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révolutions démocratiques de 1989. Doc

Publié le 05/04/2013

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1   PRÉSENTATION

révolutions démocratiques de 1989, mouvements politiques et / ou populaires qui ont amorcé ou accéléré la renaissance de la démocratie en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Bulgarie, en République démocratique allemande (RDA), en Pologne et en Roumanie. Ces révolutions ont constitué une étape majeure du processus de décommunisation lancé sous Mikhaïl Gorbatchev, en 1985-1986, en URSS.

2   AUX RACINES DE 1989 : LE CONTEXTE À L’EST
2.1   La perestroïka fragilise un système déjà vacillant

Après le Printemps de Prague, les années 1970-1980 marquent un recul de l’interventionnisme soviétique dans les pays du pacte de Varsovie. Après la mort de Leonid Brejnev, sous les mandats de Iouri Andropov (1982-1984) et Constantin Tchernienko (1984-1985), l’URSS, libérée de la pesante guerre froide et peinant à gérer sa propre crise, ne désire plus, à l’évidence, être le gendarme des démocraties populaires. L’accession de Mikhaïl Gorbatchev aux affaires (mars 1985) marque l’entrée dans le temps de la glasnost et de la perestroïka et renforce cette orientation. Gorbatchev n’a, du reste, pas réellement les moyens de sa politique, ni en URSS ni pour ses satellites. Sur ces derniers, il n’a pas une prise absolue. Les résistances à la réforme de l’inséparable binôme parti communiste / appareil d’État y sont très prononcées. Les choix gorbatchéviens n’en donnent pas moins vie à l’hypothèse d’un retour à la liberté politique à l’Est. Aussi, cette rupture à très forte charge symbolique encourage les forces d’opposition et / ou les courants rénovateurs qui manifestent sporadiquement depuis le début des années quatre-vingt, à s’exprimer sans craindre les mêmes foudres qu’en 1956 à Budapest (voir insurrection de Budapest) ou en 1968 à Prague.

2.2   Les situations nationales à la veille de 1989

Certes, à la veille de 1989, certaines démocraties populaires, telle la Pologne et, dans une moindre mesure, la Hongrie, sont déjà engagées dans un processus balbutiant de démocratisation. Mais la plupart d’entre elles, en tête desquelles la Roumanie et la RDA, vivent toujours sous le joug d’appareils d’État et de partis communistes monolithiques n’ayant pas la moindre intention de s’acheminer vers la démocratisation. Il n’y a donc pas d’uniformité des situations nationales à l’origine des révolutions démocratiques de 1989.

2.2.1   Les réfractaires : RDA et Roumanie

Zone de frottement avec l’Occident et symbole du bloc soviétique avec le mur de Berlin, la République démocratique allemande (RDA) est au cœur de toute interrogation sur l’avenir politique des pays de l’Est. En 1986, le pouvoir, en la personne de Erich Honecker, secrétaire général du Parti socialiste unifié allemand (SED) et chef de l’État, sacralise toujours le régime communiste et récuse les réformes gorbatchéviennes. Le système procédurier et délateur de la RDA, illustré par l’action de la Stasi, n’engage pas les observateurs occidentaux à l’optimisme, même si un mouvement d’opposition héritier du courant pacifiste né lors de la crise des euromissiles tente de s’affirmer dès 1987 à travers des manifestations de rue et une mobilisation autour des églises.

De son côté, écrasée sous le joug de Nicolae Ceauşescu, la Roumanie est à des années-lumière de toute démocratisation. Gorbatchev est, d’ailleurs, très froidement accueilli à Bucarest en mai 1987 et, malgré les grèves de 1981 et 1983 contre le rationnement et la répression, malgré l’émeute marquante de Brasov de novembre 1987, la dictature de Ceauşescu paraît inébranlable.

