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J.-J. ROUSSEAU (Rêveries du Promeneur Solitaire, 7e Promenade)

Publié le 14/02/2012

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rousseau

«  J'ai pensé quelquefois assez profondément, mais rarement avec plaisir, presque toujours contre mon gré et comme par force. La rêverie me délasse et m'amuse.Penser fut toujours pour moi une occupation pénible et sans charme. Quelquefois mes rêveries finissent par la méditation, mais plus souvent mes méditations finissent par la rêverie, et durant ces égarements mon âme erre et plane dans l'univers sur les ailes de l'imagination, dans des extases qui passent toute autre jouissance. «

J.-J. ROUSSEAU (Rêveries du Promeneur Solitaire, 7e Promenade).

Que pensez-vous de ce jugement de Rousseausur lui-même ? Que pensez-vous de ces quelques idées assez profondes auxquelles il fait allusion ? et de ce goût de la rêverie, par où s'expliquent tant d'incomparables beautés et aussi certaines faiblesses de son oeuvre ?

Cette confidence éclaire d'un jour singulier la vie et l'oeuvre de J.-J. Rousseau. « Toute notre dignité, affirme Pascal avec force, consiste en la pensée. «

rousseau

« Reuer, c'est, au contraire, faire fi des principes etablis, des faits observes, c'est, deliberement, s'egarer, se complaire dans l'irreel, le possible et Vim- possible, sans but, sans methode, sans frein, sans aucun souci de conclure ou sans se preoccuper de l'absurdite, de la malfaisance des conclusions.

Plaisir facile, agreable, enivrant parfois.

Nu lle peine, nulle contrainte pour se le procurer.

Pas de courant a remonter, d'ecueils a eviler; it suffit de se laisser aller a la derive, a la « pente de la reverie ).

Le reveur a vite fait de taxer de « prejuges ) les plus respectables, les plus sages opi- nions et de declarer, comme Jean-Jacques : 4 J'aime mieux un homme paradoxes qu'un homme a prejuges.

) Le paradoxal, l'imaginaire, le fan- tastique, toutes les formes attirantes du mensonge, voila l'ambiance dans laquelle it se complait.

Aussitot supprimes le gouvernail de la raison et le barrage de la cons- cience, la barque, pilotee et entrainee par ces deux nymphes perfides l'imagination et la sensibilite, s'en va, au hasard, sur l'ocean de la Chi- mere.

Enchantement, extase, tant que dure le voyage.

Desillusion, regret, revolte et meme desespoir, quand l'imprudent navigateur pose a nouveau le pied sur la terre ferme de la Realite.

Mal de Rene, mal du siecle, roman- tisme!...

Frele plaisir que la Raison defend! conclut le poke.

Poussons plus loin, affirmons hautement la superiorite de la pensee, honneur de l'homme, roseau pensant ), qui le conduit a l'action feconde, sur le reve, occupa- tion inferieure de I'esprit, triomphe des facultes secondaires, qui n'en- gendre -a l'instar des songes de nos nuits - que le 'leant; qui va, tout au plus, a « art pur ) ou qui verse dans l'utopie dangereuse.

Moralement et pratiquement, la pensee l'emporte, doit l'emporter. le* II est malaise de s'adonner habituellement au reve et, par un violent effort, de reprendre, la pleine possession de soi-meme, d'exercer un con- trole rigoureux, efficace stir la sensibilite, et l'imagination, de passer d'un « subjectivisme» effrene a un parfait « objectivisme ).

Cet effort viril, Rousseau en est incapable.

Ce vagabond qui, des sa petite enfance, a erre stir les chemins, a abandonne ses sens a toutes les impressions du dehors; qui, en son adolescence vicieuse, en sa jeunesse livree it une inffime « bien- faitrice ), n'a exerce aucun empire sur lui-meme, n'a obei qu'au caprice, est impuissant a maitriser les poussees de l'instinct, a reprimer les starts de l'imagination, a regler ses amours et ses haines.

Quand it croit penser, it reve encore.

Comment eat -il medite avec plaisir et avec fruit, celui qui ose &lire : c L'homme qui medite est un animal 'deprave )? Comment le theoricien de la 4 bonte de la nature ) se serait-il adonne it cette operation penible, cette discipline severe de la pensee, jugeait, contre nature? Quand done on parte des idees de Jean-Jacques Rousseau, it importe d'en etudier soigneusement la genese.

A, l'en croire, it aurait conforms toute son exis- tence it la noble devise qui figure au has de ses portraits : Vitam impendere uero.

Il a pu, de bonne foi, nourrir cette illusion; it n'a pas pris les moyens pour parvenir a ses fins.

La verite, nous rayons dit, est promise aux penseurs, non aux reveurs.

Sans doute, it lui arrive de la rencontrer.

La plupart des erreurs, a-t-on dit, sont des verites incompletes ou defigurees.

Il est aise de decouvrir, an fond des sophismes de Rousseau, une « Arne de verite ).

