Devoir de Philosophie

Sade, Justine ou les Malheurs de la vertu (extrait).

Publié le 07/05/2013

Extrait du document

sade
Sade, Justine ou les Malheurs de la vertu (extrait). Les scènes érotiques chez Sade servent généralement de tremplin à de véritables argumentations logiques pour ou contre une thèse. Justine disserte ainsi avec l'un de ses bourreaux, le moine Clément qui, avec ses compagnons, entretient dans son couvent un sérail de victimes non-consentantes. Figure d'un libertinage des plus subversifs, Clément expose ici quelques uns des aspects fondamentaux de la doctrine sadique : relégation de la femme au statut d'objet, simple « machine « à plaisir ; conception du mal comme vérité de la nature et soumission à cette philosophie naturaliste du mal ; principe du plaisir proportionnel au degré de souffrance infligée. Justine ou les Malheurs de la vertu de Sade L'émotion de la volupté n'est autre sur notre âme qu'une espèce de vibration produite, au moyen des secousses que l'imagination enflammée par le souvenir d'un objet lubrique, fait éprouver à nos sens, ou au moyen de la présence de cet objet, ou mieux encore par l'irritation que ressent cet objet dans le genre qui nous émeut le plus fortement ; ainsi notre volupté, ce chatouillement inexprimable qui nous égare, qui nous transporte au plus haut point de bonheur où puisse arriver l'homme, ne s'allumera jamais que par deux causes, ou qu'en apercevant réellement ou fictivement dans l'objet qui nous sert, l'espèce de beauté qui nous flatte le plus, ou qu'en voyant éprouver à cet objet la plus forte sensation possible ; or, il n'est aucune sorte de sensation qui soit plus vive que celle de la douleur ; ses impressions sont sûres, elles ne trompent point comme celles du plaisir perpétuellement jouées par les femmes et presque jamais ressenties par elles ; que d'amour-propre d'ailleurs, que de jeunesse, de force, de santé ne faut-il pas pour être sûr de produire dans une femme cette douteuse et peu satisfaisante impression du plaisir. Celle de la douleur au contraire, n'exige pas la moindre chose : plus un homme a de défauts, plus il est vieux, moins il est aimable, mieux il réussira. À l'égard du but, il sera bien plus sûrement atteint puisque nous établissons qu'on ne le touche, je veux dire, qu'on n'irrite jamais mieux ses sens que lorsqu'on a produit dans l'objet qui nous sert la plus grande impression possible, n'importe par quelle voie ; celui qui fera donc naître dans une femme l'impression la plus tumultueuse, celui qui bouleversera le mieux toute l'organisation de cette femme, aura décidément réussi à se procurer la plus grande dose de volupté possible, parce que le choc résultatif des impressions des autres sur nous, devant être en raison de l'impression produite, sera nécessairement plus actif, si cette impression des autres a été pénible, que si elle n'a été que douce ou moelleuse ; et d'après cela, le voluptueux égoïste qui est persuadé que ses plaisirs ne seront vifs qu'autant qu'ils seront entiers, imposera donc, quand il en sera le maître, la plus forte dose possible de douleur à l'objet qui lui sert, bien certain que ce qu'il retirera de volupté ne sera qu'en raison de la plus vive impression qu'il aura produite. -- Ces systèmes sont épouvantables, mon père, dis-je à Clément, ils conduisent à des goûts cruels, à des goûts horribles. -- Et qu'importe, répondit le barbare ; encore une fois sommes-nous les maîtres de nos goûts ? Ne devons-nous pas céder à l'empire de ceux que nous avons reçus de la nature, comme la tête orgueilleuse du chêne plie sous l'orage qui le ballotte ? Si la nature était offensée de ces goûts, elle ne nous les inspirerait pas. [...] Source : Sade, Justine ou les Malheurs de la vertu, 1791. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

Liens utiles