2.2.2   La Pologne de Solidarité : un précédent

A contrario, depuis la fondation de Solidarité (1980), la Pologne connaît un profond mouvement démocratique. En 1987-1988, confronté à l’opposition syndicale et à la grave crise économique qui affecte le bloc soviétique, le général Wojciech Jaruzelski accueille comme une aubaine le réformisme gorbatchévien. Il doit, en effet, lui permettre de dégager une issue politique de compromis pour sauvegarder le régime communiste. Les grèves de 1988 pour la légalisation de Solidarité et la popularité de Lech Wałęsa en Pologne et à l’étranger (il reçoit le prix Nobel de la paix en 1983) accentuent néanmoins l’affaiblissement de son pouvoir. Fin 1988, pour parer à tout désordre, un accord politique institue une semi-démocratisation des élections législatives. Toutefois, cet élan vers la démocratie est encore limitatif : 65 p. 100 des sièges sont réservés au Parti ouvrier unifié polonais (POUP).

Par l’avance qu’elle a pris sur le chemin démocratique, la Pologne est, malgré tout, un exemple et un précédent pour les oppositions hongroise, tchécoslovaque et bulgare.

2.2.3   Les situations intermédiaires : la Tchécoslovaquie, la Bulgarie et la Hongrie

En Hongrie l’idée d’une réforme structurelle de l’État s’affirme dès 1984, confortée par les progrès de l’opposition du parti et de la dissidence. Le communiste Imre Poszgay affirme alors que 1956 n’était pas une contre-révolution, mais une révolte exprimant la volonté populaire. La transgression d’un tel tabou présage clairement une ouverture du champ politique et une liberté de parole depuis longtemps oubliée. En 1988, le même Poszgay, fort de l’attention portée par une fraction du Parti communiste hongrois au principe du pluralisme, fonde l’Union des démocrates libres. Cette évolution favorise le départ de János Kádár (mai 1988) et la cooptation des réformateurs au sein du Parti. Son successeur, Károly Grósz, confirme la volonté de transformation en douceur du système par des concessions doctrinales et en envisageant un passage au pluralisme. Mais le réformisme hongrois reste très limitatif, plus qu’en Pologne.

En Tchécoslovaquie, la répression à l’encontre des opposants — de la Charte 77 notamment — souligne l’inquiétude d’un pouvoir redoutant d’avoir à affronter un nouveau Printemps de Prague et qui refuse de s’ouvrir à toute réforme. L’accueil enthousiaste réservé par les Tchécoslovaques à Gorbatchev (avril 1987) montre pourtant qu’ils penchent nettement en faveur de la démocratisation. Acceptant bon gré mal gré la « prestavba « (perestroïka), Gustáv Husák abandonne symboliquement son poste de secrétaire général du parti au profit de Miloš Jakeš (décembre 1987). Néanmoins, changement d’homme ne signifie pas changement de politique. Si la nomenklatura, contrainte, saisit la traîne de la démocratisation gorbatchévienne, elle se refuse à être débordée par la rue : sa volonté de brider l’opposition demeure intacte.

En Bulgarie enfin, l’État et le parti, dirigés par Todor ´ivkov, se heurtent à quelques hussards réformateurs. Il existe un espace pour la protestation, dont témoigne l’opposition écologique et la création d’un club de la Perestroïka en 1988. Mais ici encore, État et parti communiste se confondent et règnent en maîtres.

3   L’EFFONDREMENT DES SYSTÈMES COMMUNISTES

Sur la base de ces différents contextes, force est de croire qu’à la charnière de 1988-1989, la démocratisation n’est pas véritablement à l’ordre du jour — exception faite de la Pologne. Pourtant, entre août et décembre 1989, au terme d’une année de très intense pression événementielle, tout bascule, dans un enchaînement indivisible — même si, assurément, chacune des révolutions en question, dépendante des spécificités nationales, garde sa propre identité.

3.1   La pression monte (janvier-juin 1989)

De janvier à juin, de multiples facteurs jouent en faveur d’une accélération de l’affaiblissement des pouvoirs communistes, en faveur d’une scission entre États réformateurs et États conservateurs, et enfin en faveur de l’affirmation d’une contestation à la fois populaire, intellectuelle et politique.

