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La Recherche De L'égalité Est Elle Toujours Juste?

Publié le 17/01/2011

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Chaque société est caractérisée par le fait que les individus y vivent selon des rapports de droits, garantis par des lois. Ces lois ont pour finalité de rompre avec un état de nature, qui serait celui des hommes sans État, et permettent donc d'anéantir la loi du plus fort. Elles témoignent alors, de la volonté des hommes de vivre dans un monde juste, où l'égalité règne. C'est ce que semble aussi confirmer l'histoire avec les nombreuses revendications réclamant davantage d'égalité entre les hommes. On assimile donc spontanément l'égalité à la justice. On peut cependant se demander sur quoi se fonde ce lien entre les notions de justice et d'égalité. D'un certains point de vue, on peut considérer les hommes comme des êtres semblables et par conséquent, égaux. La justice voudrait donc que cette égalité soit respectée et garantie. Mais il est évident qu'il y a aussi des différences d'un individu à l'autre. Ne serait il pas injuste, dans ces conditions, de vouloir une égalité pour tous? La recherche de l'égalité est-elle toujours juste?

Cela ne reviendrait-il pas à commettre une injustice, en allant contre l'ordre naturel des choses? Le problème consiste donc à déterminer dans quelle mesure l'égalité peut être considérée comme juste, c'est à dire légitime. Dans un premier temps, nous analyserons en quoi la recherche de l'égalité semble être le principe même de la justice. Nous nous demanderons par la suite s'il n'y a pas des inégalités qu'on peut qualifier de justes, en analysant le fondement de la notion de justice. Enfin, nous essaierons de déterminer dans quelles conditions la recherche de l'égalité est juste, en  évoquant la notion d'équité.

 

Les notions de juste et d'injuste ne seraient qu'approximatives si on ne pouvait pas les rapporter à un fondement universel capable de faire l'accord entre tous les hommes. La Déclaration universelle des droits de l'homme est donc un enjeu majeur dans la définition du juste et de l'injuste. Elle permet de définir solidement les droits que chaque homme peut revendiquer, indépendamment de ce que peuvent dicter les codes ou les lois, qui sont différents dans chaque pays. Cette déclaration a pour but de définir les droits naturels et inaliénables de l'homme et elle trouve son fondement dans l'idée de nature humaine. C'est-à-dire que c'est à partir de ce qui définit l'homme, que l'on peut universellement établir des droits. Sous cet angles, toutes les différences entre les individus, qu'elles soient sociales, culturelles, physiques ou intellectuelles, sont à considérer comme subsidiaires. Ainsi comme le déclare le premier article de la déclaration de 1789 on peut affirmer que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Chaque homme doit se voir reconnaître la même dignité. Il doit être reconnu comme distinct de la matière car il est caractérisé par la possession d'une conscience et de la raison, de plus, il peut agir par sa propre liberté. Grâce à cela, chacun peut ordonner que les mêmes droits que son voisin lui soient reconnus. Chaque homme doit jouir de la même liberté que tous les autres. De la même façon, chacun doit vouloir que tous les autres hommes puissent bénéficier des même droits qu'il revendique pour lui-même. Par conséquent, la justice, est donc ce qui consiste à attribuer à chacun ce qui lui revient. La justice repose donc fondamentalement sur l'idée d'une égalité naturelle entre les hommes.

Ce principe d'égalité resterait cependant trop confus s'il n'était pas accompagné par la volonté de concrétiser cette égalité entre les hommes. C'est cette concrétisation qui semble tout son sens à cette action politique. Le but de tout homme est d'aller vers un monde plus juste, où les hommes bénéficient réellement des mêmes droits, et pas seulement dans les discours. Au plan politique, cela signifie pour chacun d'être un citoyen qui dispose, par exemple, du même droit que les autres à faire entendre sa voix par le vote. Mais plus concrètement encore, pour que les hommes s'accommodent de la même liberté, c'est-à-dire des même droits, il faudrait également estomper l'influence des inégalités sociales et économiques. Si les hommes ne disposent pas des mêmes biens ou ne reçoivent pas les revenus, alors, ils ne bénéficient pas non plus exactement des mêmes droits. Par exemple, si on avait le droit à l'éducation en fonction de nos revenus, on aurait beau reconnaître à chaque homme le droit d'être éduqué, certains ne pourraient pas en bénéficier. C'est ce qui amène à compléter les notions instaurées par la Déclaration universelle des droits de l'homme. En effet, il faut tenir compte du fait que l'homme s'inscrit nécessairement dans une réalité sociale et économique non négligeable. Cela implique donc que l'État doit veiller à ce que chacun bénéficie au même accès à l'éducation ou la santé etc. La recherche de l'égalité est donc ce qui semble nous conduire vers un  monde plus juste, où les hommes ne sont pas seulement égaux en droit de manière théorique mais aussi en pratique.

