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En quoi consiste la théorie de l'unité de composition des sensations et quelle valeur convient-il de lui accorder ?

Publié le 06/03/2011

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   A. — S'il n'est pas possible d'admettre avec l'empirisme que la connaissance est constituée par le pur entassement des sensations dans l'esprit, il faut reconnaître que ces dernières en forment les matériaux nécessaires, qu'elles représentent les données indispensables supposées par toute l'activité organisatrice de la pensée. Telles qu'elles se présentent à la conscience, elles paraissent être autant d'états hétérogènes, posséder chacune une qualité distincte, être ainsi spécifiquement différentes. Par exemple, celles de la vue, c'est-à-dire les couleurs, semblent être irréductibles à celles de l'ouïe, c'est-à-dire aux sons ; de même celles du toucher, c'est-à-dire les contacts, ne sauraient, croyons-nous, être ramenées à celles du goût, c'est-à-dire à des saveurs. Bref, d'un genre à l'autre nous estimons le passage impossible.

« constitue que des modifications subjectives, ainsi que Démocrite dans l'antiquité et plus tard Descartes l'avaientdéjà proclamé, que la seule énergie réelle est l'« énergie cinétique », le mouvement, et que c'est seulement parceque ce dernier agit sur nous dans des conditions différentes que nous éprouvons des sensations différentes.

C'estdire qu'elle-même reconnaît que nos sensations sont diverses et constituent autant d'états hétérogènes.

Commentdonc l'invoquer pour prétendre que cette spécificité est illusoire ? — Sans doute on objectera le cas des synthèseschimiques : ce nouvel argument est, lui aussi, dépourvu de toute valeur.

En effet, objectivement, le composé n'estpas différent des éléments composants ; même il ne saurait l'être, car alors il faudrait admettre une création absoluedont la science proclame elle-même l'impossibilité.

Si le composé se distingue des éléments dont il est formé, c'estseulement dans nos représentations ; ce sont nos sensations qui se présentent comme formant une diversité,comme ayant des qualités propres.

Certes la science a établi qu'en eux-mêmes, tel qu'ils existent en dehors de nosreprésentations, les corps que volontiers! nous séparons les uns des autres sont constitués par des élémentsidentiques ; mais elle-même commence par admettre qu'ils nous apparaissent comme différents, qu'ils le sont dansnos représentations, c'est-à-dire que nos représentations sont différentes.

C'est donc en vain que l'on invoque sontémoignage pour soutenir que nos représentations sont identiques.

— Au surplus, toutes les analogies par lesquelleson peut être tenté de passer du monde extérieur au monde intérieur peuvent être à priori considérées commespécieuses.

C'est qu'en effet tant qu'il s'agit seulement du premier, il est permis de se demander si l'apparence estconforme à la réalité, ou plutôt il est certain que l'apparence n'est pas conforme à la réalité ; en elle-même, lanature n'est pas identique à ce qu'elle nous est donnée dans nos représentations.

Mais dès qu'il s'agit de l'autre, decelui qui nous est immédiatement présenté dans la conscience, la question ne se pose plus ; il n'y a plus à distinguerl'apparence et la réalité ; chaque état est absolument ce qu'il apparaît et cela parce qu'il est vécu, expérimenté ;l'être est ce qu'il apparaît, tel qu'il apparaît, et ce qui apparaît est : bref, la réalité et l'apparence coïncident.

Nossensations sont donc telles qu'elles nous apparaissent, et telles qu'elles nous « apparaissent » elles « sont » ; ellesconstituent des réalités absolues ; il est absurde de se demander si par dessous »les sensations que nouséprouvons, il n'y aurait pas d'autres sensations que nous n'éprouvons pas, qui seraient plus réelles que celles dontnous avons le sentiment immédiat, qui seraient les vraies sensations.

— Reste, il est vrai, d'argument tiré del'expérience : celui-ci non plus n'a pas de valeur.

C'est en effet une erreur de prétendre que si une certaineexcitation est suivie d'une sensation, tout fragment de cette excitation doit nécessairement déterminer un fragmentde cette sensation.

Pour qu'une impression franchisse le « seuil de la conscience », c'est-à-dire pour qu'elle arrive àdéterminer une sensation, il faut qu'elle possède une certaine intensité ; en-deçà de cette limite, la sensationn'apparaît pas, et c'est un sophisme de déclarer qu'il y a encore une sensation, une sensation fragmentaire.

Aussideux sensations de qualité différente ont beau répondre à deux excitations de qualité différente, l'on ne sauraitprétendre que cette différence qualitative n'est en somme qu'une différence quantitative, que les deux sensationsreprésentent seulement deux systèmes plus ou moins complexes d'éléments homogènes.

C'est illégitimement qued'on projette dans la sensation une divisibilité analogue à celle qu'on a le droit de placer dans l'excitation.

— Endéfinitive, toute la théorie de l'unité de composition des sensations suppose un « atomisme psychologique » qui estune pure fiction, introduit dans la conscience une chimie tout hypothétique, postule aussi entre de physique et lemoral un parallélisme qui n'existe pas.

Aussi c'est en vain que Spencer et Taine croient pouvoir trouver dans le «choc nerveux » la sensation élémentaire dont toutes les autres ne seraient que des synthèses.

On aura beau dequelque façon que l'on voudra combiner avec elle-même cette sensation fondamentale, c'est-à-dire en définitivecette sensation de contact ; de sensations de contact il est absolument impossible de faire sortir autre chose quedes sensations tactiles, rien qui ressemble à des sensations de couleur ou de saveur : celles-ci sont par rapport auxautres quelque chose d'absolument nouveau. E.

— Il est donc nécessaire de prendre les sensations pour ce que la conscience nous les donne, c'est-à-dire pourspécifiques et hétérogènes.

Chaque sensation possède une qualité irréductible.

Peut-être en son essence dernièrela nature extérieure est-elle profondément une ; mais par cela même qu'elle vient se mettre en rapport avec nous,d'emblée elle revêt pour nous toute une diversité d'aspects, se pare de toute une multiplicité de nuances ; si nousdisposions de sensations plus nombreuses, aussitôt elle se présenterait à nous avec une richesse de qualitésqu'avec notre constitution actuelle nous ne pouvons même pas soupçonner ; si notre registre de sensations étaitmoins étendu, du même coup elle se trouverait énormément appauvrie.

Sans doute toutes les propriétés dont ainsinous la dotons n'existent qu'en nous ; elles se ramènent à des modifications de notre esprit.

En tout cas,précisément parce que tout cela existe en nous, est vécu, expérimenté par nous, tout cela est bien tel qu'il est ennous.

Aussi faut-il tenir pour absolues, irréductibles les sensations qui sont les données immédiates de notreconscience, au-delà desquelles par conséquent nous ne saurions aller.. »

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