En Hongrie, la victoire de l’opposition lors du référendum sur l’élection d’un président de la République, la suppression de la mention du rôle dirigeant du Parti et l’annonce du départ prochain des troupes de l’Armée rouge stationnées sur le territoire marquent une étape vers le retour aux libertés fondamentales : droit à la formation de nouveaux partis politiques (janvier), droit de grève (mars), liberté de la presse (mars). Sur fond de manifestations, la réhabilitation d’Imre Nagy (6 juillet) et le rejet de la période kadarienne (voir János Kádár) permettent l’ouverture d’un débat public et institutionnel entre communistes et opposants. Début mai, la condamnation de la répression en Chine marque également une distanciation d’avec la Roumanie et la RDA, qui sont solidaires de Pékin.

Très en retard sur l’ouverture hongroise, la Tchécoslovaquie reste attachée à une logique répressive. L’opposition se mobilise malgré tout en janvier. Convaincue de son bon droit et misant sur les retombées de la perestroïka soviétique, elle commémore l’anniversaire du Printemps de Prague et de la mort de Jan Palach (15 janvier) et manifeste dans une capitale quadrillée par la police. Arrêté, Václav Havel, figure emblématique de la dissidence, est condamné à neuf mois de prison (21 février). L’agitation populaire et les frondes intellectuelles se multiplient malgré tout, par voie de pétition entre autres. Le débat sur la situation tchécoslovaque et la question de la répression des opposants prend une dimension internationale.

En Bulgarie, la visite de François Mitterrand (en janvier, il visite des dissidents et les représentants des droits de l’homme) stimule la contestation qui, autour du club de la Perestroïka, se bat contre un Jivkov qui vient de refuser le multipartisme. Mais, secoué par la crise de la minorité turque (et par son exode), l’État cède du terrain, instituant des commissions de réflexion sur le « pluralisme socialiste  « et reconnaissant le principe de la libre circulation des Bulgares (mai). Les arrestations touchent cependant l’opposition (dont le groupe « Glasnost « en mai). Là encore, la pression critique internationale concernant la violation des droits de l’homme accroît la tension ambiante et la fragilisation du régime.

En Pologne, la nouvelle reconnaissance de Solidarité (légalisé le 17 Avril), et le droit au pluralisme syndical (5 avril) marquent l’ouverture d’une phase de détente que ponctuent, en juin, la visite de François Mitterrand, puis la victoire de la représentation politique du syndicat aux élections sénatoriales (99 p. 100 des sièges) et législatives (obtention des 35 p. 100 des sièges dévolus aux non-communistes). Mais, en juillet, le premier ministre Czesław Kiszczak s’avère incapable de gérer l’imbroglio politique polonais, cependant que Wojciech Jaruzelski n’est élu président de la République qu’à une voix de majorité.

L’Allemagne de l’Est et la Roumanie enfin, logiques avec leur ligne de conduite, refusent d’ouvrir la moindre brèche démocratique.

Le 15 janvier, Ceauşescu, quoique signataire du document final de la conférence d’Helsinki, précise qu’il ne se sent pas lié par les dispositions concernant les droits de l’homme. Après avoir rompu avec la Hongrie qu’il juge trop réformatrice (19 janvier), il réitère son refus de toute démocratisation et choisit la voie des représailles pour endiguer les courageuses contestations qui s’élèvent. Sa position incite les diplomaties française et allemande à fermer leurs ambassades.

En RDA, l’État cherche à faire contrepoids aux manifestations lancées à Leipzig, en janvier, en instituant ses propres forums de « libre-penseurs «. Affirmant son soutien à la Chine et condamnant la Hongrie où, selon Honecker, « agissent des forces qui, sous l’étiquette socialiste, ont pour objectif de détruire [le socialisme] « (juin), le pays s’enferre dans la crise. Le mouvement de fuite vers l’ouest des Allemands de l’Est, qui s’intensifie depuis 1983-1984, prend une nouvelle envergure. Les réfugiés gagnent la Hongrie, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie. Ils y cherchent la protection des ambassades occidentales.

