roman - littérature.
Publié le 28/04/2013
Extrait du document
«
la retranscription en prose d’une épopée « la narration devient une fin en soi » (Dumézil) ; ils semblent déplorer que le foisonnement narratif brouille le sens du mythe, rompe sa structure et le fasse verser dans le romanesque (Lévi-Strauss).
Dès son apparition moderne, le roman est vu comme une forme mineure de l’épopée.
Au XIX e siècle, Hegel lui donne une place dans son Esthétique et livre à propos du roman du XVIII e siècle une définition restée célèbre : « moderne épopée
bourgeoise qui exprime le conflit de la poésie du cœur et de la prose des rapports sociaux ».
À sa suite, le critique marxiste Lukács définit le roman comme « l’épopée d’un monde sans dieu », monde « dégradé » dans lequel le héros devenu
« problématique » mène sa quête : trois types de romans se distinguent alors, celui de l’idéalisme abstrait (Don Quichotte), le roman d’apprentissage (ou Bildungsroman, illustré par Goethe et son Wilhelm Meister ) et le roman des « illusions
perdues » (romans français du XIX e siècle).
Ce héros « problématique » serait né du passage d’une « pensée du symbole » à une « pensée du signe » (Julia Kristeva analysant le Petit Jehan de Saintré, d’Antoine de La Sale, roman du XVe siècle) : dans cette perspective, le symbole correspond à
un monde garanti par Dieu, alors que le signe permet au contraire l’ambiguïté et le jeu du sens.
La sagesse du roman serait ainsi une « sagesse de l’incertitude », liée à l’ironie et à l’indécidable, comme le dit Milan Kundera : le roman se confond avec
la culture de la vieille Europe depuis la Renaissance, depuis les errances et les errements de Don Quichotte ou de Panurge, et il serait non pas une « confession de l’auteur mais une exploration de ce qu’est la vie humaine dans le piège qu’est devenu
le monde » (l’Insoutenable Légèreté de l’être).
3 NAISSANCE ET ESSOR DU ROMAN MODERNE
La veine « comique » au sens d’anti-héroïque n’est pas absente des genres narratifs médiévaux (fabliau) ni du roman lui-même (Roman de Renart). Mais le roman médiéval était un roman romanesque, si le romanesque se définit comme « la forme
littéraire la plus proche de l’accomplissement du rêve » (Frye).
C’est du roman de chevalerie qu’est issu le roman espagnol Amadis de Gaule, célèbre dans toute l’Europe jusqu’à devenir proverbial de 1550 à 1615 environ, et bien plus longtemps
encore dans la littérature de colportage.
( Voir Espagnole, littérature).
C’est dans la lignée de ce texte que se situent les romans romanesques du XVII e siècle, avec leurs variantes héroïque ou pastorale illustrées par Honoré d’Urfé, Gomberville ou encore Mlle de Scudéry ( voir Pastoral, genre).
Un auteur français écrivit
d’ailleurs une version renouvelée de l’ Amadis en 1629.
Et c’est contre ce courant que se définissent plusieurs voies, qui souvent se recoupent dans une même œuvre.
La première voie est celle de la « déraison » : le personnage se prend pour un chevalier (Cervantès, Don Quichotte) ou pour un berger (Sorel, le Berger extravagant). C’est d’ailleurs la voie parodique qui dévoile le roman comme fiction et qui pose des
questions philosophiques sur le sens de la destinée.
Cette voie ouverte sera prolongée au XVIII e siècle par l’humour de Sterne (Vie et Opinions de Tristram Shandy) ou de Diderot (Jacques le Fataliste et son maître).
La deuxième voie est celle du burlesque : le héros devient un bourgeois ou un homme du peuple (histoires « comiques » ou « bourgeoises » de Furetière ou de Scarron au XVII e siècle).
Ce peut être même un « gueux », un vagabond : c’est la formule
du roman picaresque, inventé en Espagne dès le XVI e siècle (Lazarillo de Tormes, 1554 ; Alemán, Quevedo), mais diffusé dans toute l’Europe (Grimmelshausen, les Aventures de Simplicius Simplicissimus, 1669).
Les grands romans réalistes et
moraux anglais du XVIII e siècle (Defoe, Richardson, Fielding, Smollett) suivent cette voie et fixent de nouveaux modèles : Diderot loue la sentimentalité des œuvres de ces auteurs mais déplore d’être obligé d’utiliser pour eux le nom de roman.
