Devoir de Philosophie

Rhinocéros

Publié le 08/04/2011

Extrait du document

LE COMIQUE DANS RHINOCEROS DE IONESCO (UNE MALADIE INSOLITE)                                        Dr. Şengül Kocaman*

ÖZET IONESCO’NUN RHINOCEROS ADLI OYUNUNDA KOMIK

Bu makalede, absürd tiyatronun öncülerinden biri olan Eugène Ionesco’nun Rhinocéros adlı oyununda komiği, küçük bir kasabada ortaya çıkan ve rhinocérite olarak adlandırılan bir hastalıkta irdelemeye çalıştık. İnsanı gergedana dönüştüren bu hastalık, sadece fiziksel olarak değil, zihinsel anlamda da onu değişikliğe uğratır. İnsana özgü tüm değerleri yok eder. Şaşırtıcı ve aynı zamanda komik olan, hastalığın insanlar tarafından arzu edilmesinde ve giderek yaygınlaşmasında ortaya çıkar. Çalışmamızda Ionesco’nun ‘’normal anormal’’ gibi değerlerle kendine özgü tarzıyla oynayarak komiği nasıl oluşturduğunu ve simgesel değerlerini göstermeye çalıştık.

De nombreuses études ont déjà consacrées au théâtre de Ionesco. Ses pièces qui ont brisé toutes les habitudes, scandalisé le public des années cinquante habitué au théâtre traditionnel, sont devenues aujourd’hui, en France classiques et sont considérées comme des œuvres importantes. Mais elles ne sont jamais cessées d’être l’objet de critiques, de recherches et de discussions depuis la première représentation de La Cantatrice Chauve qui reflète bien le nouveauté du rire de Ionesco. L’originalité de Ionesco est fort bien décrite par Marie-Claude Hubert quand elle dit qu’avec Ionesco est né un rire nouveau : « Avec Ionesco est né, sur la scène européenne un rire nouveau, qui résonne sur des gouffres d’angoisse. » La diversité des procédés comiques qui, par leur variété, donnent au théâtre toute sa tonalité burlesque, est apparemment gratuite. Mais cette gratuité n’est que superficielle, l’intention étant de remettre en question les fondements de la dramaturgie traditionnelle. Le théâtre de Ionesco n’est pas seulement orienté vers une réflexion sur les problèmes dramaturgiques. La fonction des procédés comiques se double d’une fonction ontologique. Ce théâtre exprime la vision d’un monde absurde et son comique n’a pas de valeur intrinsèque. C’est que le comique permet, mieux que la tragédie ne le fait, de faire comprendre aux spectateurs une vision du monde désabusée et permet aussi de les faire réfléchir, de les surprendre. Ionesco privilégie les thèmes de l’absurde qui se trouvent dans l’ensemble de son œuvre théâtrale, plus particulièrement dans Rhinocéros. Le sujet de Rhinocéros est une maladie : la rhinocérite. Elle est dite ‘’mystérieuse’’ parce qu’on ne sait pas d’où elle vient ni comment elle peut s’arrêter. Claude Abastado y voit un cancer : « La rhinocérite est un cancer : on ne sait pas l’arrêter parce qu’on en connaît mal les causes. » Cancéreuse ou épidémique, la maladie est avant tout insolite (bizarre, étrange) : elle transforme l’homme en rhinocéros. Bien plus, c’est l’homme qui semble lui-même avoir recours à elle. En d’autres termes, elle séduit les gens, les fascine. Il nous faut comprendre l’évolution de cette maladie, son surgissement, sa contamination, et aussi la séduction (« minou, minou ») qu’elle exerce. Avant tout, il faut savoir comment elle apparaît. La pièce s’ouvre sur une scène quotidienne ; les habitants d’une petite ville provinciale discutent sur une place. Ce tableau est rapidement rompu : un bruit insolite se fait entendre et un rhinocéros traverse la rue. Les personnages (Bérenger, Jean, le Logicien, le Patron du café, l’Epicier l’Epicière, la Ménagère, le Vieux Monsieur, la Serveuse) manifestent un certain étonnement, une certaine panique mais sans mesure avec l’événement. Le rire naît des commentaires qui sont comme ceux d’un simple désordre dans la ville : ‘’c’est inadmissible’’, ‘’un rhinocéros en liberté’’ Il y a bien un scandale, mais les personnages n’en parlent que par les lieux communs sans rapport avec la dimension réelle de l’incident. Le rhinocéros apparaît une deuxième fois et écrase le chat de la Ménagères, au lieu de réagir à l’invraisemblance de la situation, les personnages s’intéressent au chat écrasé : « Daisy et la Serveuse : Pauvre petite bête ! » Tout le monde s’occupe du cadavre, personne pourtant ne ressent le danger que représente ce rhinocéros, signe avant-coureur d’une maladie. Après avoir représenté leurs condoléances à la Ménagère, tous se mettent à discuter sur des points de détail qui sont, par eux, plus importants que l’insolite : -Est-ce le même rhinocéros ? -Avait-il une corne ou deux corne sur le nez ? -Est-ce