Le recueil des Châtiments constitue-t-il une oeuvre romantique ?

« Cheveux blancs, tête blonde, au milieu des squelettes» La fragilité de l'enfant met en exergue l'horreur de ces massacres, où des innocents sont assassinés.

Limage de l'enfant permet d'inspirer de la pitié au lecteur, frappé par cette injustice.

Hugo ira plus loin, consacrant tout unpoème à l'enfant mort, sacrifié injustement à l'empire : il s'agit de « Souvenirs de la nuit du 4 », dans lequel oninsiste sur la fragilité et l'innocence de la pauvre victime : (Sa bouche, Pâle, s'ouvrait; la mort noyait son oeil farouche; Ses bras pendants semblaient demander des appuis.» La douleur de la grand-mère renforce le pathétique de la scène, par l'emploi d'un vocabulaire simple, empli de douleur: « Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre ! Dire qu'ils m'ont tué ce pauvre petit être ! Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus. Monsieur, il était doux et bon comme un Jésus.» Le réquisitoire hugolien prend alors plus de force, d'ampleur, face à l'injustice de la mort d'innocents, puisque «dansla rue», « on en tuait d'autres!» Hugo exploite donc les ressources thématiques chères aux romantiques, ce quiapparente les Châtiments à une oeuvre romantique. [Mais Hugo est en marge de l'individualisme romantique] Hugo se démarque cependant du mouvement romantique dans la mesure où ses représentants privilégient l'individupar rapport à la société, et il se situe également en marge du « mal du siècle». Le romantique exaltait l'individu, épanchait ses sentiments, ses souffrances, et en faisait le fond de sespropos.

Hugo, au contraire, chante le malheur de tout un peuple, toute une société, qu'il veut protéger avecses propres moyens, c'est-à-dire ses mots, qu'il emploie comme des armes, et par l'esprit, qui demeureratoujours libre.

En parlant de l'art, il assure au peuple, dans « l'Art et le peuple » « Peuple esclave, il te fait libre; Peuple libre, il te fait grand ! » Hugo parle donc au peuple, au nom du peuple, dans l'intérêt du peuple, et se démarque en cela du romantique,individu solitaire et égocentrique, centré sur ses difficultés personnelles, son mal de vivre.

Le chant de Hugos'élève au contraire comme un moteur de la dynamique sociale, il veut faire changer les choses, et crie aupeuple : « Lève-toi ! » En outre, le romantique se sent en désaccord avec le monde.

Il souffre d'être incompris mais, en même temps,revendique sa solitude et sa différence.

De fait, il se plaît dans sa souffrance, et se complaît à l'évoquer, à laméditer.

Hugo, au contraire, s'il se sent en marge de la société telle qu'elle est, site régime politique ne luiconvient pas, s'il est exilé, ne va pas évoquer cet abandon, cette souffrance avec complaisance.

Il va toutfaire pour que les choses ne restent pas ce qu'elles sont.

Ses mots vont être des armes, des couperets.

Iln'est pas d'accord, et le dit clairement, sans embarras.

Napoléon III est ainsi un ((faquin>) qui n'arrivera jamaisà la cheville de Napoléon l er, même si « le nain grimpe au géant».

Il va même jusqu'à remercier avec beaucoup d'ironie, après son exil, cet empereur abhorré, car c'est à lui qu'il doit l'inspiration des Châtiments: « Écoute, je te dois, Sire, un remerciement. Sans toi, [...] je n'aurais pas écrit cette oeuvre juste; Sans toi, je n'aurais pas montré la haine auguste Que le méchant inspire au vers mystérieux» Au contraire des romantiques, donc, et dans son isolement forcé, Hugo se lance dans l'action, et les mots nesont pas seulement une source d'épanchement, mais un moyen d'action, une exhortation également, un exemple à suivre. [Des caractéristiques romantiques] Cette écriture tantôt acérée, tantôt pathétique, présente des caractéristiques propres au romantisme, toutd'abord dans le style et l'inspiration, puis dans l'excès affiché, enfin par la mission sacrée dont le poète est. »