Les romanciers cherchent aussi à créer l’illusion d’une absence de « différences essentielles entre le roman et le récit naturel des choses que nous avons vues et entendues », absence qui, bien plus tard, irritera tant Valéry.
Cette volonté de conférer
une « vérité » au roman explique la vogue du roman épistolaire, qui est illustré brillamment par Guilleragues, Montesquieu ou Richardson, et plus tard par Rousseau, Laclos, Restif de la Bretonne, et qui annihile la différence entre la création
romanesque et la réalité.
Ce goût de la vérité explique également le succès de la nouvelle, et particulièrement de la nouvelle historique (illustrée par des auteurs comme Saint-Réal ou Mme de La Fayette), et du récit à la première personne imitant
l’autobiographie (ce qu’on appelle les « Vies », les Mémoires fictifs), comme le faisait déjà l’auteur anonyme de la Vie de Lazarillo de Tormes mais aussi Prévost, Fielding ou Marivaux.
Toutes ces voies, tracées contre l’esthétique d’ Amadis de Gaule, lui empruntent pourtant certains traits, comme la longueur ( Tom Jones, histoire d’un enfant trouvé, de Fielding comprend par exemple dix-huit livres), le goût de l’aventure ou celui de
l’amour, caractères qui faisaient précisément le charme d’ Amadis.
D’autre part, on notera des évolutions surprenantes : le conflit de la vertu et du vice qui alimente les romans dits « sentimentaux » débouche sur les romans du mal (Restif de la Bretonne, Laclos, Sade), qui s’ouvrent au diabolique, donnant naissance
aux romans gothiques anglais (ou « romans noirs ») avec des auteurs comme Horace Walpole, Ann Radcliffe, Matthew Gregory Lewis ou Mary Shelley.
Le genre du roman gothique trouve naturellement son prolongement en Amérique en même temps
que s’invente le genre du roman fantastique (Cazotte).
4 LE GRAND ROMAN DU XIX E SIÈCLE
Ce sont les romans de l’Écossais Walter Scott qui créent le roman historique moderne, un genre qui connaît bientôt la gloire partout, et en Angleterre particulièrement avec des auteurs comme Dickens, Thackeray, Trollope ou Eliot, mais aussi en
France avec Hugo et Dumas, ainsi qu’en Italie avec Manzoni (les Fiancés) et en Allemagne avec Freytag, aussi bien qu’en Amérique avec Fenimore Cooper.
Le roman historique produira des chefs-d’œuvre jusque tard dans le siècle (Tolstoï).
Scott donne surtout l’idée du roman comme reconstitution totale d’une société : c’est lui qu’invoque Balzac quand il écrit son avant-propos à la Comédie humaine (1842), où il explicite son grand projet du réalisme (« La société française allait être
l’historien, je ne devais en être que le secrétaire »).
Le roman triomphe commercialement au XIX e siècle (le roman-feuilleton est illustré par Dumas, Sue, Ponson du Terrail) en même temps qu’il cherche sa légitimation : la fiction veut rivaliser avec
l’Histoire et la philosophie, et prend pour référence les sciences de la nature.
Zola et les autres naturalistes prolongeront cette entreprise.
Le roman d’apprentissage et d’amour du XVIII e siècle, dont les Allemands avaient offert de fascinants modèles à la fin du siècle (succès immense de Werther, de Goethe), tourne alors au roman social (Stendhal, Balzac, Flaubert en France, Dickens et
Emily Brontë en Angleterre, Gogol et Tourgueniev en Russie).
Le roman du temps propose des figures autobiographiques (Chateaubriand, Constant) et retrouve le sens tragique (Zola, Hardy, Dostoïevski).
La littérature des États-Unis invente sa propre
mythologie en utilisant la veine réaliste (Twain), donnant naissance à des œuvres au symbolisme puissant (Melville, Hawthorne).
5 LES ROMANS AU XX E SIÈCLE
À partir de la fin du XIX e siècle, le roman, genre autrefois mineur, s’impose.
En outre, il s’est mondialisé sous sa forme européenne, et son histoire se fait désormais à travers les apports nationaux les plus divers : roman japonais (Mishima,.
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