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LE ROMAN DES « ANNÉES VINGT »

Publié le 04/04/2012

Extrait du document

A la continuité du courant de conscience cher à Bergson et à William James, qu'il pouvait sembler fastidieux de suivre minutieusement, Jouve préférait substituer la juxtaposition de monologues intérieurs situés à des moments privilégiés. Cette attention à des sommets aigus était tout aussi bien celle de Proust et de Giraudoux, même s'ils usaient par ailleurs d'une technique romanesque différente à bien des égards...

 

« déjà reproché à Romain Rolland ses digressions et le didactisme de certaines pages de Jean-Chris­ tophe ( 1 ).

L'âme enchantée (1922-1927) s'expose encore davantage à ce grief.

Quant au Voyage de M.

Renan de Thérive, il tourne au conte philo­ sophique.

Le roman poétique Breton mettait dans le même sac roman réa­ liste et roman d'idées quand il soupçonnait derrière chacun des personnages campés par les « empiriques du roman » le besoin de défendre on ne sait quelle cause.

En se référant au Huys­ mans de Là-bas et d'En rade (2), en redécouvrant Nerval et le romantisme allemand, il pouvait cependant ouvrir la voie, dans le Second mani­ feste du surréalisme (1929), à un roman nouveau, échappant à la fois aux contraintes de la logique et à la boue du réalisme, s'abandonnant aux caprices de 1 'inspiration poétique.

Sans doute l'heure du « roman surréaliste » n'est-elle pas encore venue : il faudra attendre Julien Gracq ou André Pieyre de Mandiargues (1).

Et, d'une manière inattendue, c'est vers le « réalisme socialiste » que se tournera bientôt, après s'être retiré du groupe, Louis Aragon ( 2).

Bien sûr, il y a Le paysan de Paris (3) et Nadja ( 4); mais tout arrangement narratif en est absent.

En général, le fil du récit a tendance à devenir ténu, voire à disparaître dans le roman poétique.

Qu'on songe aux romans de Giraudoux (5), à Mélusine (1917) du romancier belge Franz Hellens (1881-1972), ou aux pages trop capiteuses de Colette ( 6), de Giono (') ou de Ramuz (8).

A l'inverse, réduit à une épure, le roman poétique évolue vers le conte, chez Supervielle (9 ) par exemple (L'homme de la pampa, 1923; Le voleur d'enfants, 1926; L'enfant de la haute mer, 1931) ou chez Cocteau (10) (Thomas l'imposteur, 1923; Les enfants terribles, 1929).

LES CHANCES D'UN RENOUVEAU A la recherche d'une définition Ainsi se trouve posé, une fois de plus, le pro­ blème de la définition du genre.

Le grand mérite des écrivains de 1 'après-guerre est de 1 'avoir souligné avec plus de netteté que leurs devanciers et d'avoir apporté des solutions, sinon décisives, du moins intéressantes.

Si, en 1912, Thibaudet se souciait encore de distinguer des catégories dans le genre romanesque (le « roman actif », qui isole une crise; le « roman brut » qui peint une époque; le «roman passif» qui déroule une vie), on s'efforce maintenant plutôt de distinguer le roman des genres voisins.

Gide établit une dis­ tinction capitale entre le « roman » et le « récit » (3).

Cette distinction, les critiques la reprennent : Charles du Bos oppose à la vie racontée par le « roman-récit » la vie repré­ sentée par le « roman-nature »; Ramon Fer­ nandez montre comment le passé, temps concep­ tualisé du récit, est différent du présent, la durée vécue qui est la matière du roman défini comme une « analyse exhaustive du réel par l'auteur ».

1.

Voir p.

631.

2.

Voir p .

516.

3.

Voir p.

595.

Les conséquences de la révolution gidienne étaient en tout cas capitales.

Si « le récit était à la fois un genre à côté du roman et le tissu même du roman, il n'était pas étonnant que le roman fût conduit à se chercher une voie en échappant aux lois du récit, c'est-à-dire d'une certaine façon à lui-même » (11).

Le monologue intérieur Autre chose que lui-même : n'était-ce pas vers cela précisément que s'acheminait le roman quand il suivait James Joyce (12 ) sur la voie du mono­ logue intérieur? L'Irlandais, il est vrai, pouvait se référer à un précurseur français, Édouard Dujardin (13), 1 'un des animateurs de la Revue 1.

Voir p.

614.

2.

Voir p.

616.

3.

Voir p.

616.

4 .

Voir p.

616.

5.

Voir p.

666.

6.

Voir p.

637 .

7.

Voir p.

638.

8.

Voir p.

638.

9.

Voir p.

622.

10.

Voir p.

620.

Il.

Michel Raimond, La crise du roman, p.

150.

12.

Célèbre romancier irlandais (1882-1941) dont l'in­ fluence fut considérable.

13.

Voir pp.

552, 555, 556.. »

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