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Regret, remords, repentir

Publié le 17/02/2004

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Le remords. - Le remords, au contraire, est un sentiment de culpabilité, et il ne considère pas comme le regret les conséquences malheureuses de l'acte, sa valeur technique, mais sa valeur morale. Notre empoisonneur endurci, qu'il ait à se féliciter de son succès ou à regretter son échec, a beau se croire protégé contre toutes les attaques de la moralité, parfois, lorsque sa haine un peu détendue découvrira les points faibles de sa cuirasse, il ressentira, plus ou moins fort, suivant, que sa conscience est plus ou moins émoussée, les brusques assauts du remords. On ne peut guère les figurer par de meilleures images que celle que suggère l'étymologie. C'est un animal qui, profitant des inattentions, vient mordre et remordre; ou une douleur dont on ressent de temps en temps les élancements brusques et courts. Alors sa haine se réveille violente et essaie d'étouffer l'ennemi. Mais si elle diminue et que la force du remords augmente, se renouvelle la scène que symbolise la tragédie grecque : ces Erinnyes vengeresses qui harcèlent de ville en ville le malheureux ORESTE, meurtrier de sa mère... jusqu'à le rendre fou. Le remords est donc facile à distinguer du repentir, car il n'est pas accepté par sa victime qui essaie de s'en distraire, de le fuir, de l'étouffer. Il reste comme extérieur et manifeste une étrange dualité de la conscience et de la volonté : la conscience accusatrice oppose ses assauts aux résistances de la volonté à la fois juge, avocat et coupable.

« II.

— VALEUR ET RÔLE MORAL. Nous avons donc trois attitudes nettement définies.

Il reste à les apprécier : regret, remords ou repentirconstituent-ils des actes moraux ? dans quelle mesure favorisent-ils la vie morale ? A.

Le regret. — Le regret, avons-nous vu, ne s'intéresse pas à la valeur morale de l'acte, mais à ses conséquences.

Il est hors du domaine moral. Nous pouvons cependant nous demander dans quelle mesure il est utile, problème que nous retrouverons,parallèle, au sujet du repentir.Il est évident que, devant des événements sur lesquels nous n'avons pas de prise, le regret ne sert à rien :c'est une réaction spontanée de nos tendances contrariées, qu'il n'y a pas lieu de prolonger; il faut lasurmonter et considérer froidement la nouvelle situation créée.Au contraire, s'il s'agit d'événements que nous aurions pu modifier ou arrêter, l'attitude est autre.

Sans doute,il ne faudra pas, même alors, s'éterniser sur le regret, car ce qui est fait est fait, nous ne pouvons le changer :En devenant passé, l'acte qui était contingent dans le futur s'impose à nous comme une donnée avec laquelle ilfaut nécessairement compter.

Cependant, le regret entraînera une réflexion salutaire qui pourra empêcher larépétition d'actes semblables : il prépare l'avenir. B.

Le remords. — Le remords implique bien des appréciations morales, mais comment aurait-il lui-même une valeur ? Tant qu'il n'est pas accepté, tant qu'il ne s'est pas transformé en repentir, il n'existe que comme lapensée d'une éventualité lancinante; c'est un jugement que le juge ne veut pas accepter parce que cejugement le condamne.

En effet, seul peut avoir valeur morale un acte nôtre, un acte, que la volonté libre aposé.Nous ne devons pas méconnaître cependant la place considérable que tient le remords dans la vie morale.

Parses assauts répétés il prépare le consentement de la volonté, il ouvre la voie au repentir.

C'est le repentirauquel il aboutit qui lui donne sa valeur : sinon il est parfaitement inutile. C.

Le repentir. — La valeur morale du repentir ne fait pas de doute.

D'abord, il est vraiment nôtre puisque la volonté l'a accepté et qu'il est devenu son oeuvre.

Ensuite, il est sincère puisqu'il ne reste pas à l'état desimple velléité ou de jérémiade, mais par définition se traduit en actes.

Son rôle dans le progrès moral estconsidérable, et il en constitue peut-être le principal stimulant.

En effet, c'est un état d'âme complexe.

Il ne seréduit pas à une représentation intellectuelle do bien qui n'a pas été fait et qui reste à faire, et à une sèchedécision de mieux agir dans l'avenir.

L'élan de la volonté tendue vers le progrès est animé par un sentimentsouvent aigu, une douleur qui peut être très profonde et lui donne une force considérable : cette impressiond'une infidélité, d'une tache sur sa vie et le désir de l'effacer.

Ils ne sont pas rares ceux qui ont puisé dans lerepentir d'une faute le courage de l'héroïsme.Cependant, il arrive qu'on juge le repentir inutile, comme tout regard en arrière vers le passé.

Laissons le passédans le néant où il est tombé, nous ne pouvons rien sur lui, il ne vaut même pas une larme; tendons toutenotre activité vers un avenir meilleur.

Nicht bereuen, aber besser machen, non pas se repentir, mais fairemieux, disait NIETZSCHE.

Et beaucoup d'autres après lui.Dans cette maxime, nous distinguons une double incompréhension.D'abord, la condamnation de NIETZSCHE ne tombe pas sur le repentir tel que nous l'avons défini, mais sur sacaricature, que nous rejetons avec autant de force que lui : un sentiment efféminé, pleurnichard et bruyant,se complaisant même dans mm artificielle souffrance, un plaisir morbide à s'abaisser et s'accuser, qui restecependant velléitaire, c'est-à-dire qui ne se traduit pas par des améliorations en acte.

N'oublions pas ce quenous venons de dire : le repentir est complexe, : affectif, intellectuel, volontaire, pratique.

Si nous laissons unde ces éléments se développer hypertrophiquement en niant les autres, noue ne parlons plus de la même chose: un repentir qui n'est que sentimental n'est plus un repentir.Ensuite il est faux.

que le passé soit tombé dans le néant : il se conserve dans la durée de l'homme, car il yagit toujours, y exerçant, suivant les dispositions du présent, un rôle utile ou nocif.Ainsi avons-nous justifié le regret, ainsi justifions-nous, le repentir : ils doivent être l'un et l'autre dirigés versl'avenir, ils donnent à l'intelligence et à la volonté l'impulsion nécessaire pour accomplir ce qu'il y a de positifdans le programme de 'NIETZSCHE : besser machen, faire mieux. CONCLUSION. — Dans l'analyse de ces trois sentiments, nous avons donc trouvé toutes les facultés nécessaires à la vie morale : cette conscience du temps et cet effort pour le ramasser, le dominer, qui est, ladurée; ensuite, la liberté sans, laquelle le remords, le repentir et en quelque mesure le regret n'auraient pas desens.

Impossible, en effet, de les concevoir si c'est un déterminisme qui nous emporte tout entiers.

D'ailleurs, ily a une certaine liberté dans la seule conception des possibles, lorsqu'on pense que les choses auraient pu sepasser autrement.

Enfin, on y voit cette tendance à réaliser une idée de l'homme, et celte appréciation desvaleurs en fonction d'un idéal qui constituent la moralité.

C'est toute la vie morale qui concourt à la formationdu repentir.. »

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