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Sciences & Techniques: Les chemins de la douleur

Publié le 22/02/2012

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On dit qu'il faut souffrir pour être belle, soit. Qu'avoir mal à l'appendice avant la crise, c'est quasi vital. Mais tout de même ! Allez trouver une utilité à la migraine… Et une réponse à cette lancinante question : pourquoi, à la visite médicale, les seringues ne font pas mal à tout le monde ? Station balnéaire d'Amanzimtoti, Afrique du Sud. Février 1974. Du haut de ses quatorze ans, Damon Kendrick se laisse délicieusement porter par les déferlantes quand Joe, une vague plus loin, se met à crier. Damon se retourne, entraperçoit l'aileron. Trop tard. Choc. Secousses. Bouillonnement de sang. Le requin est déjà loin. Pas le temps de réfléchir, Damon nage vers la plage et s'écroule sur le sable humide. Hors de danger, il jette un regard angoissé sur sa jambe. Son mollet gauche n'est plus que lambeaux de chairs à vif, et il n'a rien senti! Aucune douleur, jusqu'à maintenant.

« le message tactile arrive donc à l'entrée de la moelle épinière avant celui de la douleur et lui bloque tout bonnement la porte. Certaines substances chimiques, les analgésiques, entravent elles aussi la progression des pénibles messages.

L' aspirine et le paracétamol s'occupent des nocicepteurs et augmentent leur seuil de stimulation.

Il faut, par exemple, que l'inflammation titillant lerécepteur redouble pour que celui-ci s'active.

Quant à la morphine — un dérivé de l'opium, prescrit en cas d'insoutenables douleurs —,elle fait barrage aux messages au niveau de la moelle épinière et du cerveau . Mal, moi? Jamais! Une aspirine tout de suite, un rendez-vous chez le toubib pour régler le problème : la douleur aiguë a rempli sa mission de signald'alarme.

Paradoxalement, il faut donc souffrir pour rester en bonne santé.

Pour sûr ! renchérissent la quinzaine de personnesinsensibles à la douleur officiels que compte la population française.

Ces malades souffrent en effet… de ne jamais souffrir. Ainsi, lorsqu'elle avait trois ans, Tiphaine s'est cassé le tibia sans ressentir de douleur.

La fracture n'a été décelée que plusieursheures plus tard, au gonflement de sa jambe.

En fait, il est impossible au cerveau des personnes atteintes d'une insensibilitécongénitale (de naissance) de recevoir les messages qui provoquent la souffrance.

Car entre les nocicepteurs et la moelle épinière(l'ascenseur pour le cerveau, justement), les fibres conductrices ne se sont pas formées.

Avantage : ils n'ont jamais mal.

Inconvénient: l'encéphale n'est plus averti des traumatismes à soigner.

Couverte de bleus, de brûlures et de fractures réduites, Tiphaine a appris àêtre à l'affût de tous les dangers, aussi minimes soient-ils. A l'inverse, certaines personnes souffrent en permanence.

Souvenez-vous de cet insupportable coup d'orteil.

Imaginez maintenant quele même élancement soit apparu sans vous être cogné et se mette à durer tout le temps.

C'est ce qu'on appelle une douleur"chronique".

La migraine, les rhumatismes, l'arthrose font, entre autres, partie de ces souffrances aussi insupportables qu'inutiles. Un mauvais fonctionnement du système nerveux explique souvent la durée exceptionnelle de ces souffrances.

Le seuil des nocicepteurs est considérablement diminué, par exemple.

C'est le cas de l'arthrite : le moindre mouvement de l'articulation est alorssuffisant pour provoquer un envoi massif de messages à douleur. Pour soigner ces afflictions, l'arsenal classique — aspirine , morphine, antidépresseurs — est parfois insuffisant.

Mais si les molécules n'arrivent pas à bloquer les messages en provenance de nocicepteurshypersensibles, le scalpel, radical, peut y parvenir.

Il s'agit alors de couper les fibres juste derrière lestrublions, à l'entrée de la moelle épinière , ou même de détruire les neurones qui montent l'information au cerveau . Malgré cette intervention, la douleur persiste quelquefois, en pire.

En fait, ce ne sont plus les nocicepteurs qui s'en mêlent, mais les cellules cérébrales elles-mêmes.

Elles sont devenues hyperactives et créent une sensation de douleur alorsqu'aucun message ne leur est parvenu.

La démonstration la plus spectaculaire de ce phénomène est la douleur des membresfantômes; 95 % des amputés vivent en effet avec la sensation que leur bras ou leur jambe est encore là.

Et dans 7 cas sur 10, ilséprouvent toujours la vieille brûlure qui leur rongeait l'articulation! Problème.

Comment passer un doigt fantôme sous l'eau? Commentl'aspirine peut-elle faire taire des nocicepteurs qui n'existent pas? Pour atténuer les spectrales crampes ou certains élancements récalcitrants, les médecins n'ont bien souvent plus qu'un recours :pousser le cerveau à contrôler la douleur.

Comme nous l'avons vu, l'encéphale peut déclencher la libération de substances quibloqueront les messages pénibles au niveau de la moelle et du cerveau.

En 1969, Reynolds, un psychologue canadien, parvint ainsi àouvrir, du nombril au menton, des rats tout à fait éveillés.

Leur insensibilité avait était obtenue en stimulant électriquement certainesrégions de leur encéphale. Suffirait-il, dès lors, de nous titiller la matière grise de quelques électrodes bien placées pour voir disparaître nos migrainesrécurrentes? Cela se fait.

Des micro-électrodes sont implantées à la base du cerveau des patients.

Elles envoient de petitesdécharges électriques sur des groupes de neurones connus pour participer au contrôle de la douleur.

Les patients peuvent alors agirsur l'intensité de la stimulation.

Et cela marche plutôt bien : une séance de quelques minutes permet de supprimer la douleur durantplus de vingt-quatre heures… jusqu'à ce que le cerveau s'accoutume.

La stimulation fait, au fil du temps, de moins en moins d'effet.

Etla douleur réapparaît. Sous hypnose Autre façon de déclencher le contrôle cérébral de la douleur : l'autosuggestion ("je m'sens bien, je m'sens très bien, merveilleusementbien…") et l'hypnose.

Le cerveau y répond si bien qu'il ne perçoit pas les messages désespérés envoyés par la gencive au moment oùClément Leclerc, dentiste québécois, arrache les dents de ses patients sans anesthésie ! Rien que d'y penser, vous avez mal aux molaires, avouez! Normal.

Les émotions et la concentration sont pour beaucoup dans lecontrôle de la douleur.

A la vue d'une grosse seringue, vous anticipez : "Ah la la, ça va faire mal." Et voilà, ça fait mal! Mais si votrepetit(e) ami(e) vous accompagne, vous sentez à peine un picotement, tout absorbé dans la contemplation de son visage angélique!Preuve qu'être douillet ou pas dépend du contexte émotionnel et pas de nocicepteurs peu nombreux et super-résistants.

Il y a doncfort à parier que les exploits héroïques de Damon Kendrick ou des résistants torturés procèdent du même phénomène, encore trèsénigmatique.. »

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