3.2   Les événements polariseurs de l’été

Durant l’été, plusieurs événements polariseurs témoignent de l’aggravation de la crise et / ou des progrès de la démocratisation, sauf, toujours, en RDA et Roumanie.

En Hongrie, l’ouverture des frontières avec l’Autriche (2 mai) permet aux réfugiés Est-Allemands de passer à l’Ouest et marque le premier acte du démantèlement du rideau de fer. Puis la victoire de l’opposition aux élections du 22 juillet constitue une étape clef. Ce tournant est renforcé par une série de décisions du gouvernement et du Parti communiste hongrois très symboliques : condamnation de l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 (28 septembre), officialisation d’une commémoration de l’insurrection de 1956 (4 octobre), institution d’une direction collégiale du Parti communiste (juin) et récusation du centralisme démocratique après la refondation du Parti communiste en Parti socialiste (6 octobre).

En Pologne, l’événement phare, déterminé par le raz-de-marée de Solidarité aux élections de juin, est le remplacement du premier ministre Czesław Kiszczak par Tadeusz Mazowiecki, puis l’investiture de son cabinet (24 août et 12 septembre). Jaruzelski garde la présidence de la République, en grande partie grâce à la modération que Lech Wałęsa veut imprimer sur la transition en cours. La Pologne, toujours avec un temps d’avance sur les autres démocraties populaires, est ainsi le premier des pays frères à se donner un Premier ministre non communiste.

À l’inverse, en Tchécoslovaquie, en RDA et plus encore en Roumanie, la situation semble bloquée.

Chez Ceauşescu, les mesures d’internement en résidence surveillée et la répression policière répondent aux manifestations de rue, aux pétitions, aux lettres publiques d’intellectuels quotidiennement menacés. Ceauşescu va jusqu’à proposer une répression du type de celles de 1956 et 1968 pour détrôner le nouveau pouvoir polonais.

En RDA, l’exode vers l’Ouest prend d’impressionnantes proportions : 25 000 personnes ont gagné la RFA début septembre. La Stasi réprime les manifestations héritières des « lundi de Leipzig «, qui gagnent sans cesse en ampleur. Lors de la célébration du 40e anniversaire de la RDA (7 octobre 1989), alors que Gorbatchev, Jakeš, Grosz, Jaruzelski et Ceauşescu discutent à Berlin lors d’un sommet du pacte de Varsovie, la rue crie son soutien à « Gorby « contre la vieille garde de la SED. Ce dernier déclare : « Ceux qui arrivent en retard sont punis par la vie «. Le message dit clairement l’impossibilité d’échapper au mouvement en cours.

En Tchécoslovaquie enfin, après s’être déclaré solidaire de la Chine dans la répression de la manifestation de Tian’anmen, le pouvoir doit faire face à des manifestations de plus en plus conséquentes. Au sein du parti, les partisans de l’ouverture s’opposent aux tenants de la ligne dure, fidèle aux leçons de 1968, qui tiennent toujours les rênes du pouvoir.

3.3   Un automne révolutionnaire

Aux premiers jours de l’automne, la tension atteint un niveau insoupçonnable six mois auparavant. En quelques semaines, à l’issue d’une série de chocs qui surmobilisent les consciences des citoyens de l’Est, mais également les médias occidentaux (qui donnent aux révolutions un écho international quotidien), le destin des démocraties populaires bascule.

La secousse engage cette fois, en un même mouvement — et malgré quelques retards au démarrage en Roumanie — tout le camp communiste.