un rhinocéros asiatique ? Les personnages n’ont pas conscience de l’absurdité de leur situation qu’ils acceptent, ce qui est déjà comique en soi. La distance qui s’instaure entre les personnages, aveugles à leur situation insensée, et le public qui ne comprend pas cet aveuglement, contribue le comique. Personne ne comprend qu’il s’agit d’une maladie. Au début de la pièce, rien ne le laisse entendre. Au deuxième acte, pourtant, la transformation de Jean aide les personnages à s’en rendre compte progressivement. Au lever du rideau Jean se présente comme atteinte d’une maladie grave. Les symptômes de sa maladie sont décrits au fur et à mesure qu’ils apparaissent et la transformation de physique s’opère progressivement. La métamorphose se manifeste d’abord au niveau de la peau qui change de couleur et durcit. Bérenger examine de près son ami : « Bérenger : On dirait… oui, on dirait qu’elle change de couleur à vue d’œil. Elle verdit. (Il veut prendre la main de Jean.) Elle durcit aussi. » Bérenger remarque la maladie de Jean affecte aussi la voix : « Bérenger : Vous êtes enroué, aussi. Jean : Enroué ? Bérenger : Un peu enroué, oui. C’est pour cela que je ne reconnaissais pas votre voix. » Malgré sa voix de plus en plus rauque et ses paroles incompréhensibles, le refus de Jean est à souligner, il est pathétique dans sa tentative de camoufler ses transformations pour les nier : « Bérenger : Que dites-vous ? Jean : Je ne dis rien. Je fais brr…ça m’amuse. » Jean qui est en train de devenir un animal sous les jeux de tout le monde, n’est pas conscient de sa situation, il tente de justifier rationnellement ce changement. Mais une remarque de Bérenger provoque chez lui une réaction violente et le pousse à nier l’existence de ses malaises. « Jean : J’ai un équilibre parfait. » L’entrée de Jean dans le monde animal va se faire par une étape importante celle où les vêtements gênent où les transformations physiques vont devenir manifestes. En effet, il commence à se sentir gêné dans ses vêtements, c’est pourquoi il enlève sa veste. Son ami lui fait remarquer que sa poitrine est pleine de poils, qu’il a une corne sur le front. Alors Jean ne plus reconnaissable. Il est devenu rhinocéros ! A partir de ce moment la pièce se déroule autour de cette maladie. L’insolite s’immisce dans la rhinocérite, épidémie inexplicable que tous les citoyens d’une ville se mettent à désirer passionnément. Les situations insolites s’enchaînent les unes aux autres dans une apparence de banalité totale, les personnages acceptant les situations les plus illogiques, leurs paroles mêmes sont dépourvues de signification sans choquer ni même surprendre quiconque. Jean affirme à propos de M. Bœuf : « Jean : … Puisque ça lui fait plaisir de devenir rhinocéros, puisque ça lui fait plaisir ! Il n’y a rien d’extraordinaire à cela. » Se transformer en rhinocéros est présenté, ici, comme un plaisir tout à fait naturel, d’autant plus que, aux yeux de Jean qui éprouve un certain intérêt pour le phénomène de la métamorphose. Il se sent heureux dans la peau de rhinocéros et pour cette raison il refuse d’aller chez médecin : ‘’Je n’ai plus besoin de médecin.’’   La métamorphose semble ‘’un excès de santé’’, les malades semblent heureux, la contagion se fait par attirance : « Daisy : … Ils sont beaux. » Les habitants commencent adorer cette maladie. Le rhinocéros, épouvantable bête féroce, se signale par sa beauté. Finalement la considération qu’il s’attire atteint son paroxysme. « Daisy : Ce sont des dieux. » La rhinocérite se propage par séduction contagieuse. Au début de la pièce, nous assistons à quelques cas de métamorphose comme celle de Jean, M.Bœuf, puis vers la fin nous apprenons leur incroyable multiplication. Tous les employés, les chefs, et  comme le précise Ionesco ironiquement, les personnages historiques comme le Cardinal de Retz, Mazarin, St Simon, sont aussi frappés par cette maladie. ‘’Manger’’, activité vitale, se voit interdit par la prolifération animale. Elle occupe toute la ville, rétrécit l’horizon, ne laisse aucune chance aux ceux qui résistent encore à la maladie. Etre rhinocéros n’est qu’un événement naturel : ‘’Dudard : Quoi de plus naturel qu’un rhinocéros ?’’  