (1723), du Jeu de l'amour et du hasard (1730), du Triomphe de l'amour (1737), n'écrira plus ensuite que quelques pièces en un acte et, de 1746 à 1757, il s'éloignera même du théâtre. En 1737, les représentations de cette comédie ont reçu du public un accueil très réservé : il faut attendre un demi-siècle pour que l'on découvre enfin la qualité de ce chef-d'oeuvre. Du reste, il n'y a guère plus d'un siècle — depuis la fin du XIX' siècle — que l'on apprécie l'originalité du théâtre de Marivaux.
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« alors que Dorante est ruiné.

Mais, objecte Dubois,l'inégalité des conditions, empêchement pourtantmajeur, devrait céder devant la séduction physiqueque constituent la « bonne mine », et la « taille » qui, à elle seule, vaut bien un titre de noblesse (« il n'y a point de plus grand seigneur que vous à Paris: voilàune taille qui vaut toutes les dignités possibles », 1,2). Autre obstacle : Araminte est réputée « extrêmement raisonnable»; autant dire qu'avec elle, il y va du tout ou du rien, il faudra que l'extrême raison cède le pas devant l'extrême passion, à condition, bien entendu, que le charmede Dorante agisse : « DORANTE.

- Et tu me dis qu'elle est extrêmement raisonnable? DUBOIS.

- Tant mieux pour vous, et tant pis pour elle.

Si vous lui plaisez, elle en sera si honteuse, elle sedébattra tant, elle deviendra si faible, qu'elle ne pourra se soutenir qu'en épousant.

» (1, 2) Troisième obstacle, qui résulte des deux autres : la fierté, c'est-à-dire le sentiment personnel de supériorité maisaussi le sentiment de soutenir, vis-à-vis d'autrui, sa propre réputation.

Il est vrai qu'Araminte, en personne digne,raisonnable et riche, avait envisagé d'épouser le Comte : cette alliance aurait été motivée par un intérêt biencompris et elle aurait évité un procès, apprendra-t-on. Si Dorante l'emporte sur le Comte et conquiert Araminte, c'est que, dès le moment où, pour la première fois, ellerencontre Dorante, sans même savoir qui il est, tout se joue sur un regard.

Araminte vient d'apercevoir Dorante etveut aussitôt connaître son identité : elle souhaite le voir et l'entendre, avec la hâte d'une femme libre qui al'expérience de la réalité conjugale.

Ensuite, mais seulement ensuite, cette jeune veuve, éveillée sensuellement parDorante, s'interrogera sur le bien-fondé de son impulsion — réputation oblige ! C'est alors que, rassurée par Marton,sa suivante, elle décide sur-le-champ de prendre Dorante comme intendant : « ARAMINTE.

- Marton, quel est donc cet homme qui vient de me saluer si gracieusement, et qui passe sur laterrasse? Est-ce à vous à qui il en veut? MARTON.

- Non, Madame, c'est à vous-même.

ARAMINTE, d'un air assez vif.

— Eh bien, qu'on le fasse venir; pourquoi s'en va-t-il? MARTON.

- C'est qu'il a souhaité que je vous parlasse auparavant.

C'est le neveu de Monsieur Remy, celui qu'ilvous a proposé pour homme d'affaires. ARAMINTE.

- Ah! c'est là lui! Il a vraiment très bonne façon. MARTON.

- Il est généralement estimé, je le sais.

ARAMINTE.

- Je n'ai pas de peine à le croire : il a tout l'air dele mériter.

Mais, Marton, il a si bonne mine pour un intendant, que je me fais quelque scrupule de le prendre;n'en dira-t-on rien? MARTON.

- Et que voulez-vous qu'on dise? Est-on obligé de n'avoir que des intendants mal faits? ARAMINTE.

-Tu as raison.

Dis-lui qu'il revienne.

Il n'était pas nécessaire de me préparer à le recevoir; dès que c'estMonsieur Remy qui me le donne, c'en est assez; je le prends.

» (1, 6) L'émoi sensuel qui, pour le moment, coïncide avec ce qu'il est convenu d'appeler l'amour, voire, si l'on en croitDorante, la passion, prend naissance à la faveur d'une circonstance somme toute minime mais dont lesrépercussions auront une portée incalculable : Araminte ne sait pas encore que cette première rencontre avecDorante, opérée, si l'on peut dire, à distance et à première vue, décide de son destin amoureux. Comme le dit Marivaux dans son roman Pharsamon (1712) : « un rien finit les amours les plus tendres et les fait naître tour à tour».

Une fois déclenchée, la réaction en chaîne, savamment contrôlée par Dubois, mènera Araminte de ce « rien », qui cristallise le désir, à ce tout qui, moyennant estime et tendresse, deviendra une irrésistible passion.

Telle est,, en effet, la surprise de l'amour. Si Dubois n'y prenait garde, Araminte ne se soucierait guère de démêler ses sentiments envers Dorante : «Sans toi, je ne saurais pas que cet homme-là m'aime, et je n'aurais que faire d'y regarder de si près.

» lui fait-elle remarquer (II, 12).

C'est que tout l'effort de Dubois tend à précipiter la prise de conscience par Aramintede son amour pour Dorante.

Pour ce faire, il lui faut convaincre ou, plutôt, persuader Araminte qu'elle estpassionnément aimée, dans un premier temps; puis, il s'agit de faire en sorte qu'elle ne puisse consentir à congédierson intendant. Quand la «folie» amoureuse de Dorante paraît assez plausible pour qu'Araminte n'ait pas à s'en plaindre —elle en est. »

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