Ce qui est naturel est-il normal ?
Publié le 18/06/2012
Extrait du document
....
«
LA NATURE
2.
C'est compréhensible, excusable _______ _
Des conduites qui dépendraient de notre
nature
• Ce qu'on dit être «naturel», ce n'est pas seulement
qu'une femme par exemple désire avoir des enfants ou
qu'une mère aime ceux qu'elle a mis au monde.
Le mot
«c'est naturel» s'appliquera non seulement aux conduites
«normales» de ces personnes, mais aussi à certaines
manières d'agir, même «anormales» (aux deux sens du
mot), lorsque celles-ci paraîtront clairement explicables
par leur «nature» même.
• Ne dit-on pas d'une mère qui cherche par exemple à
aider ou à protéger son enfant d'une manière plus ou
moins honnête, que sa conduite est peut-être blâmable,
mais finalement, «au fond, bien naturelle»? On a en effet
le sentiment qu'en agissant de la sorte cette mère se
conforme à ce que sa nature de mère lui dicte.
On com
prend donc ses réactions, et même on les excuse.
«C'est
naturel» : n'est-ce pas justifié par la «nature» même de la
personne.
De façon analogue, «c'est humain» s'applique
à des attitudes qu'on croit pouvoir rattacher à la «nature»
humaine et, par là, excuser.
Les lois de la nature
• Si donc paraît naturel un comportement qu'explique la
«nature» de celui qui agit, on comprend que l'expression
«c'est naturel» suggère encore l'idée que le comporte
ment a quelque chose de spontané, de nécessaire.
Il ne
serait pas calculé, ne résulterait pas d'une réflexion mais
s'expliquerait plus par une sorte d'instinct que par une
véritable décision volontaire.
• Autrement dit, on ne peut reprocher à quelqu'un de se
conduire selon les lois de sa nature : celles-ci paraissent
d'abord plus fortes que lui, elles guident sa volonté.
• Mais peut-on tenir pour vraies les idées que suggère
de la sorte une expression commune? Ne sommes-nous
pas en présence d'idées reçues, d'opinions dont l'évi
dence doit être interrogée sur le plan philosophique?
3.
Interrogations ____________ _
Le problème moral
• «C'est par la maternité que la femme accomplit inté
gralement son destin physiologique; c'est là sa vocation
"naturelle" puisque tout son organisme est orienté vers la
perpétuation de l'espèce», écrit Simone de Beauvoir (Le
deuxième sexe, 1949, Idées, Il, p.
134).
Sur ce plan, il
est donc tout naturel qu'une femme ait des enfants.
Mais,
ajoute l'auteur,« la société humaine n'est jamais abandon
née à la nature».
• En effet, «la nature ne saurait jamais dicter de choix
moral; celui-ci implique un engagement» (p.
197).
Un acte
qui résulterait mécaniquement de l'être naturel serait sans
aucune valeur morale : les battements du cœur ou la res
piration, comme mécanismes biologiques, ne sont ni bons
ni mauvais.
Pour avoir une valeur morale, une conduite
doit d'abord être voulue par une conscience libre, qui
aurait pu choisir une autre conduite.
La question de la liberté
• C'est donc la liberté de la personne qui pourrait être
22 mise en cause par la formule banale: c'est naturel, appli-
quée à ses conduites.
L'idée d'une conscience qui tra
vaille à se libérer des déterminismes qui peuvent peser
sur elle est remplacée par l'idée d'un destin dont on
prétend constater qu'il explique et excuse les comporte
ments.
Cette femme n'avait pas le choix.
Elle a fait «natu
rellement» ce que sa «nature» rendait nécessaire ou fatal.
Mais est-il légitime de parler ici de «nature»?
La nature : une coutume?
• «Les pères, écrit Pascal, craignent que l'amour natu
rel des enfants ne s'efface.
Quelle est donc cette nature,
sujette à être effacée? La coutume est une seconde
nature, qui détruit la première (Pensées, no 93 de
l'éd.
Brunschvicg, Hachette).
Nous sommes peut-être
dans l'illusion lorsque nous disons «c'est naturel» et pen
sons : telle est la nature de l'homme (ou de tel homme).
Nous connaissons alors ce qui, en nous, résulte d'une
éducation.
Nous prenons pour attitude innée ce qui est le
fruit d'un apprentissage, pour instinctif ce qui est acquis.
• «Mais qu'est-ce que nature?» interroge encore Pascal..
»
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