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De quoi pouvons-nous être sûrs ?

Publié le 22/03/2004

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« Le corps, en effet, n'est qu'une portion de matière, ayant une forme, et susceptible de recevoir du mouvement. La pensée est radicalement différente, c'est la faculté de concevoir, imaginer, sentir, vouloir. Descartes ne nie pas que -en l'homme- il y ait interaction du corps et de la pensée, et il consacrera même un ouvrage, « Les Passions de l'âme « (1649), à ce qu'on nommerait aujourd'hui biologie des passions. Mais il jette grâce au dualisme les bases de la science moderne, en limitant la physique à l'étude de la matière et de ses propriétés. Il faut se souvenir qu'Aristote considérait l'étude de l'âme comme le couronnement de la physique, et que Pascal aura à batailler contre l'idée que la « nature a horreur du vide «, comme si la matière était animée d'intention. v    D'autre part, dans l'expérience du « cogito «, du « je pense «, je prends conscience de moi-même comme pensée. Cela amènera notre auteur à identifier pensée et conscience, ce que contestera, outre Leibniz & Spinoza, Freud.   Avec le « je pense donc je suis «, Descartes place la conscience, le sujet, à la racine de toute connaissance possible. La conséquence essentielle est le primat de la conscience, et sa différence d'avec la matière. Redonner à l'homme une place dans un univers infini et vide de Dieu, assurer la dignité de la conscience, et jeter les bases de la science moderne, tels sont les objectifs que la métaphysique cartésienne s'est assignée.

• De quoi pouvons-nous être sûrs ? Il est donc humainement possible d'être sûr des choses les plus invraisemblables ou les plus incertaines. La question ne signifie donc pas « de quoi sommes-nous capables d'être sûrs « car la réponse serait simplement : de tout. La formulation exacte de la question serait par conséquent : de quoi pouvons-nous légitimement être sûrs ? Ou encore: de quoi pouvons-nous être vraiment sûrs ?

« • Le cogito:Une certitude échappe cependant au pouvoir du malin génie : que mespensées soient ou non erronées, tant que je pense, je suis.

Cette affirmationest d'une évidence absolue et aucune hypothèse ne peut la remettre enquestion.

À la question de savoir de quoi je puis être sûr, Descartes réponddonc je suis, j'existe, cela est certain.

C'est sur cette certitude, complétéepar celle de l'existence d'un Dieu vérace, que pourront se fonder toutes lesautres connaissances. Cette phrase apparaît au début de la quatrième partie du « Discours de la méthode », qui présente rapidement la métaphysique de Descartes . On a donc tort de dire « Cogito ergo sum », puisque ce texte est le premier ouvrage philosophique important écrit en français. Pour bien comprendre cette citation, il est nécessaire de restituer le contextedans lequel elle s'insère.

Le « Discours de la méthode » présente l'autobiographie intellectuelle de Descartes , qui se fait le porte-parole de sa génération.

Descartes y décrit une véritable crise de l'éducation, laquelle ne tient pas ses promesses ; faire « acquérir une connaissance claire & assurée de tout ce qui est utile à la vie ». En fait, Descartes est le contemporain & le promoteur d'une véritable révolution scientifique, inaugurée par Galilée , qui remet en cause tous les fondements du savoir et fait de la Terre, jusqu'ici considérée comme le centre d'un univers fini, une planète comme les autres.

L'homme est désormais jetédans un univers infini, sans repère fixe dans la nature, en proie au doute sur sa place et sa fonction dans un universlivré aux lois de la mécanique.

Or, Descartes va entreprendre à la fois de justifier la science nouvelle et révolutionnaire qu'il pratique, et de redéfinir la place de l'homme dans le monde. Pour accomplir cette tâche, il faut d'abord prendre la mesure des erreurs du passé, des erreurs enracinées en soi-même.

En clair, il faut remettre en cause le pseudo savoir dont on a hérité et commencer par le doute : « Je déracinais cependant de mon esprit toutes les erreurs qui avaient pu s'y glisser auparavant.

Non que j'imitasseen cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter ; car, au contraire, tout mon dessein ne tendait qu'àm'assurer, et à rejeter la terre mouvante & le sable, pour trouver le roc & l'argile.

» (« Discours de la méthode », 3ième partie). Ce qu'on appelle métaphysique est justement la discipline qui recherche les fondements du savoir & des choses, quitente de trouver « les premiers principes & les premières causes ».

Descartes , dans ce temps d'incertitude et de soupçon généralisé, cherche la vérité, quelque chose dont on ne puisse en aucun cas douter, qui résiste à l'examenle plus impitoyable.

Cherchant quelque chose d''absolument certain, il va commencer par rejeter comme faux tout cequi peut paraître douteux. « Parce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensais qu'il fallait [...] que je rejetassecomme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait pointaprès cela quelque chose [...] qui fut entièrement indubitable. » Le doute de Descartes est provisoire et a pour but de trouver une certitude entière & irrécusable. Or il est sûr que les sens nous trompent parfois.

Les illusions d'optique en témoignent assez.

Je dois donc rejetercomme faux & illusoire tout ce que les sens me fournissent.

Le principe est aussi facile à comprendre que difficile àadmettre, car comment saurais-je alors que le monde existe, que les autres m'entourent, que j'ai un corps ? Entoute rigueur, je dois temporairement considérer tout cela comme faux. A ceux qui prétendent que cette attitude est pure folie, Descartes réplique par l'argument du rêve.

Pendant que je rêve, je suis persuadé que ce que je vois et sens est vrai & réel, et pourtant ce n'est qu'illusion.

Le sentiment quej'ai pendant la veille que tout ce qui m'entoure est vrai & réel n'est donc pas une preuve suffisante de la réalité dumonde, puisque ce sentiment est tout aussi fort durant mes rêves.

Par suite je dois, si je cherche la vérité :« feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées en l'esprit n'étaient non plus vraies que l'illusion dessonges ». Mais le doute de Descartes va bien plus loin dans la mesure où il rejette aussi les évidences intellectuelles, les vérités mathématiques.

« Je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations.

» Nous voilà perdu dans ce que Descartes appelle « l'océan du doute ».

Je dois feindre que tout ce qui m'entoure n'est qu'illusion, que mon corps n'existe pas, et que tout ce que je pense, imagine, sens, me remémore est faux.

Cedoute est radical, total, exorbitant.

Quelque chose peut-il résister ? Vais-je me noyer dans cet océan ? Où trouver« le roc ou l'argile » sur quoi tout reconstruire ? On mesure ici les exigences de rigueur et de radicalité de notre auteur, et à quel point il a pris acte de la suspicion que la révolution galiléenne avait jetée sur les sens (qui nousont assuré que le soleil tournait autour de la Terre) et sur ce que la science avait cru pouvoir démontrer.. »

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