3.3.1   La chute du mur de Berlin et la Révolution de velours

Le mois d’octobre est marqué par la démission d’Erich Honecker, auquel succède Egon Krenz (18 octobre). La RDA subit la crise, certes, et change ses hommes, mais elle n’a toujours pas l’intention de lâcher du lest. Pourtant, sept mouvements politiques indépendants d’opposition viennent de signer une charte commune, prouvant ainsi la déliquescence du pouvoir (6 octobre) ; de plus, les manifestants se comptent dorénavant par centaines de milliers (100 000 personnes dans la rue le 26 octobre à Dresde). La tension monte, alimentée à la fois par l’exaspération de la population (subitement libérée de ses peurs et puisant sa détermination dans une rassurante mobilisation de masse) et par le miroir des évolutions polonaise, bulgare et hongroise.

En Pologne en effet, le gouvernement Mazowiecki joue une partition très libérale : présentation d’un programme de passage progressif à l’économie de marché (12 octobre) et multiplication des contacts avec l’Ouest depuis l’été. En Bulgarie, après la condamnation internationale et européenne de la gestion de la question turque et un dernier élan répressif, l’État laisse la protestation s’exprimer, libérant au passage les dissidents arrêtés en mai. En Hongrie enfin, l’opposition victorieuse en juillet agit vite : outre la multiplication des contacts avec les gouvernements occidentaux, l’acceptation du multipartisme (17 octobre) précède la proclamation de la République hongroise, l’annonce d’une refonte constitutionnelle (23 octobre) et celle d’un référendum sur les modalités de l’élection du futur président de la République. La rupture symbolique avec le temps du communisme est donc, comme en Pologne, consommée.

Dans ces trois pays, la transition vers la démocratie représentative prend un bon rythme de croisière, lorsque le choc de la chute du mur de Berlin, en RDA, lui donne un coup de fouet.

Après plusieurs jours de manifestations monstres et l’investiture de Hans Modrow qui annonce aussitôt des réformes démocratiques (8 novembre), le 9 novembre, le mur édifié en 1961 est abattu. L’absence de réaction de l’URSS constitue l’aveu final de l’abandon de la politique du glacis et de l’équilibre par la terreur, encore dominant six ans auparavant, lors de la crise des euromissiles.

Dans la foulée, Sofia connaît une révolution de palais : avec l’aval du Kremlin, Jivkov est écarté au profit de Petar Mladenov (11 novembre). Ce dernier annonce son intention de ne garder que des charges de représentations et d’abandonner ses galons au Parti (ce qui est fait le 11 décembre). La rupture entre Parti et État semble ici aussi être entamée, cependant que la question turque est enfin abordée dans un sens respectueux des droits de l’homme, avec l’annonce de la fin de la politique d’assimilation forcée.

Quelques jours plus tard, les étudiants praguois lancent un mot d’ordre de grève (17 novembre), suivi au-delà de leurs espérances puisque, le 27, le mouvement s’étend au pays en une vaste grève générale. La « Révolution de velours « commence. Entre-temps, Václav Havel a fondé le Forum démocratique (21 novembre, point de ralliement de l’opposition) et Jakeš cède sa place à Urbanek, cependant que le proscrit Alexander Dubček retrouve un droit de parole.

3.3.2   La guerre civile roumaine clôture la révolution démocratique

Fin novembre, seule la dictature roumaine semble donc encore échapper au mouvement qui ruine le bloc soviétique. Lors de son XIVe Congrès, le Parti communiste roumain n’hésite pas à confirmer son orientation (21 novembre). Toutefois, ici aussi, le pouvoir subit à son tour l’onde de choc du séisme qui affecte les pays de l’Est européen et peine à endiguer la passion qui s’empare de la rue. Les vifs affrontements entre manifestants et forces de police, le 16 décembre 1989, lors de l’émeute de Timişoara (en signe de protestation contre la révocation du pasteur Tökes) ouvrent une brèche dans laquelle s’engouffrent d’autres villes, puis Bucarest elle-même. Le 21, trois jours après que Ceauşescu a laissé le pouvoir à Dascalescu, la grande manifestation de Bucarest se métamorphose en émeute anti-Ceauşescu. L’armée tire sur la foule, puis fraternise avec elle. La révolution est enclenchée. Le 22, le Front de salut national (FSN) de Ion Iliescu prend le pouvoir. La fuite du couple Ceauşescu, puis son arrestation et son exécution après un procès sommaire (25 décembre) mettent un terme aux heures les plus chaudes de la révolution roumaine.