MaiS etant donne qu'il ne tient compte d'aucun principe recu, d'une part, et que, d'autre part, it fait fi de toute Halite, on ne saurait accueillir sans reserve et en bloc ses elucubrations. Le nouveau principe sur sequel it pretend edifier tout un systeme de reformes pour l'humanite : la Nature est bonne et fait l'hornme bon et heureux; la Societe est mauvaise et rend l'homme mechant et malheureux, est faux.

Cette affirmation toute gratuite est dementie par les faits, comme Rêver, c'est, au contraire, faire fi des principes établis, des faits observés, c'est, délibérément, s'égarer, se complaire dans l'irréel, le possible et l'im­ possible, sans but, sans méthode, sans frein, sans aucun souci de conclure ou sans se préoccuper de l'absurdité, de la malfaisance des conclusions.

Plaisir facile, agréable, enivrant parfois.

Nulle peine, nulle contrainte pour se le procurer.

Pas de courant à remonter, d'écueils à éviter; il suffit de se laisser aller à la dérive, à la « pente de la rêverie ».

Le rêveur a vite fait de taxer de « préjugés » les plus respectables, les plus sages opi­ nions et de déclarer, comme Jean-Jacques: «J'aime mieux un homme à paradoxes qu'un homme à préjugés.

» Le paradoxal, l'imaginaire, le fan­ t,astique, toutes les formes attirantes du mensonge, voilà l'ambiance dans laquelle il se complaît.

Aussitôt supprimés le gouvernail de la raison et le barrage de la cons­ cience, la barque, pilotée et entraînée par ces deux nymphes perfides : l'imagination et la sensibilité, s'en va, au hasard, sur l'océan de la Chi­ mère.

Enchantement, extase, tant que dure le voyage.

Désillusion, regret, x:évolte et même désespoir, quand l'imprudent navigateur pose à nouveau le pied sur la terre ferme de la Réalité.

Mal de René, mal du siècle, roman­ tisme!._ Frêle plaisir que la Raison défend! conclut le poète.

Poussons plus loin, affirmons hautement la supériorité de la pensée 1 honneur de l'homme, « roseau pensant », qui le conduit à l'action féconde, sur le rêve, occupa­ tion inférieure de l'esprit, triomphe des facultés secondaires, qui n'en­ gendre - à l'instar des songes de nos nuits - que le néant; qui va, tout au plus, à l' « art pur » ou qui verse dans l'utopie dangereuse.

Moralement ~t pratiquement, la pensée l'emporte, doit l'emporter.

* ** Il est malaisé de s'adonner habituellement au rêve et, par un violent effort; de reprendre la pleine possession de soi-même, d'exercer un con­ trôle rigoureux, efficace sur la sensibilité, et l'imagination, de passer d'un «subjectivisme » effréné à un parfait « objectivisme ».

Cet effort viril, Rousseau en est incapable.

Ce vagabond qui, d·ès sa petite enfance, a erré sur les chemins, a abandonné ses sens à toutes les impressions du dehors; qui, en son adolescence vicieuse, en sa jeunesse livrée à une infâme «bien­ faitrice», n'a exercé aucun empire sur lui-même, n'a obéi qu'au caprice, est impuissant à maîtriser les poussées de l'instinct, à réprimer les écarts de l'imagination, à régler ses amours et ses haines.

Quand il croit penser, il rêve encore.

Comment eût-il médité avec plaisir et avec fruit, celui qui ose écrire .: «L'homme qui médite est un animal · dépravé » ? Comment le théoricien de la « bonté de la nature » se serait-il adonné à cette opération pénible,, à cette discipline sévère de la pensée, .qu'il jugeait contre nature? Quand donc on parle des idées de Jean-Jacques Rousseau, il importe d'en étudier soigneusement la genèse.

A· l'en croire, il aurait conformé toute son exis­ tence à la noble devise qui figure au bas de ses portraits : Vitam impendere vero.

Il a pu, de bonne foi, nourrir cette illusion; il n'a pas pris les moyens pour parvenir à ses fins.

La vérité, nous l'avons.

dit, est promise aux penseurs, non aux rêveur~.

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· · Sans doute, il lui 11rrive de la rencontrer.

La plupart des erreurs, a-t~on dit, sont des vérités incomplètes ou défigurées.

Il est aisé de découvrir, au fond des sophismes de' Rousseau, ·une « âme ·de vérité ».

Mais étant donné qu'il ne tient compte d'aucun principe reçu, d'une part, et que·, d'autre part, il 'fait fi de toute réalité, on ne saurait accueillir sans réserve et eil bloc ses élucubrations.

· : Le nouveàu principe sur lequel il prétend édifier tout un système de formes pour l'humanité : la Nature est bonne et· fàit ·l'homme bon et heureux; la Société est mauvaise et rend l'homme méchant et malheureux, est faux.

Cette affirmation toute gratuite est démentie ·par les faits, comme. »

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