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Quel profit intellectuel et quel plaisir artistique avez-vous retirés de la lecture des Essais de Montaigne ?

Publié le 17/02/2011

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INTRODUCTION

Dès le XVIIe siècle, les Essais ont été considérés comme le livre de chevet (ou selon Huet le bréviaire) des honnêtes gens. Apprécié différemment par Pascal, par Voltaire ou par A. Gide, Montaigne a toujours été un « éveilleur des esprits « (Lanson). Par le commerce que l'auteur permet avec les anciens dont son livre est nourri et qui nous confronte avec des doctrines multiples, par les réflexions que nous imposent son jugement critique, ennemi de tout dogmatisme, et son appel à l'expérience de la vie, la lecture des Essais nous procure un incontestable profit intellectuel et, si la langue peut rebuter parfois au premier abord, bientôt la spontanéité du style émaillé d'images savoureuses procure un plaisir délicat.

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« Mais outre cette diversité des doctrines, il nous fait voir l'incertitude de nos propres jugements nous prenons laforce de nos convictions pour la preuve de leur vérité : « J'y suis tout entier, j'y suis voirement.

» Mais ce que noustenons aujourd'hui pour vrai, nous le rejetterons demain avec la même conviction (o.

c., t.

II, p.

17).

Cetteexpérience de la diversité de nos jugements doit nous servir de leçon : « Au moins faut-il devenir sage à ses propresdépens.

»Si nous ne pouvons atteindre à la certitude dans nos jugements, c'est que nos sens nous trompent et Montaignenous avertit de nous défier de leur témoignage.

« Notre jugement et les facultés de notre âme en général souffrentselon les mouvements et altérations du corps » (id., p.

41).

« Nos sens sont non seulement altérés, mais souventhébétés du tout par les passions de l'âme » (p.

4.5).

Montaigne nous met en garde contre toutes les puissancestrompeuses que Pascal dénoncera à son tour.

Mais c'est la valeur même de notre raison que Montaigne met encause : « D'autant que la raison va toujours, et torte, et boiteuse, de déhanchée, et avec le mensonge commeavec la vérité.

» Avertissement profitable parce qu'il incite à la fois à faire preuve d'esprit critique dans nosjugements et de tolérance envers les opinions d'autrui.

« Quoi qu'on nous prêche, quoi que nous apprenons, ilfaudrait toujours se souvenir que c'est l'homme qui donne et l'homme qui reçoit.

»Ainsi avertis des conditions difficiles de la quête de la vérité, nous pourrons apporter la prudence nécessaire dansnotre jugement sur notre « humaine condition »; qu'il s'agisse de la place de l'homme dans l'univers, de la valeur denos institutions ou de notre « moi » ondoyant et divers, nous saurons éviter toute présomption, tout en nousconformant à la maxime antique qui fait du « connais-toi toi-même » la clef de la sagesse. 3° « Savoir vivre cette vie » ou la quête de la sagesse. A.

Le profit d'un exemple.Faut-il considérer comme un profit intellectuel ce qui concerne le domaine de l'action de même que celui qui a trait àla connaissance? Sans doute, puisque Montaigne ne sépare guère de la sagesse la formation du jugement : « Il mesemble que les premiers discours de quoi on lui doit abreuver l'entendement, ce doivent être ceux qui règlent sesmoeurs et son sens, qui lui apprennent à se connaître et à savoir bien mourir et bien vivre » (o.

c., I, p.

48), et il ditencore qu'il n'est « science si ardue que de bien et naturellement savoir vivre cette vie ».

Il importe d'ailleurs moinsde lui demander la clef de la sagesse (lui-même nous avertit que « nous pouvons être savants du savoir d'autrui,mais nous ne pouvons être sages que de notre propre sagesse ») et il n'y a pas lieu d'examiner ici la valeur de sonart de vivre.

C'est sa propre quête de la sagesse qui peut nous être profitable, tant par l'exemple de ses hésitationset de son évolution que par la réflexion à laquelle nous invitent ses attitudes, en nous amenant à choisir le sens denotre vie. B.

Du stoïcisme au naturalisme.Riche d'enseignements est l'évolution de Montaigne qui affirme tout d'abord : « Le but de notre carrière, c'est lamort, c'est l'objet nécessaire de notre visée » (t.

I, p.

28), mais qui reconnaît plus tard à propos de la mort : « Ilm'est avis que c'est bien le bout, non pourtant le but de la vie » (III, 12).

Partageant l'enthousiasme de son ami LaBoétie pour les maximes de la sagesse stoïcienne, il se persuadait que l'essentiel est de s'entraîner à supporter lesmaux inévitables et de s'apprivoiser à l'idée de la mort; si le vulgaire croit pouvoir y échapper en n'y pensant pas,après les Anciens il répète que philosopher c'est apprendre à mourir.

Mais au terme de son oeuvre il constate qu'« àla plupart la préparation à la mort a donné plus de tourment que n'a fait la souffrance ».

C'est à la vie que va sonenthousiasme : « Pour moi, j'aime la vie et la cultive, telle qu'il a plu à Dieu nous l'octroyer...

Tout bon, il a fait toutbon...

Nature est un doux guide, mais non pas plus doux que prudent et juste...

C'est une absolue perfection, etcomme divine, de savoir jouir totalement de son être» (III, 13).Contradiction apparente, qui nous propose le choix entre l'effort de l'homme pour s'élever en dominant sa nature etla recherche du bonheur en se fiant à elle.

Leçon utile aussi parce qu'elle nous révèle le rôle respectif des doctrineset de l'expérience.

Le prestige des sages avait fait adopter à Montaigne leurs maximes, mais ne pouvait l'emportersur les tendances plus profondes de son tempérament, et surtout l'expérience lui a révélé l'inefficacité ou l'inutilitédes livres et des doctrines.

« Regardons à terre les pauvres gens que nous y voyons épandus...

qui ne savent niAristote ni Caton, ni exemple ni précepte : de ceux-là tire Nature tous les jours des effets de constance et depatience, plus purs et plus roides que ne sont ceux que nous étudions si curieusement en l'école » (III, 12).

Cetteleçon de l'expérience nous incite aussi à ne pas confondre l'emballement passager pour une doctrine avecl'engagement profond de notre être, et nous avertit que l'enseignement des maîtres et des livres (y compris celui deMontaigne) ne peut entièrement remplacer la voix de la Nature et l'essai de la vie. C.

Le sage dans la société: l'individualisme et le conservatisme en procès.C'est sans doute l'attitude de Montaigne à l'égard de la société qui peut, dans son art de vivre, exercer le plus lejugement critique des jeunes esprits et susciter un utile débat : tant par l'individualisme qui le retient de s'engagerpleinement au service d'autrui que par son conservatisme, ennemi de « toute nouvelleté ».a) Soucieux de son indépendance, Montaigne ne consent qu'à se prêter à autrui, mais ne veut se donner qu'à soi-même.

Évitant les tracas du maître de maison, il se refuse plus encore aux charges publiques et lorsqu'il s'y trouveengagé, il a soin de se réserver une arrière boutique.

« Le Maire et Montaigne ont toujours été deux.

» « La plupartde nos vacations sont farcesques », déclare-t-il.

Exemple qui serait dangereux s'il encourageait un égoïsme tropnaturel et un mépris de toute activité; mais profitable si nous savons distinguer de l'égoïsme l'attitude d'un hommequi déclare aussi : « J'ai pu me donner à autrui sans m'ôter à moi » (o.

c., II, p.

58) et « qui ne vit aucunement à. »

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