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RONSARD

Publié le 02/09/2013

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ronsard

 

1524 -1585

PRESQUE oublié pendant deux siècles, réhabilité fort timidement par Sainte-Beuve, et devenu, comme le dit avec mépris Gobineau, « pour ainsi dire l'Homère des Romantiques «, Ronsard est aujourd'hui communément regardé comme notre plus grand poète avec Hugo. Il se taille la part du lion dans les manuels et les anthologies : mais, trop lu peut-être à l'école, il l'est trop peu des amateurs de poésie. Son oeuvre est une puissante forêt où l'on ne s'aventure que par chemins rebattus, cueillant parfois sur leurs bords quelques fleurettes : en dehors d'eux, elle demeure impénétrable, par son étouffante exubérance que notre goût ne s'attarde guère à débrouiller.

Peu d'admirations me paraissent plus conventionnelles que celle dont Ronsard est l'objet. Sa vie même est fixée par la convention, des Amours de Cassandre aux Sonnets pour Hélène, en passant par Marie, Genèvre et Isabeau. Dans l'escalier du château de la Possonnière en Ven-dômois, où il naît le I1 septembre 1524, se lit la devise Voluptati et gratiis, qu'aucun biographe ne manque de mettre en exergue de la vie de Ronsard. Nous a-t-on ressassé la légende de ce Ronsard épicurien, sempiternellement amoureux, et dont les billets doux constitueraient le plus clair — et le plus intéressant — de son oeuvre ? Ce Ronsard imaginaire, qui nous faisait rêver adoles¬cents, a vieilli avec nos rêves : nous goûtons moins sa mignardise appliquée, et pourquoi ne pas le dire ? sa fadeur. Le vrai Ronsard, c'est Gide qui lui rend hommage, après Brunetière. 

ronsard

« nous n'en sommes point assurés pour autant de l'authenticité de ses bonnes fortunes.

Lui qui, dans un moment d'irrévérence à l'endroit de son idole, écrivait de Pétrarque Ou bien il Jouissait de sa Laurette, ou bien Il était un grand fat d'aimer sans avoir rien, semble s'être fort souvent contenté de cette dernière façon de pétrarquiser.

Hormis Genèvre, la bourgeoise parisienne qui fut sa maîtresse alors qu'il avait trente-huit ans, les nombreuses bien­ aimées qu'il se choisit lui sont toutes des prétextes, et nous entendons bien dans les divers sens qu'il implique ce vers si juste et si révélateur : ...

]'aime mieux absent qu'étant près de mon bien.

Lui qui, dès la trentième année, se plaint d'avoir « le chef grison et chauve », se doit sentir assez ridicule, vingt ans plus tard, de jouer les Arnolphe auprès d'Hélène de Surgères.

A cet âge-là répéter le conseil fameux : « Cueillez votre jeunesse », ne va pas sans une amertume dont l'irri­ tation se devine chez Ronsard.

Le Je suis, dis-je, Ronsard, et cela te suffise, est un peu trop agressif pour être entièrement convaincu.

Et que Ronsard, tout au fond de lui, ait gardé de ses relations quasi-platoniques avec les femmes un mépris assez peu galant de celles-ci, telle lettre qu'il écrivit au sujet d'Hélène à son ami Scévole de Sainte-Marthe nous en fournit la preuve en termes fort durs : « Monsieur mon ancien ami, c'est (disait Aristophane) un faix insupportable de servir un maître qui radote.

Parodizant là-dessus, c'est un grand malheur de servir une maîtresse qui n'a jugement ni raison en notre poésie ...

Je vous supplie, monsieur, ne vouloir croire ( ...

) mademoi­ selle de Surgères et n'ajouter ni diminuer rien de mes sonnets, s'il vous plaît! Si elle ne les trouve bons, qu'elle les laisse, je n'ai la tête rompue d'autre chose.

On dit que le Roy vient à Blois et à Tours, et pour cela je m'enfuis à Paris et y serai en bref, car je hais la Cour comme la mort.

Si elle veut faire quelque dessin de marbre sur la fontaine, elle le pourra faire, mais ce sont délibé­ rations de femmes, qui ne durent qu'un jour, qui de la nature sont si avares qu'elles ne voudraient pas dépendre un écu pour un haut fait.

Faites-lui voir cette lettre si vous le trouvez bon ...

» JE hais la Cour comme la mort: c'est peut-être d'y avoir trop séjourné.

A l'âge de douze ans, Ronsard n'est-il pas l'un des pages du dauphin? En mai 1537, quand Jacques V d'Ecosse regagne son royaume en compagnie de la nouvelle reine, cette frêle Madeleine qui mourra bientôt de consomp­ tion, le jeune Ronsard est du voyage, et les comptes du Lord Trésorier font mention quelques mois plus tard d'un don de vingt couronnes« to one named vVandomoy ».

Empêché par son infirmité de suivre le métier des armes, mais tôt pourvu de bénéfices et de charges à la Cour, il versifie lors des tournois, des mariages, des événements officiels.

Aumô­ nier ordinaire du Roi, il fait en vers à la blonde Sinope les propositions les plus libres, vantant la science des clercs au jeu d'amour.

Cette science l'est tout au moins dans le style : notre poète prêtera sa plume aux épanchements amoureux de plus d'un prince, et de deux rois : Charles IX et Henri III.

N'insistons pas sur la médiocrité de ces pièces de circonstance: chanter les amours d'autrui n'est ni plaisant ni favorable au génie.

On italianisait à la Cour : c'était un jargon bizarre, sur lequel Ronsard voulut encore enchérir.

Les mots qu'il crut alors inventer : ocymore, dyspotme, et autres, n'ont rien ajouté au trésor de la langue.

Quant à la Franciade, cette épopée. »

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