Ainsi, le bastion le plus récalcitrant aux réformes s’effondre en quelques jours, alors que d’autres événements hautement symboliques viennent parachever une année de révolte.

Saisie par une grande agitation, la RDA rompt ses chaînes : l’accession à la présidence du chef du parti libéral Manfred Gerlach (6 décembre, en succession d’Egon Krenz), la dissolution de la SED (le 9), l’amorce d’une discussion sur la réunification (dès le 12), la dissolution de la Stasi (le 14), la cérémonie d’ouverture de la porte de Brandebourg par Hans Modrow, Premier ministre, et Helmut Kohl (le 22) s’enchaînent.

En Tchécoslovaquie se joue un épisode essentiel : le 29 décembre, Václav Havel, une des principales figures de la dissidence dans le bloc de l’Est depuis les années soixante-dix et leader naturel de la Révolution de velours, accède à la présidence de la République, cependant qu’Alexander Dubček, le proscrit, grimpe au perchoir de l’Assemblée nationale qui vient d’élire Havel.

Le 29 décembre encore, en Pologne, la proclamation de la République se double de l’abolition du rôle dirigeant du POUP (qui se saborde un mois plus tard).

En Bulgarie enfin, le plénum du Comité central du Parti communiste bulgare annonce une nouvelle Constitution le 15 décembre et des élections libres pour juin 1990. Quelques semaines plus tard, Jivkov est arrêté, de même que l’ont été plusieurs hauts dignitaires est-allemands, tel Egon Krenz.

4   DES RÉVOLUTIONS DÉMOCRATIQUES TRANSITOIRES

Les révolutions de 1989 ne constituent pas un aboutissement, mais une rupture, parfois émaillée de violences, avec quarante années de communisme étatique et de régime autoritaire et unipartiste. Elles ne sont que le préalable à un long et souvent difficile réapprentissage de la démocratie représentative, du multipartisme, de la réhabilitation des libertés fondamentales et d’une ouverture à l’économie libérale de marché — période durant laquelle les ex-communistes, réformateurs des premiers jours ou réformateurs opportunistes, continuent de jouer un rôle de premier plan.

La Tchécoslovaquie (à cause de la personnalité et de l’aura internationale de Havel) et la Pologne (grâce à son avant-gardisme et à la popularité de Wałęsa) s’engagent vite dans une réelle démocratisation du paysage et des pratiques politiques. En Tchécoslovaquie, les élections de juin 1990 confirment la prééminence du Forum civique public contre la violence de Václav Havel. En Pologne, Lech Wałęsa devient président de la République en décembre 1990. En Hongrie, les élections démocratiques d’avril 1990 sont remportées par le Forum démocratique de J. Antall. En Bulgarie, les consultations PC-opposition (Union des forces démocratiques) s’ouvrent en janvier 1990 et J. Jelev devient président de la République le 1er août.

En revanche, la frénésie des ex-dirigeants communistes saisis par le virus iconoclaste (Iliescu en Roumanie, Loukanov en Bulgarie notamment) ne peut faire oublier qu’une bonne partie de l’élite politique de l’Est reste, malgré tout, après 1989, un pur produit du socialisme d’appareil. Dès lors, la vraie sortie du communisme ne se fait ni en 1989, ni en 1990, mais dans les années suivantes, non sans de profonds problèmes de transition qu’aggravent une crise économique endémique et la dislocation de l’ex-bloc communiste à partir de la dissolution du pacte de Varsovie (février 1991) et de la fin de l’URSS (décembre 1991).

Les démocraties populaires ne pouvaient assurément pas sortir de plus de quarante années de communisme en quelques mois et l’histoire de leur démocratisation s’écrit encore aujourd’hui.

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