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QU'EST-CE QUE RÉFLÉCHIR ?

Publié le 16/03/2011

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   Introduction.    La réflexion n'est pas n'importe quelle attention, mais attention à soi. Renouvier (Psycho. rat,1, t. II, p. 201). « Appliquée aux objets, l'attention est observation, aux actes propres de la conscience, réflexion. «    Leibniz {Nouveaux Essais, Avant-propos, n° 4). « La réflexion est attention à ce qui est en nous. «    Donc, synonyme de conscience de soi, cf. Descartes (Entretien avec Burman) être « conscius sui «, c'est « reflectere supra suam cogitationem «.    Il n'y a donc au fond qu'un problème; n'est-ce pas bien simple et bien pauvre? On montrera : les variétés et l'unité de la réflexion, sa pauvreté, sa richesse.

« douter, c'est se reprendre, se reprendre, c'est douter.

Cf.

Laporte1 : « Dès que le doute intervient, c'est moi qui suis en cause.

C'est moi qui me situe comme un inéluctable sujet vis-à-vis d'un objet constitué par l'ensemble des représentations réputées illusoires.

Alors que toutes les positionsd'existence et de valeur sont « suspendues », la dualité sujet-objet demeure inaccessible ment au fond du doute,comme son ossature même.

Elle s'exprime très exactement par la formule de Husserl, qui ne fait qu'expliciter celle deDescartes : Ego cogito cogitata qua cogitata.

» B) Le moi et le je. 1° Les dépouilles du moi. Le sujet qui se pose dans la réflexion n'est pas exactement le moi. Ce n'est pas le moi social : je puis être privé de mon personnage et me conserver tout entier, et c'est même aprèsavoir renoncé au personnage que je pourrai dire avec le Perdican de « On ne badine pas avec l'amour » : « C'est moi qui ai vécu, et non un être fictif créé par mon orgueil et mon ennui.

» Ce n'est pas le moi organique, le corps propre (Biran) : « Mon corps, c'est moi-même, proteste Chrysale, mais ce corps propre est altéré si je suis paralysé, si je ferme lesyeux, et ma conscience n'en est pas atteinte.

» On dira (Biran, Ribot) ce corps connu subjectivement du dedans par la cénesthésie, voilà la base du sentiment depersonnalité.

Mais quand nous sommes en bonne santé, la cénesthésie n'occupe dans notre conscience qu'uneplace limitée.

Les mystiques oublient leur corps dans l'extase, et cependant, beaucoup d'entre eux témoignent qu'ilsgardent alors le sentiment de leur être comme distinct de l'Être divin.

Même oubli du corps chez les inventeurs,savants, artistes, que Bossuet nous peint à la fois « ravis » de leur découverte et fiers de l'avoir faite.

Et nousaussi, nous perdons le sentiment de notre corps, dans des méditations sur nos intérêts, nos sentiments, nosamours, notre carrière, bref sur nous-mêmes.

Mon corps est plus mien qu'il n'est moi. Ce sujet est-ce enfin le moi intérieur (ensemble de dispositions, d'inclinations, aptitudes innées ou acquises, savoirassimilé, virtualités affectives, mon ingenium?) Mais ici aussi, cela peut être perdu, et je dirai encore que je suis lamême personne.

Cf.

Pascal (Pensée 323) : « Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour mevoir? Non : car il ne pense pas à moi en particulier.

Mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il?Non, car la petite vérole qui tuera la beauté sans tuer la personne fera qu'il ne l'aimera plus.

Et si on m'aime pourmon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on moi? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même.Où donc est ce moi, s'il n'est ni dans le corps ni dans l'âme, et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour cesqualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables? Car aimerait-on la substance de l'âmed'une personne abstraitement, et quelques qualités qui y fussent? Cela ne se peut, et serait injuste.

(On n'aimedonc jamais personne, mais des qualités).

» Condillac répliquerait que c'est toujours une personne qu'on aime, car les qualités qui plaisent en une femme neplaisent pas en une autre, et citerait Montaigne parlant de La Boétie.

Mais le fond des remarques de Pascal garde savaleur : je peux bien me désoler de « n'être plus moi-même », ce faisant je proclame que je suis encore moi... 2° Le sujet pur. A l'instant où j'annihile par la pensée toutes les facultés, propriétés qui ont coutume de me caractériser aux yeux demes semblables, j'ai conscience d'une réalité qui survit à toutes ces propriétés et facultés, qui n'est donc aucuned'entre elles, qui ne contient aucun des ingrédients dont se composent les diverses couches du moi, mais qui n'estpas un simple mot, car elle se sent être (et dans la mesure où elle se sent, elle est) — qui n'est pas non plus unesimple forme, c'est-à-dire une abstraction, car elle est susceptible d'exister indépendamment des autres élémentsde ma personnalité, elle s'éprouve au plus haut degré comme vivante et concrète; c'est ce que Descartes voulaitsignifier en disant non pas : « Je suis une pensée », mais je suis une chose qui pense.

Cette réalité concrète,puisqu'elle est le résidu d'une réduction poussée jusqu'à l'épuisement, est irréductible.

Puisqu'elle ne renferme plusaucune qualité qui puisse servir de matière à prédication, elle est sujet pur. Faut-il donc dire de ce sujet pur qu'il est impersonnel? C'est là la réponse de ceux qui pensent qu'il faut lire dansDescartes cogitatur, et non cogito.

Mais c'est contraire aux conditions dans lesquelles s'est produit l'acte réflexif,qui implique à son origine, du fait même qu'il nous arrache de l'objet avec lequel nous étions d'abord confondus, undoute au moins esquissé.

Que serait un doute qui ne serait le doute de personne? Beaucoup plus que la certitude, ledoute est une affaire propre. « En dépouillant les divers « moi », par cette réduction qui a dégagé le « je » j'ai abandonné les caractères. »

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