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En quel sens sommes-nous les auteurs de nos croyances ?

Publié le 27/03/2004

Extrait du document

Il ne dépend pas de nous de les fixer ou de les choisir par un acte arbitraire de la volonté : c'est avec loute notre âme que nous optons pour ou contre elles. Mais n'est-ce pas trop dire ? Les croyances les plus importantes sont les croyances religieuses et les croyances politiques. Or, on ne saurait le nier, ces croyances sont collectives : talis regio, talis religio. Ce fait ne montre-t-il pas que les croyances ne dépendent pas exclusivement de la personnalité de chacun ? Il faut le reconnaître, nos croyances né sont qu'en partie notre oeuvre : la société joue un rôle important dans leur formation. En effet, nous ne vivons pas isolément, mais plongés, presque sans défense, dans le milieu social. Aux jugements les plus absolus qui sont énoncés devant lui, le jeune enfant n'a point de réaction personnelle ; il enregistre passivement, et ainsi des croyances commencent à se former en lui sans lui. N'ayant aucun esprit critique par suite de son manque d'expérience, il est crédule, et accepte les récits les plus invraisemblables, les préjugés que rien ne fonde. Enfin l'enfant, imitateur par instinct, reproduit spontanément et comme mécaniquement les gestes et les mots de son entourage, créant ainsi des habitudes qui lui seront une seconde nature.

« Le bagage de croyance que porte l'homme à l'entrée de sa vie personnelle, c'est-à-dire au moment où il commenceà penser par lui-même, il l'a reçu tout prêt, ce n'est point son oeuvre : il faut le reconnaître.

Il faut reconnaîtreaussi que l'ensemble de l'humanité traîne ce bagage toute sa vie sans en faire l'inventaire et la critique, comme ellenégligera de faire la critique des apports nouveaux de chaque nouveau milieu.

Nous devrions conclure, parconséquent, que nous ne sommes pas les auteurs de nos croyances.Mais ces opinions que la routine a établies en l'homme, sont-elles des croyances ? Croire, c'est admettre commevrai.

Or ces opinions de la masse ne comportent pas un jugement : elles sont agies, non pensées.

L'homme réfléchipeut, au contraire, les discuter, expliquer leur origine, découvrir leur fondement, les penser.

« Un préjugé, a-t-ondit, est une raison qui 6'ignore.

» La raison découverte, il n'y a plus préjugé.

C'est ainsi que nous pouvons être lesauteurs de celles mêmes de nos croyances que nous avons reçues toutes faites, qui n'ont été pendant longtempsque des préjugée.De plus, la croyance est ordonnée à l'action et, par suite, impliquée dans l'action.

Une croyance qui reste dans ledomaine de la pensée et ne dirige pas la pratique perd vite de sa netteté et à la moindre difficulté s'évanouit.

Or, siles croyances de la masse sont agies, elles n'agissent pas, elles ne dirigent pas l'action; les gestes et les parolespar lesquels elles s'expriment sont commandés par la routine, le plus souvent par une routine collective.

Mais,parvenu à l'âge adulte, l'homme se trouve maître de ses actes encore plus que de ses pensées.

De lui il dépend devivre selon ce qu'il juge vrai pu de s'abandonner soit au hasard de ses caprices, soit à l'entraînement du milieu.

Ainsinous pouvons être indirectement les auteurs de nos croyances : elles se sont formées sans nous, peut-être; dumoins elles ne subsistent que grâce à nous.Plus grande est notre collaboration dans la formation des croyances que nous nous sommes faites depuis que nouspensons par nous-mêmes.En effet, nous ne sommes point passifs devant les diverses opinions qui se proposent à nous, entre les partis quinous demandent notre inscription.

Nous avons déjà, par suite de nos habitudes de pensée et de nos préférencessentimentales, une prédisposition personnelle qui nous oriente.

C'est bien nous, par conséquent, qui, dans ces cas,faisons nos opinions.Nous en sommes beaucoup plus les auteurs lorsque, parmi les influences qui s'exercent sur nous, nous faisons unchoix, réagissant contre les unes et nous laissant façonner par les autres.

Une intuition, obscure sans doute maissûre, nous montre dans tel ami ou dans tel auteur comme un écho de la voix qui nous appelle vers l'idéal, versl'actualisation complète de nous-mêmes.

C'est le moi profond qui fait appel à un autre pour se réaliser : le véritableauteur des croyances qu'enracineront en nous ces influences de choix ce sera lui.Il est enfin des croyances que nous pouvons nous former par la seule réflexion et par l'étude personnelle.

Neconstate-t-on pas fréquemment combien l'exercice du pouvoir modifie les opinions de certains hommes politiques.Parfois, peut-être, les premières professions de foi n'avaient-elles pour but que de flatter l'électeur et d'obtenir unmandat.

Mais dans d'autres cas le candidat était loyal dans ses déclarations et révélait bien sa pensée profonde.

Sises opinions ont changé, c'est que des circonstances nouvelles l'ont amené à réfléchir : de ses nouvelles croyancesil est vraiment l'auteur.Voilà donc que maintenant le rôle de l'individu dans la formation de ses croyances s'élargit et s'étend presque àl'infini.

A la limite, semble-t-il, toutes nos croyances pourraient être notre oeuvre, ou du moins le devenir. Cette limite est bien lointaine.

Mais il n'est pas mauvais d'avoir, d'une part; constaté à quelle distance nous ensommes : cette constatation nous rendra modestes; d'avoir, d'autre part, éveillé en nous le désir de nous enrapprocher : ce résultat serait inappréciable s'il est vrai que, comme le Faguet, « le plus bel effet que puisse avoirune éducation, c'est d'inspirer à l'élève le désir de refaire son éducation ».. »

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