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A quel moment et pour quelles raisons une activité théorique peut-elle revendiquer le nom de science ?

Publié le 25/03/2011

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   CONSEILS PRÉLIMINAIRES    1. L'expression « activité théorique « peut surprendre. Il faut, pour la comprendre, donner au mot « théorique « son sens strict : « activité théorique « signifie activité qui a, pour but, la constitution d'une connaissance.    2. Corrélativement il est bon de se souvenir qu'il existe des activités théoriques qui ne revendiquent pas le nom de science (comme la philosophie par exemple) ou d'autres dont l'appartenance au domaine scientifique fait problème (cas de la psychologie et de l'histoire par exemple.)    3. Enfin, la formulation du sujet semble l'inscrire, au moins partiellement, dans une perspective historique (« à quel moment... «). Ce qui signifie qu'au cours de son histoire un certain type de connaissance peut changer de statut et devenir une science, (Voir la notion bachelardienne de « coupure épistémologique «).    PLAN    I. — La notion classique de scientificité : elle naît essentiellement d'une réflexion sur les sciences de la matière.    II. — Scientificité et anthropologie.    III. — Science et idéologie.

« * * * Le schéma que nous venons de décrire est entièrement tracé à partir d'une réflexion sur les sciences de la matièrequi, les premières, donnèrent au mot « sciences » son sens moderne.

Ceci nous permet de mieux cerner le problèmeque pose à l'épistémologue la constitution de disciplines théoriques nouvelles par leur objet, l'homme, et dontl'appartenance au discours scientifique est sujette à discussion. En effet, c'est au sujet de ces activités théoriques groupées sous le nom d'anthropologie que se pose surtout pournous la question de savoir à quel moment et pour quelles raisons une connaissance peut revendiquer le nom descience.

Il est en effet indiscutable que l'anthropologie moderne ne peut entrer strictement dans le cadre de ce quel'épistémologie physicienne appelle science.

La notion d'expérimentation, telle qu'elle se dégage d'une étude dudéveloppement des sciences de la matière, ne semble en aucun cas pouvoir être appliquée directement auxapproches « sur le terrain » de l'ethnologie ou à la pratique clinique de la psychanalyse. Il serait cependant vain de dénier le nom de sciences aux disciplines fondamentales de cette anthropologie (histoire,sociologie, ethnologie, linguistique) sous prétexte qu'elle ne correspondent pas à un.

concept de la science formé àpartir de l'étude du développement de certaines sciences particulières possédant un objet et des méthodesd'approche spécifiques. Prenons des exemples.

Il est évident que ni l'histoire, ni la psychanalyse ne peuvent satisfaire à l'exigence de ccrépétition à volonté » que la physique donne comme caractéristique du fait scientifique.

Si, dans les mêmesconditions, un phénomène physique se reproduit identique à lui-même, il n'en va pas de même pour un fait historiqueou clinique dont la spécificité résulte toute entière du fait que l'expression cc dans les mêmes conditions » n'a plusaucun sens dans le champ de la psychanalyse ou de l'histoire.

On voit que c'est la notion de /oi, constitutive del'épistémologie physique, qui ne trouve plus de champ d'application dans ce type d'activités théoriques.

Faut-il pourcela leur dénier toute objectivité ? Ne conviendrait-il pas plutôt de réenvisager ce concept de science, de l'élargir,voire de le différencier en l'enrichissant de ce que l'anthropologie moderne peut apporter d'irréductiblement nouveauau monde de la connaissance ? * * * On voit que nous sommes pris ici dans une sorte de cercle qui peut se formuler par l'alternative suivante : ou bienon prend le parti de limiter le domaine scientifique au seul champ de la connaissance de la matière.

Le concept descience forgé par une réflexion épistémologique sur ces seules sciences exclut dès lors la possibilité même d'unescientificité d'un nouveau type pouvant englober les connaissances objectives élaborées sur l'homme.

Ou bien ontente de déterminer un concept de science assez large pour désigner à la fois la connaissance objective du mondeet telle ou telle forme d'anthropologie tenue, par principe9 pour scientifique.

Problème de vocabulaire dont lapauvreté doit constituer une invite à nous dégager des prémisses qui permettent de le (mal) poser. Le concept de science possède une plasticité telle que, sous réserve de quelques aménagements, on pourratoujours l'appliquer ou refuser de l'appliquer à tel ou tel domaine de l'activité théorique.

En ce sens, poser leproblème de « l'appellation » d'un domaine de la connaissance, c'est poser un faux problème si on oublie que lafonction essentielle de la dénomination est de distinguer.

De quoi une activité théorique veut-elle se distinguer enrevendiquant le nom de science, quelle limite prétend-elle instaurer avec son propre passé en se disant scientifique,telle nous semblerait être la formulation la plus rigoureuse de la question de la scientificité d'un type déterminé deconnaissance. Ce qui caractérise l'idéologie préscientifique, c'est essentiellement son incapacité à se constituer une historicitépropre — c'est-à-dire à instaurer avec son objet un rapport évolutif.

Une entreprise qui se prétend théorique peutêtre déclarée idéologique lorsqu'elle ne parvient pas à instaurer une théorisation qui par son essentielle ouvertureconstitue une voie d'accès à son objet : alors se noue un dialogue de la théorie avec elle-même qui masque etrecouvre son objet sous prétexte de le dévoiler.

Une idéologie est, par nature, stagnante parce qu'elle refuse (et apour fonction de refuser) la confrontation épistémologiquement motrice du discours et de l'essentielle historicité dudévoilement de son objet.

Le critère essentiel de la scientificité est donc tout entier du domaine de la réussite, ccSi dans le travail que l'on fait sur des connaissances qui sont du domaine propre de la raison on suit ou non la voiesûre d'une science, c'est ce qu'on peut juger bientôt d'après le résultat.

» (E.

Kant.

Critique de la Raison pure,Préface 2e édition). Mais en quoi cette réussite consiste-t-elle ? Premièrement, une théorisation ne peut être dite scientifique que dans la mesure où elle entretient une relationdialectique avec une pratique.

Cette pratique n'est en aucune façon un résultat, une application de la théorie, elleen est facteur constitutif (expérimentation, clinique, etc.). Deuxièmement, cette pratique inscrit le théorique dans son objet, en fonde l'histoire en ce qu'elle constitue unobstacle absolu à une systématisation close et définitive du discours sur lui-même.

Ainsi Heidegger a peut-êtredonné la caractéristique essentielle de la scientificité en la définissant comme tâche infinie. C'est par le maintien de son unité à travers la médiation d'une pratique qui ouvre son horizon absolument qu'une. »

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