Si un événement est naturel, où se trouve le non naturel, l’anormal ? Daisy nous répond : « Daisy : … C’est nous, peut-être les anormaux. » Le spectateur doit être actif face à une œuvre du théâtre de l’absurde et se préparer à voir s’agrandir le champ du possible. Il lui faut comparer, s’interroger sur les décalages permanents entre normal et anormal, logique et absurde, pour se rendre compte que ces notions sont fluctuantes. Le spectateur rit quand un personnage se transforme physiquement devant lui mais ce rire prend un caractère tragique au fur et à mesure qu’il assiste à une véritable transformation mentale des personnages. Il s’agit du refus des valeurs humaines : « Jean : La morale ! … J’en ai assez de la morale… » Toutes les qualités humaines comme l’amour, l’amitié, la pitié deviennent ‘’une faiblesse de l’homme’’, un sentiment morbide. Cette transformation mentale est vraiment inquiétante : « Bérenger : Réfléchissez, voyons, vous vous rendez bien compte que nous avons une philosophie que ces animaux n’ont pas, un système des valeurs irremplaçables…. Jean : Démolissons tout cela, on s’en portera mieux. » Ici, l’angoisse prend toute sa dimension, on assiste à la naissance d’un monstre qui va jusqu’à détruire les valeurs humaines. Certaines metteurs en scène, en Amérique, en Suisse, en Roumanie ont interprété cette métamorphose comme une transformation profonde de l’être et ont adopté un ton tragique, insoutenable par la traduire. Ionesco leur préfère l’interprétation de metteurs en scène tels que Jean Louis Barrault qui a privilégié la transformation physique des personnages en utilisant des accessoires. Le masque ou l’accessoire est non seulement un moyen de changer d’apparence mais aussi une source de comique : « Ce qui est curieux, c’est que lorsqu’on n’emploie pas d’accessoires, la pièce devient plus noir, plus tragique ; lorsqu’on les emploie, c’est comique, les gens rient. » Chaque fois que l’angoisse ou le désespoir risque de dominer ses pièces, Ionesco se hâte de l’aplanir par l’humour ; dans la scène la plus pathétique, il introduit habilement une incongruité, ainsi, l’émotion du spectateur disparaît et la communication affective entre le spectateur et les personnages est détruite. L’intérêt des spectateurs qui se porte sur l’histoire ou sur la situation pitoyable des personnages change, et, s’il suit l’événement, c’est pour assister à des péripéties burlesques. C’est ainsi que nous rions sans hésitation. Mais ce rire n’est pas un rire franc, gai mais plutôt un rire déçu. Le rire exploité dans les pièces de Ionesco est dur, excessif, et diffère sensiblement du comique classique. Ses pièces ont donc une valeur symbolique de sorte qu’elles doivent être interprétées par le spectateur dont le sens critique est mis à l’épreuve. C’est ainsi que le rire qu’inspirent ses pièces est d’un genre particulier. Dans Rhinocéros, les personnages disent que ‘’devenir rhinocéros’’ vient du libre choix, mais ils sont en réalité des victimes d’une hystérie collective. Nous les voyons les unes après les autres s’incliner devant le phénomène, accepter sans poser des questions, l’esprit dominant qui les conduit à tout abandonner, jusqu’à leur personnalité. A ce point, Ionesco parle d’un souvenir douloureux, celui de la montée du nazisme en Roumanie dans les années trente et quarante. Il explique alors comment ses amis, ses professeurs se métamorphosaient, subissaient un changement mental et perdaient leurs personnalités : « Les professeurs de faculté, les étudiants, les intellectuels devenaient nazis, Gardes de fer, les uns à la suite des autres…. A la fin, nous n’étions plus que trois ou quatre à résister, non pas par les armes, mais moralement, à cette contagion. » D’après Ionesco, les hystéries collectives constituent ‘’une mort spirituelle’’ de l’homme, car elles sont le point d’aboutissement d’une idéologie qui anéantit la liberté, en imposant les conceptions d’un système politique totalitaire. Toujours selon lui, les idéologies sont des systèmes de pensée où l’individu se perd, où le ‘’je’’ est remplacé par le ‘’on’’, signe de l’anonymat et de la collectivité, et qui conduisent aux pires conclusions. Plus dangereusement, elles peuvent transformer l’homme en fanatique violent. Le débat qui essaye de discerner ceux qui ont une corne de ceux qui en ont deux montre dérisoirement la difficulté que l’on éprouve à leur trouver quelques caractères qui les différencient les uns des autres. C’est aspect du fanatisme est représenté par la forme de l’épidémie qui est la rhinocérite. Rhinocéros n’est pas une pièce qui peint seulement la situation historique d’une époque précise mais elle exprime le refus de tous les systèmes totalitaires, de toutes les idéologies. Le fait que les hommes deviennent tous peu à peu des rhinocéros est le moyen qu’emploie l’auteur pour faire rire tout en faisant l’horreur.