Enfin, dans le domaine judiciaire, où il s'agit de rendre la justice, c'est encore l'égalité qui semble visée. Les symboles représentant la justice en témoignent. Lorsque la justice est représentée, elle a les yeux bandés, on dit que la justice est aveugle. Ce symbole a pour signification que tous les hommes doivent être égaux devant la loi. Ils doivent être soumis aux mêmes lois et de la même manière. Un jugement juste doit être objectif et ne peut l'être que si on applique la loi de la même façon pour tous, sans faire de distinction entre les individus. De plus, si on associe la justice à l'image de la balance, c'est parce que rendre la justice consiste en quelque sorte à rétablir un équilibre rompu par le crime commis. Un châtiment juste doit donc être celui qui est égal à la faute commise. Ainsi la vengeance se différencie de la justice, puisqu'il n'y a pas d'objectivité dans la vengeance, qui demeure une affaire de sentiment personnel. Or celui qui subit la vengeance peut à son tour se sentir victime d'une injustice et vouloir se venger. Dans ce cas, l'institution judiciaire a pour rôle de mettre fin à ce cercle vicieux en donnant satisfaction à chaque plaignant. C'est ce que signifie la présence du glaive dans la représentation de la justice. Il symbolise l'idée de force et de sanction. C'est donc bien là encore dans la recherche de l'égalité que semble consister la justice. Si l'on considère que les hommes sont effectivement égaux par nature, la justice consiste bien à faire en sorte que cette égalité soit assurée et respectée. Cependant, cette idée de la justice ne repose-t-elle pas sur une vision très abstraite des choses ?  La recherche de l'égalité ne devrait-elle pas également veiller à respecter les différences et les inégalités entre les individus?

 

En regardant de plus prêt, la référence à la nature comme norme de droit et de la justice semble problématique. En effet, par « nature humaine « on peut également entendre « ordre naturel des choses «. Cela signifierait donc que toute intervention humaine serait écartée pour ne pas perturber l'ordre naturel des choses. De ce point de vue, les lois instaurées par les hommes peuvent être considérées comme des actions allant à l'encontre des lois de la nature. La loi naturelle, c'est en réalité celle du plus fort. Ce qui est contraire à la justice humaine voulant que tous les individus soient égaux. Dans la nature chacun est livré à lui-même, selon sa force et ses aptitudes, physiques ou intellectuelles. Les personnes d'une nature plus réussie, plus forte pourrait donc penser que les lois instituées par les hommes ne sont pas crées dans le seul but de garantir la justice. Admettons que je sois le plus fort de ma tribu, les lois peuvent me sembler être une façon pour les plus faibles de freiner les plus forts. La justice, bien qu'elle donne l'impression de viser le bien commun, peut s'avérer une arme redoutable pour les plus faibles. Vouloir l'égalité, ce serait ainsi aller à l'encontre des inégalités naturelles, si la justice se définit par rapport à la nature.

Les inégalités d'aptitudes entre les hommes ont aussi pour conséquence  la prise en compte de leur mérite. Ainsi, il pourrait sembler juste que ceux qui sont le mieux dotés par la nature ou qui produisent le plus d'efforts, par exemple, soient mieux récompensés que ceux qui ne font pas d'effort. Dans ce cas, la volonté d'égaliser les conditions entre les hommes reviendrait là encore à commettre une injustice. Serait-il juste que l'État soit chargé de garantir des choses à chacun selon son propre mérite? Cela pourrait faire naître un sentiment d'injustice, l'impression que certains travaillent plus que d'autres, sans en tirer le bénéfice. Il semblerait alors plus juste que l'État se tienne à un rôle minimal à l'égard de la société. Pour éviter toute injustice, il est nécessaire que l'État laisse le plus possible les individus à leur libre initiative pour se procurer par eux-mêmes ce à quoi ils ont droit.

Enfin, si, dans le domaine judiciaire, la peine était strictement égale au délit ou au crime commis, on pourrait avoir l'impression là encore d'une injustice. Pour qu'une peine soit juste, il faudrait qu'elle apparaisse comme une volonté de punir ou de châtier. Cela semble impliquer que le criminel subisse un mal au moins plus grand que sa victime. Il ne faudrait évidemment pas que cela puisse se confondre avec la vengeance, un désir arbitraire de faire souffrir. Pour cela, il est judicieux de déterminer par la loi ses sanctions fixes, bien définies, mais permettant symboliquement de marquer que l'on punit un crime. Ainsi la notion de justice impliquerait de savoir reconnaître le fondement de certaines inégalités pour les déterminer justes ou injustes. Cela veut donc dire que la recherche de l'égalité n'est pas toujours juste puisqu'il existe des inégalités justes. On est alors amené à se demander dans quelles conditions la volonté d'égalité peut-être légitime.

