Devoir de Philosophie

Rire Fait-Il Penser ?

Publié le 05/12/2010

Extrait du document

La comédie naquit aux environs du IV siècle av. Jésus Christ, elle trouve son origine dans la littérature grecque antique, du mot κωμῳδία, kōmōdía (« comédie, poésie satirique «) composé de κῶμος, kōmos (« célebration, procession «) et ᾠδή, ōdē (« chant «). Après avoir disparu pendant des siècles, elle renaît au Moyen-Âge, et ne cessera d'évoluer jusqu'à nos jours. Au XVIIème siècle, elle se renouvelle en s'inspirant de la Commedia Dell'arte et multiplie ses genres. On distingue parmi eux, la comédie de mœurs, où sont dénoncés les satires contemporains grâce au rire et à l'humour.

Le Mariage de Figaro, œuvre du XVIIIème siècle, en est l'un des plus illustres représentants. Suite du non moins célèbre Barbier de Séville, il relate les aventures de Figaro, un homme du peuple, dont le mariage est menacé par Almaviva, son Comte et ancien complice. Dans cette comédie en cinq actes, nombreuses sont les parabases où des personnages sortent de leur simple rôle pour endosser le rôle d'un porte-parole engagé. Mais est-ce le seul moyen que Beaumarchais a trouvé pour nous faire réfléchir dans une comédie? 

Le vagabond de l'Homme qui rit affirme que le rire et la réflexion sont deux asymptotes qui ne peuvent se rejoindre: «J'ai un camarade qui fait rire, moi je fais penser.«. On en vient à se demander si dans le Mariage, faire rire ne sert qu'au ressort dramatique ou si elle est un masque d'une pensée. 

Il est vrai qu'habituellement faire rire n'est qu'un principe de la comédie, cependant, certains formes de comique ont également la fonction de faire penser, mais il est nécessaire qu'une comédie joue à la fois un rôle de simple divertissement et de plaidoirie.

 

La comédie a pour originel but de faire rire, ainsi, il n'est pas étonnant que le comique soit seulement de ressort dramatique, évitant à la pièce de se retrouver dans un registre dramatique ou tragique. On le voit par différent formes de comiques plus essentiellement portées sur les gestes, et l'expression du corps en général. 

Dans le Mariage de Figaro, la scène 21 de l'acte II présente le jardinier ivrogne, Antonio, qui entre dans la chambre intime de la Comtesse « portant ses pots de giroflées «, ses répliques vulgaires «  Boire sans soif, et faire l'amour en tout temps «, son vocabulaire mal employé « Voilà comme on fait des jugements... ténébreux. «, « On vient d'en jeter un homme «, « Je n'ai pas vu sauter de cheval. « le caractérisent comme le bouffon de la farce, le vieux bourbon lequel on rit à ses dépens. Pourtant le scène contenait toutes les informations de l'intrigue et aurait pu paraître pour un drame, si Antonio n'avait pas ce statut de pitre, il aurait dévoilé la description du Chérubin et le brevet d'officier. Ce personnage, propre à la parade, a ainsi, pour seul rôle de faire rebondir l'intrigue dans un atmosphère de jovialité et de rire.

Outre la farce, les didascalies peuvent avoir le simple rôle de nous faire rire et faire progresser l'intrigue, elles sont notamment importantes à l'acte IV scène 9, où le comique de geste est particulièrement important. 

« Le Comte fait le geste d'un homme qui s'est cruellement piqué le doigt, il regarde le papier cacheté d'une épingle et dit -pendant un pianissimo!- : « Diantre soit des femmes, qui fourrent des épingles partout! « Il jette l'épingle à terre et lit le billet puis le retourne. Il voit qu'il doit renvoyer le cachet avec l'épingle et cherche à terre.  

Figaro, qui a tout vu, dit : « D'un objet aimé tout est cher. « «

Les scènes précédentes et celles à venir nous montrent l'importance de cette épingle, tout d'abord un  moyen de renvoyer la lettre à la Comtesse, cette scène qui montre le Comte cherchant désespérément son épingle, après s'être fait piqué dans la foule et finalement le retrouve et permettre à Figaro de voir la scène mais non l'émettrice du billet. Ainsi, les didascalies n'ont servi qu'à ridiculiser le Comte et son libertinage.

Les imitations et les jeux de masque ont également un rôle de divertissement, les scène 7 et 8 de l'acte V présentent tour à tour, maître et maîtresse, valet et camériste. Le Comte est victime de l'ironie dramatique, les spectateurs ont déjà appris que Suzanne n'est autre que la Comtesse déguisée. Cette scène est notamment comique par son jeu de séduction « Mais quelle peau fine et douce, et qu'il s'en faut que la Comtesse ait la main aussi belle! « et par l'imitation de la voix de Suzanne. « Imitant le parler de Suzanne «. La Scène suivante présente Figaro et Suzanne, encore une fois, l'homme est victime de l'ironie dramatique, il se croit tromper et Suzanne va imiter la Comtesse. « Du ton de voix de la Comtesse « Figaro comprendra très vite le manège « Traîtresse! Qui veut me surprendre! « et jouera le rôle du séducteur à son tour, les soufflets « lui donnant un soufflet, lui donnant un second, le bat à chaque phrase « qui suivront sont propre à la farce, servant uniquement pour le ressort dramatique.

