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SAUSSURE Philosophie de l'expressivité ou science des signes

Publié le 22/02/2012

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saussure
... Quand la sémiologie sera organisée, elle devra se demander si les modes d'expression qui reposent sur des signes entièrement naturels — comme la pantomime — lui reviennent de droit. En supposant qu'elle les accueille, son principal objet n'en sera pas moins l'ensemble des systèmes fondés sur l'arbitraire du signe. En effet tout moyen d'expression reçu dans une société repose en principe sur une habitude collective ou, ce qui revient au même, sur la convention. Les signes de politesse, par exemple, doués souvent d'une certaine expressivité naturelle (qu'on pense au Chinois qui salue son empereur en se prosternant neuf fois jusqu'à terre), n'en sont pas moins fixés par une règle; c'est cette règle qui oblige à les employer, non leur valeur intrinsèque. On peut donc dire que les signes entièrement arbitraires réalisent mieux que les autres l'idéal du procédé sémiologique; c'est pourquoi la langue, le plus complexe et le plus répandu des systèmes d'expression, est aussi le plus caractéristique de tous; en ce sens la linguistique peut devenir le patron général de toute sémiologie, bien que la langue ne soit qu'un système particulier. On s'est servi du mot symbole pour désigner le signe linguistique, ou plus exactement ce que nous appelons le signifiant. Il y a des inconvénients à l'admettre, justement à cause de notre premier principe. Le symbole a pour caractère de n'être jamais tout à fait arbitraire; il n'est pas vide, il y a un rudiment de lien naturel entre le signifiant et le signifié. Le symbole de la justice, la balance, ne pourrait pas être remplacé par n'importe quoi, un char, par exemple. Le mot arbitraire appelle aussi une remarque. Il ne doit pas donner l'idée que le signifiant dépend du libre choix du sujet parlant... nous voulons dire qu'il est immotivé, c'est-à-dire arbitraire par rapport au signifié, avec lequel il n'a aucune attache naturelle dans la réalité. Cours de linguistique générale (1906-1911), Paris, Payot, 1988 (dernière édition). Première partie, 5 2, p. 100-101.
saussure

« Il y a un « procédé sémiologique idéal » dont les différents signes sont des réalisations plus ou moinsparfaites.

Saussure ne pose pas qu'aucun signe n'est naturel, au contraire, si bien que l'expressivitééchappe en principe à la sémiologie comme science.

Mais il considère que ceux qui sont entièrement arbitraires ont un intérêt épistémologique particulier : donner à la sémiologie un patron, on pourrait dire aujourd'hui un paradigme, lui permettant de traiter des systèmes de signes non linguistiques, nemanifestant pas au même point l'arbitraire du signe, selon une même procédure éprouvée dans le cas dulangage.

L'avenir a donné raison à l'auteur, puisqu'on a cherché à traiter comme « systèmes de signes »conventionnels des choses aussi diverses que la nage, la marche et la gestuelle du corps (M.

Mauss), lamode (R.

Barthes), les objets domestiques (J.

Baudrillard). 3.

Le deuxième point concerne la terminologie adoptée en linguistique pour désigner l'unité de base, lesigne : il faut justifier sa conformité avec le principe de son arbitraire.

Or, le terme plus traditionnel desymbole linguistique pose le même problème que le rapprochement examiné entre signes expressifsnaturels et signes arbitraires.

Seul le signe est arbitraire, le symbole ne l'est pas, telle est la raison pourlaquelle Saussure a écarté le mot pour rebaptiser signe l'unité de base de la linguistique. La page précédente a instauré trois termes complémentaires pour définir l'objet élémentaire d'unelinguistique, l'« entité psychique à deux faces » qui constitue l'atome d'un système.

Tout tient àl'articulation des deux faces, à leur unité paradoxale que conditionne leur distinction de principe.

Cedeuxième alinéa reprend la question en posant que dans le symbole il y a un rudiment de lien naturel entre le signifiant et le signifié.

Le lien naturel signifie identité possible (au moins ressemblance), quand il faut distinguer par nature et par principe les éléments de l'entité biface.

Il n'y a rien de commun entre une «image linguistique » ou vocale, et un concept qui s'y associe par convention.

« Entendre » au sensphysique et « entendre » au sens intellectuel sont deux choses différentes que rien ne peut confondresans dissoudre du même coup la possibilité d'une science des systèmes de signes.

Or, le symbolerapproche et identifie ce qui fait entendre et ce qui est donné à entendre, le signifiant et le signifié.

Unebalance ressemble plus à l'«* idée de justice » qu'elle ne la fait entendre, et pèse de ce fait sur leprocessus de la signification en faisant prendre une image pour une chose intellectuelle non imagée.

Êtreremplaçable par n'importe quoi devient le critère de la pureté du signe : c'est la convention qui attachece n'importe quoi à un signifié qui compte comme procédé sémiologique pur, ouvert à une science. 4.

Une interprétation psychologique trompeuse risque de se greffer sur la notion de cet arbitraire :traditionnellement, le terme désigne une liberté sans frein, non soumise à des lois.

Si rien necontraint par nature un signifié à être représenté par un signifiant donné, symbole, vocable,graphisme, est-ce pour lui la « liberté », est-ce la possibilité pour le locuteur de s'exprimer sans loiet de redéfinir les termes de la langue? Ce serait mal comprendre la nature du lien qui rattache les éléments du signe; il s'agit d'une convention,au sens de règle obligatoire, ce qui exclut le libre choix et la modification à volonté.

Choisir de désignerceci par cela, ce serait préférer un mot pour une idée ou un concept, opérer une comparaison et un tri.Or, il n'y a précisément aucune raison de trancher en faveur d'un choix, aucun motif valable dereprésenter le signifié comme il l'est dans la langue ou autrement : arbitraire signifie immotivé, c'est-à-direpremier, antérieur à la délibération.

Ce serait une faiblesse épistémologique, pour le signifiant, que d'êtrefondé en nature ou en raison pour s'unir à un signifié.

C'est pourquoi le signe s'offre comme objet à unelinguistique, et non comme prétexte à une liberté.. »

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