BIBLIOGRAPHIE GENERALE ABASTADO, Claude. Rhinocéros, extraits, Bordas, Paris, 1970. BONNEFOY, Claude. Entretien avec Ionesco, Belfond, Paris, 1966. BENMUSSA, SIMONE. Ionesco, Seghers, Paris, 1966. HUBERT, Marie-Claude. Eugène Ionesco, Seuil, Paris, 1991. IONESCO, Eugène. Rhinocéros, Gallimard, Paris, 1963. IONESCO, Eugène. Antidotes, Gallimard, Paris. 1977.

-------------------------------------------- [ 2 ]. * Dicle Üniversitesi Ziya Gökalp Eğitim Fakültesi Yabancı Diller Bölümü Fransız Dili ve Eğitimi Anabilim Dalı Araştırma Görevlisi. [ 3 ]. Marie-Claude Hubert, Eugène Ionesco, Seuil, 1991, p. 227. [ 4 ]. Claude Abastado, Rhinocéros, extraits, Bordas, 1970, p. 160. [ 5 ]. Eugène Ionesco, Rhinocéros, Gallimard, 1963, p.17 [ 6 ]. Ibid., p. 32. [ 7 ]. Ibid., p. 171. [ 8 ]. Ibid., p. 69. [ 9 ]. Ibid., p. 73. [ 10 ]. Ibid., p. 69. [ 11 ]. Ibid., p.75. [ 12 ]. Ibid., p. 71. [ 13 ]. Ibid., p. 114. [ 14 ]. Ibid., p. 114. [ 15 ]. Ibid., p. 93. [ 16 ]. Ibid., p. 112. [ 17 ]. Ibid., p. 75. [ 18 ]. Ibid., p. 113. [ 19 ]. Ibid., p. 76. [ 20 ]. Claude Bonnefoy, Entretien avec Ionesco, Belfond, 1966, p. 119. [ 21 ]. Eugène Ionesco, Antidotes, Gallimard, 1977, p. 95-96.  Yukarıdaki makale Paris VIII Üniversitesi Hocalarından Sayın Judith Stora’nın denetimi altında yapmış olduğum doktora tezimden alınmıştır.

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