 

Cependant, si la comédie a pour originel but de faire rire, l'esthétique du XVIIIeiècle parlait de Comédie de mœurs, le poète latin, Horace, disait « Castigat ridendo mores. « que Molière a repris par « Le rire doit avoir une valeur d'enseignement et il doit « corriger les vices de l'homme. « Beaumarchais en suivit l'exemple par la Satire, le Burlesque, et plus généralement sur les répliques.

Comme toutes Comédies de mœurs, le Mariage dénonce par la satire. 

L'acte III Scène 5 montre clairement la satire sociale par la tirade du Goddam « Je sais Goddam « et par la joute verbale sur l'égalité:

« Figaro: Je me changeais/Le Comte: Faut-il une heure?/Figaro: Il faut le temps./Le Comte: Les domestiques ici... sont plus longs à s'habiller que les maîtres!/ Figaro: C'est qu'ils n'ont point les valets pour les y aider. Le Comte: …«

 Figaro parvient à faire taire le Comte et démontre ainsi sont éloquence et fait réfléchir sur les vrais valeurs d'un personnage. 

Ensuite, les scènes 12 à 16 de L'acte III mettent en place le procès prévu depuis l'acte I, Marceline veut gagner le procès pour épouser Figaro, elle est soutenue par le Comte, prêt à tout pour éloigner Figaro de Suzanne. Ce grand procès ne sera qu'une mise en scène comique et parodique pour cacher les intentions de Beaumarchais qui avait autrefois des problèmes avec la justice. (Cf. Les Mémoires) Ainsi, les scène 12 à 16 ne sont qu'une satire de la justice masqué par le comique. 

La scène 12 le montre par la parabase de Marceline « C'est un grand abus que de les vendre {les charges} « et Brid'Oison qui confirme « Oui, on ferait mieux de les donner pour rien. « Les comiques de mot montrent la façon de recruter des juges, par l'argent et non par l'expérience. D'ailleurs, le juge Gusman Brid'Oison de par son nom Oison Bridé, et son prénom Gusman; toutes les personnes de l'époque avaient lu les Mémoires de Beaumarchais et pouvaient faire un rapprochement avec le juge Goezman lequel était destitué de ses fonctions par Beaumarchais. De plus de son nom ridicule, Beaumarchais dessine le portrait burlesque du juge, on rit du bégaiement « Ga-arçon «, de son manque d'éloquence « Qu'oppo.... Qu'opposez-vous à cette lecture? « et de son idiotie « Anonyme Figaro «. Beaumarchais a ainsi réussi à détourner la censure par le rire. Les autres personnages de la justice sont également dépeint avec moquerie, l'huissier glapit (comme un renard), Double-Main est un hypocrite.

La scène 15 de l'acte III montre une parodie d'un procès, les deux avocats se débattent sur la conjonction de coordination « ou « et la conjonction de subordination. « où «.

Ainsi, les scènes dresse la satire de la justice, le principe de recrutement, l'idiotie des recruteurs et du procès.

Enfin, la Scène 3 de l'acte V présente le monologue de Figaro, il parle un moment de la liberté d'expression. « Il s’est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s’étend même à celles de la presse ; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni dé la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. « Ce comique de mots, dû à l'énumération et à l'hyperbole, montre un semblant de vérité, c'est un moment de parabase de Figaro, où Beaumarchais critique la censure et en échappe.

 

Cependant, il serait impensable de voir une comédie purement comique ou une comédie dont le comique ne servirait qu'à faire penser. Le Mariage de Figaro montre ainsi à la fois des comiques pour éviter de tomber dans le registre tragique et des comiques utiles pour masquer la censure et nous faire penser. La Commedia Dell'Arte même ne servait pas qu'à faire rire, le rôle du Vieux barbon, d'Arlequin, d'Isabella ou de Colombine sont des stéréotypes mais le valet du petit peuple renverse toujours le Vieux barbon, l'acteur italien Niccolò Barbieri de la Commedia Dell'Arte disait: « Les Comédiens étudient beaucoup et se munissent la mémoire d’une grande provision de choses[...] et leurs études sont en rapport avec les mœurs et les habitudes des personnages qu’ils représentent.« Les comédiens servaient à représenter le peuple et les mœurs de l'époque. Au XVIIIème siècle, Arlequin est renouvelé par Marivaux dans l'Île des esclaves: Alors qu'autrefois, il n'assurait qu'un rôle d'adjuvant, il acquiert maintenant un esprit et une conscience. Le conte théâtral philosophique présente Iphicrate, le maître, et Arlequin, le valet, qui échouent dans l'Île des esclaves, cette île est peuplée d'esclaves libres, et l'on échappe de cette île qu'en reconnaissant que les « hommes ne valent rien. « Arlequin donnera ainsi une leçon à son maître tyran, à la fois un Antonio à la bouteille de vin « j'ai sauvé ma pauvre bouteille, la voilà ; j'en boirai les deux tiers, comme de raison, et puis je vous donnerai le reste. « et un Figaro défendant la cause des hommes. «Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi.« 

 

A travers cette étude, nous en concluons que la comédie n'a pas pour unique fonction de faire rire, mais également celui de nous faire réfléchir à travers le rire, ces fonctions marquent la particularité de la comédie, et on vient à se demander si la comédie est un genre théâtral à part.

Liens utiles