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A quoi reconnaître qu'une science est une science ?

Publié le 24/03/2004

Extrait du document

  • Il s'agit de définir les principales caractéristiques de la démarches scientifique, le type d'objectivité qu'elle détermine, par où elle se distingue des fausses sciences ou d'autres types de savoirs. On recherchera donc comment se forment les concepts et les théories scientifiques, et comment celles-ci se vérifient dans une confrontation avec des faits d'un type particulier.
  • Le problème se pose ainsi de savoir à quoi l'on reconnaît qu'une science est une science. La réponse à cette question implique donc que l'on examine les caractères des deux éléments constitutifs de la méthode scientifique, d'une part la théorie scientifique, d'autre part le fait scientifique et les rapports qu'ils entretiennent.

« Un exemple classique • Des fontainiers, à Florence, sont surpris par un fait auquel leur pratique les rend sensibles : l'eau ne franchit pasune certaine hauteur-limite, dans une pompe aspirante.

C'est un fait étrange, pittoresque, etc., pas encore un faitscientifique.

Il le devient lorsque Torricelli (puis Pascal) font l'hypothèse théorique que la hauteur du liquide est enparticulier proportionnelle à la pression de l'atmosphère, et qu'ils cherchent alors des faits susceptibles de contrôler,vérifier ou infirmer, cette idée : par exemple, faire la même expérience au pied et au sommet d'une montagne, pour« voir » si la hauteur du liquide reste ou non la même lorsque la pression de l'atmosphère varie. Une interprétation discutable • On a l'impression de se trouver maintenant en présence d'une situation simple.

D'un côté l'hypothèse théorique(elle-même inscrite dans une théorie plus vaste : l'hydrostatique, la mécanique des fluides, articulée à la mécaniquedes solides).

De l'autre, un fait scientifiquement élaboré, donc capable d'apporter des informations pertinentes.

Maisquelles informations ?• Dire que la théorie est confirmée par les faits, comme le sujet y invite, paraît d'abord aller de soi (même s'il fautcomprendre : des faits).

On ne confirme que ce qui, d'une certaine façon, est déjà établi, et la théorie, en effet,précède toujours le fait (du moins une théorie scientifique détermine-t-elle toujours consciemment les faitssusceptibles d'être porteurs d'informations pour elle).

Lorsque, le 19 septembre 1648, l'expérience du Puy-de-Dômeest faite, l'hypothèse semble définitivement confirmée.• Mais, en toute rigueur, l'est-elle vraiment ? Quand bien même on multiplierait les faits, aussi solidement construitsqu'ils soient, aurait-on le droit de passer de ces faits à des propositions universellement valables ? Bien plus, rien nepeut assurer qu'une autre théorie, plus simple, plus intéressante, n'expliquerait ou n'expliquera pas mieux les faits enquestions que celle qu'on croyait confirmée par eux. La théorie scientifique est une théorie qui peut être infirmée • C'est la thèse de K.

R.

Pooper.

« Les théories ne sont jamais vérifiables empiriquement », écrit-il.

« C'est lafalsifiabilité [= réfutabilité] et non la vérification d'un système qu'il faut prendre comme critère de démarcation »entre une science authentique et ce qui n'a que les apparences d'une science (La logique de la découvertescientifique, tr.

fr., p.

37).La science doit élaborer les conditions de production de faits capables de l'infirmer, comme c'est le cas dansl'exemple de Pascal proposé plus haut.

Aucune théorie n'est jamais définitivement confirmée.

Qu'un fait invalide unede ses propositions, c'est tout l'édifice qui lui est lié qui peut être remanié, voire abandonné.• La démarche scientifique explicite la théorie qui organise sa saisie du réel.

Pascal a une idée précise, élaboréethéoriquement, grâce à laquelle il imagine le fait qui pourrait éventuellement l'infirmer.

L'opinion commune, enferméedans ses perspectives parce que non consciente des présupposés théoriques plus ou moins naïfs qui définissent ses« faits », reste, au contraire, prisonnière de ces préjugés.• « Les théories ne procèdent jamais des faits.

Les théories ne procèdent que de théories antérieures souvent trèsanciennes.

Les faits ne sont que la voie,rarement droite, par laquelle les théories procèdent les unes des autres » (G.

Canguilhem, La Connaissance de lavie, Vrin 1965, p.

50). Ambiguïté du fait • Il ne faudrait pas croire qu'un fait isolé puisse convaincre immédiatement un homme de science.

« Ce n'est pastoujours par misonéisme [haine de la nouveauté, du changement] ou par amour-propre qu'un théoricien refused'admettre la validité d'un fait probatoire ou improbatoire.

Michelson est mort en croyant fermement que sonexpérience n'était pas concluante et qu'on devait pouvoir mettre en évidence le mouvement de la Terre par lapropagation anisotrope de la lumière relativement à un observateur terrestre.

C'est le même fait qui conduisitEinstein, en 1905, à remanier les principes de la mécanique classique.

Devant la contradiction d'un fait et d'unethéorie, on peut douter du fait ou de la théorie, au choix.

Ce choix dépend de l'ancienneté de la théorie et dunombre de faits qu'elle a « cristallisés » en les systématisant ou, au contraire, de sa jeunesse et de sestâtonnements, il dépend aussi de l'audace intellectuelle des savants.

En tout cas, il n'y a pas de savoir qui ne soitpolémique, il n'y a pas de fait brut si brutal qu'il interdise toute suspicion à son adresse » (G.

Canguilhem, « Leçonssur la méthode », op.

cit.

pp.

269-270) . Conclusions • Si personne ne conteste l'idée générale que la science se reconnaît notamment dans la confrontation nécessaired'une théorie aux faits, le sens de cette idée n'est cependant pas univoque et les épistémologues travaillent à lenuancer.

On peut se demander si ce sens peut être déterminé « en général », s'il est vrai que ce rapport aux faits,« qui est proprement d'invention, ne saurait être codifié dans les règles d'une méthode » (G.

Canguilhem, Ibid., p.272).

L'histoire des sciences donne une idée de la complexité concrète de ce rapport de la théorie aux faits danschaque science.. »

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