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SCÈNE 3 de l'acte 3 du Tartuffe de Molière

Publié le 22/02/2012

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Scène 3: Cette scène est d'une importance cruciale pour la construction de l'intrigue aussi bien que pour la signification de la pièce. Sur les conseils de Dorine et par l'entremise de celle-ci, Elmire a demandé à Tartuffe « un mot d'entretien » en espérant user de son influence afin de le persuader de renoncer à Mariane. On distingue quatre mouvements dans ce dialogue. D'abord, jusqu'au vers 896 inclus, un préambule dans lequel Tartuffe tout en restant fidèle à son image de dévot s'inquiète avec une sollicitude excessive de la santé d'Elmire. On ne peut manquer de comparer les attentions de Tartuffe à l'indifférence dont Orgon avait fait preuve envers son épouse au premier acte, ce qui lui avait attiré les sarcasmes de Dorine.

« réellement épris d'Elmire. S'il continue à invoquer le Ciel, ce n'est nullement par calcul ni par cynisme, mais par habitude de langage et depensée.

Ce bonheur qu'il a si souvent rêvé est soudain à sa portée par la grâce de celle-là même qui lui paraissaitinaccessible.

Comment ne se réjouirait-il pas de cette occasion inespérée que le Ciel ne lui avait jamais accordée « jusqu'à cette heure »? L'imposteur pris au piège Cela nous oblige à revoir certaines idées préconçues sur Tartuffe, certains clichés qui ont encrassé la lecture decette scène. Il faut lire le texte.

Que dit le texte? Que dit Elmire? Que dit Tartuffe? C'est Elmire qui a pris l'initiative de cetterencontre.

C'est Elmire qui provoque Tartuffe, qui l'invite à se confier. Tartuffe le roué, Tartuffe le dévot, l'arriviste aux dents longues tellement rompu à la nécessité de mentir, detromper, pour faire son chemin dans la vie, Tartuffe le joueur, Tartuffe le comédien que nous avons vu à l'oeuvredans la scène précédente, Tartuffe est ici pris au piège de sa passion pour Elmire, comme Dorine, l'instigatrice ducomplot, l'avait espéré au vers 840 : «Plût à Dieu qu'il fût vrai! la chose serait belle.» Tartuffe ne se laisse aller à l'aveu de son amour que parce qu'il s'y croit autorisé par les confidences d'Elmire qui, dela part d'une femme mariée, pouvaient paraître d'une étonnante liberté.

Or, quand il suggère sans équivoque lessentiments qui l'animent, Elmire, loin de l'arrêter, l'encourage à se livrer (vers 903-4). Comme tous les amoureux qui soupirent en secret, Tartuffe est d'abord pressé de soulager son âme.

Il veut dissiperun malentendu.

Les tracasseries infligées à Elmire pour empêcher « des visites qu'ici reçoivent vos attraits» ne sont «l'effet d'aucune haine» mais « d'un transport de zèle qui m'entraîne, et d'un pur mouvement...

» Comprenant très bien de quel « transport de zèle » et de quel « pur mouvement » Tartuffe veut parler, Elmire l'interrompt en faisant semblant d'attribuer cette sollicitude à des préoccupations spirituelles. « [...] Je le prends bien aussi, Et crois que mon salut vous donne ce souci.» Le dialogue repose sur une double équivoque qui sera dissipée lorsque Tartuffe jettera le masque et déclareraouvertement sa passion. Les deux interlocuteurs ne poursuivent pas le même objectif, ce qui donne lieu à un plaisant quiproquo.

L'ambiguïtéentretenue par Elmire au début de la conversation encourage l'ardeur amoureuse de Tartuffe.

Quand elle lui parle dusujet qui la préoccupe, il n'y prête pas attention.

Il est tellement persuadé qu'Elmire a des arrière-penséesd'adultère qu'il cherche au contraire à la rassurer sur l'objet de ses désirs.

Quand Elmire réussit enfin à l'interroger sur le projet d'Orgon de lui donner sa fille, il répond négligemment : «Il m'en a dit deux mots; mais, Madame, à vrai dire,Ce n'est pas le bonheur après quoi je soupire; Et je vois autre part les merveilleux attraitsDe la félicité qui fait tous mes souhaits.» Cette réplique a une grande importance pour fixer l'interprétation du personnage de Tartuffe.

Rien ne permet dedouter de sa sincérité en la circonstance.

Tout laisse supposer au contraire que ce projet est une initiative d'Orgon. Quand l'entreprenant dévot, pressé de passer aux actes, joint les gestes à la parole, il continue à user d'un langageempli d'onction ecclésiastique pour désigner des pulsions dont la nature s'affirme de plus en plus clairement. Il s'ensuit un contraste savoureux entre ces mots pieux constamment employés à double sens et les manoeuvressournoises et lubriques de Tartuffe pour s'assurer de la personne d'Elmire et assouvir sur elle sa concupiscence. On assiste à un renversement assez piquant, puisque Tartuffe s'efforce de faire comprendre à Elmire que son imagede dévot est pure frime, tandis que l'épouse d'Orgon prêche à son interlocuteur la retenue et la pudeur.

Elle joue lerôle moralisateur qui doit revenir au directeur de conscience.

On peut en juger d'après ce dialogue (vers 930 - 936)qui prélude à la tirade par laquelle Tartuffe déclare sa passion : « ELMIRE C'est que vous n'aimez rien des choses de la terre. TARTUFFE. »

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