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La saisie du beau est-elle immédiate ?

Publié le 23/01/2004

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Le beau peut se définir comme ce qui, dans un être ou un objet, est susceptible de procurer un sentiment de plaisir à celui qui le contemple.

Par saisie, nous entendons la prise de conscience de quelque chose. En effet, lorsque nous parlons de « saisie du beau «, nous parlons de la prise de conscience que quelque chose mérite de se voir attribuer la qualité de « beau «, nous disons d’une chose qu’elle est un sujet recevant a juste titre le prédicat de la beauté.

 

Une chose peut être immédiate en deux sens : en un sens temporel et en un sens causal. En effet, une chose immédiate est une chose que l’on peut atteindre sans délai, sans avoir à attendre avant de l’obtenir ; mais une chose immédiate est aussi une chose qui ne nécessite la présence d’aucun intermédiaire, de sorte que nous l’obtenons par nous même, sans l’aide de personne.

 

En posant la question, « la beauté est-elle immédiate ? « nous posons une question qui ne peut que nous étonner, dans la mesure où il peut nous sembler qu’une chose belle nous parait nécessairement telle sans médiation aucune. En effet, ce qui est beau ne nous frappe-t-il pas, sans que nous ayons besoin ni de temps, ni de quelqu’un d’autre, pour que nous le jugions tel… Cependant, la beauté est sans doute davantage obscure et soumise a des réflexions que nous le pensons : nous verrons donc qu’elle requiert a la fois une médiation temporelle et parfois l’intervention d’autrui pour que nous puissions la discerner.

La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si le jugement attribuant le prédicat « beauté « à un objet requiert un écart temporel ou l’intervention d’autrui pour être formulé.

 

  • I. La saisie du beau est immédiate car le beau dépend d’un libre jugement de gout

  Le beau est saisi immédiatement comme tel par le sujet   Le beau n’a pas besoin de l’intervention d’autrui pour être discerné

  • II. La saisie du beau n’est pas immédiate dans le sens temporel du terme

  Balzac et la leçon du Chef d’œuvre inconnu : la beauté en avance sur l’époque   La beauté est parfois si complexe qu’elle requiert un écart temporel pour être appréciée

  • III. La saisie du beau n’est pas immédiate dans le sens causal du terme

  La saisie du beau nécessite la consultation d’un juge éclairé   Le connaisseur en est-un en vertu de sa familiarité éclairée avec l’art

« a. Cependant, nous ne pouvons nous en tenir à une telle thèse.

En effet, il semble bien que nous ne pouvons affirmerque la saisie du beau est immédiate dans un sens temporel, car il se peut fort bien que le public d'une œuvre d'artsoit incapable de reconnaitre la beauté d'une œuvre, alors qu'une époque postérieure en sera pour sa part capable.C'est ce que montre Balzac dans Le chef d'œuvre inconnu , récit qui montre comment un peintre produit une œuvre que ses contemporains regardent comme un agrégat informe de couleur alors qu'elle pourrait bien annoncer l'artabstrait trois siècles en avance.

Les artistes ont souvent conscience que la beauté de leur travail n'est pas saisieimmédiatement, tel Stendhal qui destinait La Chartreuse de Parme a un public qui devait apparaitre une génération après la sienne ! La beauté est parfois si complexe qu'elle requiert un écart temporel pour être appréciée b. Mais c'est en raison de la nature même de la beauté, souvent complexe sinon composite, que nous dirons que lasaisie du beau n'est pas immédiate.

Réfléchissons un peu plus q ce qu'est la beauté en elle-même.

Pour Baudelaire,le beau est en effet l'union de deux composantes absolument distinctes qui sont l'intemporalité et l'actualité.Chaque chose belle, écrit Baudelaire, contient en vérité deux parts : une part qui est celle de l'éternel, une autre del'actuel.

Le Spleen de Paris incarne cette dualité en présentant des textes où la recherche de la beauté se fait au moyen de grandes figures qui l'incarnent de façon intemporelle, comme les figures de femmes, mais dans l'universcontemporain de Baudelaire, à savoir le Paris Haussmannien.

Dans la lignée de cette conception, nous pouvonsaffirmer que le beau est l'union de caractéristiques objectives universelles (comme la symétrie, l'harmonie desparties entre elles) unies à des qualités purement singulières, qui tiennent aux goûts personnels du spectateur, àson éducation et à la culture qui l'a imprégné.

De tout ceci nous pouvons tirer que le caractère composite du beaufait parfois de celui-ci quelque chose de si complexe qu'il requiert du temps pour être apprécié.

La beauté d'unpoème ne s'épuise pas en une seule lecture, pas plus que celle d'une symphonie ne se goute en une seule audition.Nous dirons donc que la saisie du beau ne saurait être immédiate en un sens temporel, dans la mesure où il requierttoujours un temps pour être apprécié dans toute sa complexité.

III. La saisie du beau n'est pas immédiate dans le sens causal du terme La saisie du beau nécessite la consultation d'un juge éclairé a. Mais nous verrons ici qu'en un sens complémentaire, la saisie du beau n'est pas immédiate non plus en un senscausal.

En effet, il semble bien que certains individus sont davantage que d'autres capables de statuer sur la beautéd'une œuvre, en quoi ils se font les médiateurs de la beauté, les moyens sans lesquels celle-ci ne pourrait êtreconçue.

Car si tout le monde, indifféremment, ne peut prétendre être connaisseur dans le domaine artistique, celasignifie peut-être que des experts, des connaisseurs qualifiés, en sont capables pour leur part.

Pour Hume, le beauen art est ce dont peut décider l'expert : certains êtres, par leur culture, leur délicatesse et leur intelligence ontdéveloppé un sens du beau suffisamment aiguisé pour décider de ce qui est beau et de ce qui ne l'est pas (Humedéveloppe cette idée dans un traité nommé « La norme du goût »).

Une science du beau est possible, car le beaune dépend pas du jugement de n'importe qui, mais seulement des experts qui peuvent s'accorder entre eux.

« Si vous laissez un individu acquérir l'expérience des œuvres, vous voyez le sentiment de cette perfection gagneren exactitude et en perfection : elle ne perçoit pas seulement les beautés et les défauts de chaque partie, maisremarque le genre distinctif de chaque qualité et lui assigne la louange ou le blâme convenables.

Un sentiment clairet distinct accompagne son inspection de l'ensemble des objets, et elle discerne cette sorte et de degré précisd'approbation ou de déplaisir que chaque partie est naturellement apte à produire (…) En un mot, la mêmeadresse et la même dextérité que donne aussi la pratique pour exécuter un travail, sont acquises par le mêmemoyen pour en juger ».

De la norme du Gout, Essais Esthétiques, Folio, pages 135-136. Nous dirons donc que la saisie du beau n'est pas immédiate, précisément puisqu'elle demande la médiation d'unconnaisseur : l'expert décrit par Hume.

a.

Le connaisseur en est-un en vertu de sa familiarité éclairée avec l'art Cependant, si nous affirmons que la saisie de la beauté n'est pas immédiate, mais demande la méditation d'un. »

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