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Quels problèmes pose la division du travail ?

Publié le 18/02/2004

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Cette solidarité est donc plutôt bienfaisante et ne pose pas de problèmes spéciaux. B. - Sous une forme plus spéciale et qui s'applique plus particulièrement à la vie économique, la division du travail devient la division du travail professionnelle, la spécialisation des métiers. C'est un fait que les métiers se sont spécialisées à mesure que les groupes sociaux s'étendaient et s'accroissaient en volume. Nous pouvons le constater même de nos jours, où l'on voit, par exemple, cette spécialisation beaucoup plus accusée dans une grande ville que dans un petit village où un artisan exerce souvent plusieurs métiers à la fois. - Quelles sont les conséquences ce cette spécialisation ? 1° Durkheim n'a pas craint d'étendre à la division du travail professionnelle les conclusions optimistes qu'il a formulées pour la division du travail social en général. Selon lui, la «solidarité organique» qui en résulte permet à la personnalité de l'individu de se manifester, tandis que la solidarité mécanique ne pouvait se développer « qu'en raison inverse de la personnalité ». Elle fait que le droit répressif cède de plus en plus la place au droit coopératif ou contractuel : c'est ainsi qu'on voit notre Code de Commerce réglementer les contrats spéciaux « entre le commissionnaire et le commettant, entre le voiturier et l'expéditeur, entre le porteur de la lettre de change et le tireur, entre le propriétaire du navire et ses créanciers, entre le premier et le capitaine, entre le fréteur et l'affréteur, entre le prêteur et l'emprunteur à la grosse, entre l'assureur et l'assuré » (Div. du travail social, p.
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« II.

La division du travail technique. Mais la seconde forme de division du travail pose des problèmes bien plus graves encore.

L'emploi des machines et les progrès de latechnique moderne ont amené une décomposition de l'acte du travail en gestes élémentaires : c'est cela qui constitue la division dutravail technique.

Quels sont ses effets ? A.

— 1° C'est d'abord cette fragmentation même qui, comme l'a montré G.

FRIEDMANN (Le travail en miettes, p.

28), provoque«l'éclatement des tâches » qui présentaient autrefois une unité réelle.

On est parvenu ainsi à « émietter » le travail en « unités de travail »de plus en plus minuscules. 2° Ce morcellement du travail aboutit lui-même à une automatisation extrême, à un véritable robotisme comme a dit un psychanalysteaméricain (Erich Fromm).

« Le technicien, voyant essentiellement dans l'homme un instrument, s'ingénie à ce que tout soit pour luipréparé à l'avance, afin qu'il fonctionne le plus rapidement et le plus efficacement » et qu'en somme il n'ait plus besoin de penser (Ouv.cité, p.

237).

C'est la réponse que faisait déjà vers 1910 l'ingénieur américain F.

W.

TAYLOR, le père de l'organisation « rationnelle » dutravail, à un ouvrier qui se plaignait d'être réduit à l'état de machine : « Vous n'avez pas à penser : il y a ici d'autres gens qui sont payéspour cela ».

Plus récemment (1948), le manager d'une usine anglaise d'automobiles déclarait : « Nous cherchons à réduire au minimuml'habileté.

» Et de fait, pour ces tâches toutes mécaniques, l'apprentissage n'est même plus nécessaire ou est réduit au minimum(FRIEDMANN, O.

c., p.

29). 3° Il résulte de là que la division du travail ainsi comprise établit un véritable divorce entre l'homme et son travail.

Alors que le travailnormal doit être l'expression de la personnalité humaine et qu'il contribue même à son équilibre, le travail émietté et automatisé estdépersonnalisé ; l'homme s'y trouve, comme disait Hegel, « aliéné » de lui-même.

Le travailleur devient étranger à son propre travail ; ilpeut l'accomplir inconsciemment, comme une machine, et un psychotechnicien anglais prévoit même « que le travail devra se compléter,dans un proche avenir, d'écouteurs aux oreilles qui permettront à chacun des opérateurs et opératrices soigneusement sélectionnés,adaptés à des tâches médullaires et réflexes, d'entendre [pendant leur travail] des émissions radiophoniques de leur choix» (FRIEDMANN,Où va le travail humain ?, p.

337). 4° Il arrive même que, par suite de la rupture de ses liens avec le milieu naturel, par suite de l'obligation où il se trouve de répartir sesgestes dans un temps artificiel, soigneusem ent minuté et sans cesse accéléré, le travailleur, en présence de la seule machine dont il nepeut arriver à battre le rythme inflexible, en vienne à souffrir de déséquilibres psychiques qui mettent en péril sa santé mentale. B.

— On le voit : le problème que pose la division du travail technique est de faire en sorte de restituer au travail son caractère humain.Mais comment y parvenir ?1° Certains ont pensé que si l'automatisation u travail produit ces résultats désastreux, c'est qu'elle n'est pas poussée assez loin.Beaucoup des opérations que l'homme accomplit en ore à la main, peuvent en effet être accomplis par des machines, on peut penserqu'à la limite, comme le prévoyait l'industriel Henry FORD, l'homme deviendrait un simple conducteur de machines, ce qui restituerait àson travail « une certaine universalité» en le rendant apte à «exécuter des besognes assez diverses et à les exécuter intelligemment ».Ceci ouvrirait les perspectives d'une « valorisation intellectuelle » du travail, ce que les Américains ont appelé son upgrading, c'est-à-direl'élévation de son statut intellectuel et moral dans l'entreprise.

