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Saint Augustin et le démon

Publié le 17/04/2009

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augustin
« Quand, du fond le plus intérieur, ma pensée eut retiré et amassé toute ma misère devant les yeux de mon coeur, il s'y éleva un affreux orage, chargé d'une pluie de larmes. Et pour les répandre avec tous mes soupirs, je me levai […] et j'allai m'étendre, je ne sais comment, sous un figuier, et je lâchai les rênes à mes larmes, et les sources de mes yeux ruisselèrent, comme le sang d'un sacrifice agréable. Et je vous parlai, non pas en ces termes, mais en ce sens : « Eh ! Jusques à quand, Seigneur ? Jusques à quand, Seigneur, serez-vous irrité ? Ne gardez pas souvenir de mes iniquités passées. » Car je sentais qu'elles me retenaient encore. Et je m'écriais en sanglots : Jusques à quand ? Jusques à quand ? Demain ?… demain ?... Pourquoi pas à l'instant ; pourquoi pas sur l'heure en finir avec ma honte ? Le démon tenait dans sa main mon vouloir, et il m'en avait fait une chaîne, et il m'en avait lié. Car la volonté pervertie fait la passion ; l'asservissement à la passion fait la coutume ; le défaut de résistance à la coutume fait la nécessité. Et ces noeuds d'iniquité étaient comme les anneaux de cette chaîne dont m'enlaçait le plus dur esclavage. Cette volonté nouvelle qui se levait en moi de vous servir sans intérêt, de jouir de vous, mon Dieu, seule joie véritable, cette volonté était trop faible pour vaincre la force invétérée de l'autre. Ainsi deux volontés en moi, une vieille, une nouvelle, l'une charnelle, l'autre spirituelle, étaient aux prises, et cette lutte brisait mon âme. » Saint Augustin, Les Confessions, livre VIII Chapitres 5 et 12

HTML clipboardDans le 1er §, Augustin d’Hippone montre que sa faiblesse n’est pas une hésitation, une indécision de la volonté entre plusieurs partis qui paralyserait sa volonté. Augustin sait ce qu’il veut, il n’est pas confronté à un dilemme, à la nécessité de faire un choix tragique. Sa crise n’est pas un problème de choix, ni un problème de faiblesse vis-à-vis d’autres puissances comme celles des désirs charnels par exemple. Il sait qu’il veut mener une vie chrétienne, mais ne peut renoncer à son ancienne vie, ce qui se traduit dans son corps par une crise de larmes. Notons que le figuier sous lequel s’étend Augustin nous ramène au paradis perdu, car lorsqu'ils eurent goûté au fruit défendu, Adam et Ève ont voilé leur nudité avec des feuilles de figuier.  

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