Ce qui est possible est-il toujours souhaitable ?

 C'est pourquoi toutes les conséquences d'un temps de guerre où chacun est l'ennemi de chacun, se retrouvent aussi en un temps où les hommes vivent sans autre sécurité que celle dont les munissent leur propre force et leur propre ingéniosité. Dans un tel état, il n'y a pas de place pour une activité industrieuse, parce que le fruit n'en est pas assuré : et conséquemment il ne s'y trouve ni agriculture, ni navigation, ni usage des richesses qui peuvent être importées par la mer ; pas de constructions commodes ; pas d'appareils capables de mouvoir et d'enlever les choses qui pour ce faire exigent beaucoup de force ; pas de connaissances de la face de la terre ; pas de lettres ; pas de société ; et ce qui est le pire de tout, la crainte et le risque continuels d'une mort violente ; la vie de l'homme est alors solitaire, besogneuse, pénible, quasi animale, et brève. »   Transition : L'état de nature, dans lequel tout ce qui est possible est permis ne semble donc pas souhaitable, mais comment éviter cette situation ?      2.    Il est cependant plus souhaitable de sortir de l'état de nature.   a)    Ce qui est souhaitable, c'est ce qui est possible à la société, et non à l'individu pris isolément. Et, en retour, la société permet de développer les capacités de l'individu. Texte : Spinoza, Traité théologico-politique, chapitre 16, traduction Charles Appuhn. « Il n'en est pas moins vrai, personne n'en peut douter, qu'il est beaucoup plus utile aux hommes de vivre, suivant les lois et injonctions certaines de la Raison, lesquelles tendent uniquement, comme nous l'avons dit, à ce qui est réellement utile aux hommes. En outre il n'est personne qui ne désire vivre à l'abri de la crainte autant qu'il se peut, et cela est tout à fait impossible aussi longtemps qu'il est loisible à chacun de faire tout ce qui lui plaît, et qu'il n'est pas reconnu à la Raison plus de droits qu'à la haine et à la colère ; personne en effet ne vit sans angoisse parmi les inimitiés, les haines, la colère et les ruses, il n'est personne qui ne tâche en conséquence d'y échapper autant qu'il est en lui.

Analyse du sujet : Ce qui est possible = ce qu'on peut faire de fait (dépend de la puissance, de la force), ce qu'on a le droit de faire (dépend des lois). Ce qui est souhaitable = ce que nous avons envie de faire, que nous voulons faire, ce qui nous est utile ou profitable, ce qui contribue à notre bonheur, ce que la morale permet.     « toujours « implique ici qu'on ne demande pas si ce qui est possible est parfois souhaitable, mais s'il n'y a pas d'exception. Peut-on dire que ce qui est possible est souhaitable dans tous les cas. À ce niveau de l'analyse, il peut être très utile de raisonner sur des exemples : Si je suis plus fort, plus rapide, etc., que mon voisin, il m'est possible (de fait) de le tuer. Est-ce souhaitable ? Pour moi ? Pour lui ? Sur cet exemple, on arrive à dégager une nouvelle distinction : ce qui est possible pour quelqu'un peut être souhaitable pour lui, mais pas pour son voisin, ou inversement, ou n'être souhaitable pour personne.     Autre exemple : il m'est possible (de fait et légalement permis) de me suicider, mais est-ce souhaitable pour l'espèce ? On voit donc qu'il faut distinguer plusieurs personnes ou groupes de personnes pour qui quelque chose peut-être souhaitable : l'agent, ceux qui subissent l'action, la société, l'espèce, etc. Il m'est légalement possible de fumer, est-ce souhaitable ? Si on mène le raisonnement à son terme : si tout ce qui est possible est souhaitable, cela signifie qu'il est souhaitable (pour moi et pour les autres) que je fasse tout ce qui est en mon pouvoir ; mais il est alors également souhaitable que mon voisin fasse tout ce qui est en son pouvoir. On finit nécessairement par être confronté à un conflit d'intérêt. Ce qu'il me sera possible de faire (et qui sera donc considéré comme souhaitable), c'est ce que j'aurai le pouvoir de faire, en tant que je n'en serai pas empêché par le pouvoir d'autrui. Problématisation possible : On arrive donc à un double problème : 1.    tout ce qui est possible est-il bon (et pour qui ?), et par-là même souhaitable (ou alors peut-on souhaiter le mal) ? 2.    comment, dans ces conditions, éviter la loi du plus fort ?