C'est ce qui se produit déjà dans le personnel d'entretien et de réparationdes machines lequel est redevenu dans une certaine mesure «polyvalent ».

— De nos jours, l'automation (on sait qu'on appelle ainsi unmode de travail où le contrôle même des machines est exercé par des machines), l'emploi des machines électroniques tendent, nous dit-on, à libérer l'homme de toutes les tâches, même mentales (machines à calculer), présentant encore un caractère automatique.

Mais il ya bien des réserves à faire, objecte G.

FRIEDMANN, sur «les ferveurs et les illusions des prophètes de l'automation ».

D'abord, elle est loinde pouvoir s'étendre dès aujourd'hui à tous les secteurs, et son programme exige, à vrai dire, « une rénovation économique et sociale siprofonde qu'elle équivaut à une révolution» (Le travail en miettes, p.

263).Et d'autre part, «une société où l'automation aurait supprimé les tâches d'exécution, réduit considérablement la durée du travail, privél'individu de l'élément fondamental d'équilibre psychologique et de réalisation personnelle que le travail lui avait, en bien des cas,traditionnellement assuré, une telle société ne conduirait qu'à rendre plus aiguë la nécessité de placer le centre de l'accomplissementhumain dans le temps libre, le loisir actif » (Ibid., p.

18). 2° Il est, en effet, une autre solution possible : puisque l'automatisation réduit la durée du travail, c'est dans les loisirs que l'homme doitrechercher le libre épanouissement de ses activités supérieures.La vie véritable de beaucoup de travailleurs, écrivait G.

FRIEDMANN en 1950 (Où va le travail humain ?, p.

257), ne peut être vécue quedans le loisir.

» De fait, on constate chez la plupart un besoin de s'évader du milieu technique et de revenir à la nature (camping, etc.),dès que les congés, « ponts », week-ends le leur permettent.

Remarquons cependant ce qu'il y a d'anormal à ce que l'homme soit obligéde chercher la réalisation de lui-même en dehors de son travail.

N'est-ce pas reconnaître que le travail morcelé et automatisé a perdu toutcaractère humain ? Et «est-ce que, demande G.

FRIEDMANN en 1956 (Le Travail en miettes, p.

257), le transfert du centre de l'activité etde la réalisation personnelles vers les loisirs garantit des avantages équivalents, des vertus psychologiques comparables à celles dutravail professionnel ? » D'autre part, sortant de l'automatisme et du monde des machines, l'homme se retrouve, dans ses loisirs mêmes,en présence de l'automatisme et des machines : « Cinéma, radio, télévision ont pris sur le globe une telle extension qu'à eux seuls ilsconstituent des sortes de révolutions dans les loisirs humains : Paul, ouvrier, à peine sorti du machinisme industriel, est saisi dans lemachinisme des transports et des loisirs » (Où va..., p.

22).

Bien souvent, d'ailleurs, diminué mentalement par son travail, l'homme n'aplus le courage de se hausser à des distractions intelligentes ; il se contente « d'excitants de toutes sortes, jeux de hasard et paris,alcool, divertissements brutaux comme les " stock-cars " et spectacles de masse prétendus " sportifs " ou " artistiques ", boxe, catch,courses de bolides, films de terreur et de crime » et ainsi il risque d'être « dégradé par ses loisirs » mêmes (Trav.

en miettes, p.

183 et262).30 Est-ce à dire qu'il n'y ait aucun remède ? a) L'auteur que nous avons mainte fois cité ci-dessus, signale qu'assez souvent on a réussi àregrouper et à recomposer des travaux préalablement morcelés et que, très rapidement, la vitesse de production y a rejoint celle dutravail « en miettes ».

Ailleurs, on a eu recours à l'alternance des tâches et à la constitution d'équipes «volantes» composées d'ouvrierspluri-spécialisés capables de se remplacer les uns les autres et auxquels on laisse la liberté de s'organiser comme ils l'entendent (Ibid.,p.

61-62).

— b) Mais, par dessus tout, ce qui est nécessaire, c'est; « un supplément d'humanité » et une culture orientée vers un nouvelhumanisme (Ibid., p.

244 ; Où va..., p.

303-311).

Ce n'est pas en élevant un autel à une nouvelle idole, la Technique [et en s'acharnant,comme on le fait actuellement en France, à détruire ce qui était notre dernier atout dans la concurrence mondiale : notre culturetraditionnelle] 1, qu'on résoudra la question.

Un ancien ingénieur des Arts et Manufactures, aujourd'hui président de l'Académie desSciences, concluait récemment des considérations sur les méthodes d'investigation scientifique en disant : « Dans ces considérations, onse prononce implicitement comme préconisant la culture générale et par conséquent on prend position dans c problème essentiel et cetteattitude, fondamentale à l'heure actuelle, où on les met en face de la spécialisation à outrance développée à l'extrême aux États-Unis »(A.

PORTEVIN).

Sous des formes et à des niveaux divers, c'est cette culture générale qui, est indispensable à l'ingénieur comme ausavant, à l'ouvrier comme au technicien. Conclusion. La division du travail, sous toutes ses formes, mais surtout, de nos jours, sous celle de la division du travail technique, pose de graves problèmes qui engagent, soit l'organisation de la vie sociale dans son ensemble, soit tout le système d'éducation.. »

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