 

Si toutes les inégalités entre les hommes avaient une origine naturelle, elles pourraient être fondées et respectées comme étant justes selon l'ordre des choses. Cependant, comme le fait remarquer Rousseau dans Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, c'est surtout avec la société qu'apparaissent les inégalités entre les hommes. Si l'on se réfère à l'état de nature, les différences entre les hommes sont plutôt négligeables, comme le fait remarquer l'auteur. C'est avec l'apparition de la propriété et de la société que les inégalités vont se creuser entre les plus riches et les plus pauvres, autant avec la société féodal qu'avec le capitalisme. La propriété ne s'est sans doute pas toujours constituée sur une base légitime, selon le mérite réel de chacun, puisque la justice « à chacun selon ses mérites « est utopique. En effet cette justice est inapplicable pour l'homme qui ne peut connaître les intentions de son prochain, on appelle cela la justice divine, car Dieu seul connait les pensée de chacun et est capable de les récompenser. Ce constat amène à penser que les inégalités actuelles ne sont pas toutes légitimes. Il serait alors juste que l'État les corrige en partie, en garantissant à chacun des droits fondamentaux. Par exemple, on ne devrait pas dépendre du hasard de notre naissance. On ne choisi pas ses parents et donc pas non plus son milieu social. Il s'agit, par exemple, du droit à l'éducation, au logement ou à la santé. L'idée n'est pas d'égaliser les conditions pour tous les hommes en donnant, pour poursuivre notre exemple, à tous le même logement, mais de faire en sorte que chacun puisse avoir un accès égal à ce dont il a besoin, au minimum nécessaire.

Une fois cette égalité fondamentale assurée, il semble possible d'établir un ordre social qui soit juste tout en intégrant des inégalités. Il ne s'agit pas de faire en sorte que tous les hommes soient strictement égaux, aussi bien dans leurs droits que dans les faits, mais plutôt de créer une égalité des chances, pour permettre ensuite au réel mérite de chacun de s'exprimer. Dans ce cas, on parle plus d'équité que d'égalité à proprement parler. C'est à partir de l'équité que se pense la justice. Pour revenir à l'exemple de l'éducation, si elle doit être accessible à tous les hommes, son but est aussi de permettre par la suite à chacun de pouvoir valoriser ses qualités et aptitudes particulières et de pouvoir en tirer une récompense. Un homme considéré comme faible à l'état naturel peut devenir fort en exerçant un métier plus intellectuel. Si une société implique nécessairement des inégalités, elles sont justes et acceptables dans la mesure où elles servent l'intérêt et l'utilité de tous, où elles servent le bien commun. C'est ce qu'on peut appeler des inégalités justes. Elles profitent à tout le monde si chacun les accepte. En les acceptant chacun aura plus que s'il ne les avait pas accepté. De plus, certaines sont indispensables, le communisme nous le démontre bien. Le communisme sous Staline refusant toutes les inégalités, a fait plonger son peuple dans une misère profonde.

Le principe de la justice, comme nous l'avons vu, est que tous les hommes doivent être égaux face à la loi et donc, jugés de la même manière. Mais le caractère généralisé des lois, est aussi ce qui peut amener parfois à une forme d' injustices. En effet, si on appliquait à la lettre les lois qui nous sont dictées, sans prendre en compte les cas particuliers, beaucoup d'injustices seraient commises. Le juge doit bien sûr comprendre et respecter l'esprit de la loi, l'intention dans laquelle elle a été rédigée mais doit prendre en compte la situation. Il ne s'agit pas de faire entorse au principe d'égalité de chacun face à la loi, mais au contraire, pour le garantir, il faut s'efforcer d'estomper le caractère trop général de la loi qui pourrait remettre le jugement en cause. Par exemple, un meurtrier souffrant de problèmes psychologiques ne sera pas juger de la même manière qu'un individu totalement normal. De plus, une peine serait plus juste si elle était proportionnelle au délit commis, plutôt que strictement égale ou supérieure. C'est là encore ce qui différencie le principe d'équité de celui d'égalité.

 

Il y a donc bien un lien étroit entre les notions de justice et d'égalité. Le principe de la justice suppose de considérer tous les hommes égaux en droits et en faits. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il serait juste de constamment rechercher l'égalité. De toute manière, il ne serait pas possible d'égaliser concrètement tous les hommes et de revenir sur toutes les inégalités. De la même façon, ce n'est pas une stricte égalité qui permet de rendre la justice de façon légitime. Il paraît préférable de rechercher l'équité, qui, contrairement à l'égalité, tient compte des particularités et donc des inégalités de chacun.

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