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Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324 (extrait)

Publié le 13/04/2013

Extrait du document

Dans Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, Emmanuel Le Roy Ladurie, historien de l’école des Annales, se tourne vers l’anthropologie historique en faisant une utilisation remarquable d’une source unique : le registre inquisitorial de Jacques Fournier, évêque de Pamiers, qui officie en 1320 à Montaillou, petit village de haute Ariège, où il traque l’hérésie albigeoise. C’est tour à tour en géographe, en démographe, en économiste, en sociologue, en ethnologue et bien sûr en historien que Le Roy Ladurie interroge ce document, unissant l’histoire aux autres sciences humaines, étudiant les structures, les réseaux culturels et les mentalités des « petites gens « de Montaillou. Cas exceptionnel, cet ouvrage publié en 1975, qui fait revivre au lecteur la vie quotidienne d’une communauté villageoise du XIVe siècle, s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires.

Montaillou, village occitan, de 1294 à 1324 d’Emmanuel Le Roy Ladurie

 

Deux mots d’abord sur notre source essentielle, en tant que miroir des mentalités. Il ne faut pas s’y méprendre : le Registre de Jacques Fournier offre un témoignage, qui, sans être total, est d’exceptionnelle valeur quant à la « culture « paysanne. Une première raison, relative à cette haute qualité, tient à la focalisation du document : les témoignages enregistrés par l’évêque appaméen éclairent d’une lumière crue un village complet ; elles projettent aussi des clartés non négligeables, et corroboratives, sur le paysage mental des paroisses voisines. Une seconde raison est proprement sociologique : l’hérésie cathare, qui constitue l’un des prétextes des enquêtes de Jacques Fournier, a cessé en ces années 1300-1320 d’être un phénomène urbain ou nobiliaire. Elle s’est repliée vers le monde rural et vers le peuple montagnard des paysans. Elle s’y est taillé un territoire de survie grâce « aux cachettes accueillantes et aux granges discrètes «. Elle s’est nourrie, tant bien que mal, de l’anticléricalisme rustique, que stimulait la pesanteur accrue de la dîme. Elle a hiberné dans les constantes de la transmission culturelle, qui rangeait les enfants sur les positions de l’idéologie parentale. Elle a pu ainsi gagner un quart de siècle et produire un modeste revival campagnard, dont l’homologue citadin était impensable, tant les villes étaient quadrillées, colonisées par les ordres mendiants, Frères mineurs, sbires de l’Inquisition et tutti quanti. Ruralisée de la sorte, l’hérésie albigeoise me fournit l’occasion d’étudier non point le Catharisme en lui-même, qui n’est pas mon sujet, mais tout bonnement la mentalité rustique. […]

 

 

Source : Le Roy Ladurie (Emmanuel), Montaillou, village occitan, de 1294 à 1324, Paris, Gallimard, 1982.

 

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