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Sciences & Techniques: Descartes : le scientifique oublié

Publié le 22/02/2012

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Né il y a quatre cents ans, René Descartes jouit d'un prestige philosophique intact. Mais son oeuvre scientifique est presque ignorée. Il a pourtant eu des intuitions géniales, qui préfigurent notamment l'univers relativiste. Au collège des jésuites de La Flèche (aujourd'hui dans la Sarthe), où il étudia de 1607 à 1615, jusqu'à l'âge de 19 ans, René Descartes, comme il l'a écrit lui-même, se " plaisai[t] surtout aux mathématiques" . En 1618, alors qu'il sert à Breda (Pays-Bas), dans l'armée de Maurice, prince d'Orange, il rencontre Isaac Beeckmann, son aîné de sept ans, médecin passionné de mathématiques et surtout de leur application à des problèmes physiques. Plus tard, Descartes écrira qu'il n'avait " jamais rencontré personne d'autre qui utilise cette façon d'étudier (...) et joigne avec soin la physique et la mathématique" . L'année suivante, le 10 novembre 1619, en Allemagne, Descartes fait un rêve demeuré célèbre, où il est " enfermé dans un poêle [une pièce chauffée par un poêle], plein d'enthousiasme et en train de découvrir les fondements de la science admirable " . Vers 1620, il élabore sa fameuse loi d'optique, formulée entre 1626 et 1629. Cette " loi de Descartes " illustre, encore aujourd'hui, la controverse qui s'alluma autour de ce personnage mystérieux que certains accusèrent de " tricherie éhontée " et d'" orgueil démesuré ". Si l'on consulte l'Encyclopaedia britannica, la loi de la réfraction de la lumière est baptisée " Snell's law ", du nom du mathématicien et astronome hollandais Willebrord Snell, ou Villebrordus Snellius (1581-1626). Cette loi n'est pas même évoquée dans le long article sur Descartes et le cartésianisme.
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« En 1624, le parlement de Paris interdit sous peine de mort tout enseignement contraire à celui des auteurs autorisés par la faculté dethéologie.

Or, cet enseignement est issu d'un courant d'idées médiéval fondé sur l'interprétation de l'œuvre d'Aristote à partir decommentaires théologiques.

Il érige en dogme la transcendance divine et l'immobilité de la Terre au centre de l' Univers .

Descartes est troublé par cette intrusion de la religion dans la science, car il opère une distinction entre les deux.

Le titre complet de son grandœuvre est Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences .

Mais cette science ( " philosophie seconde " ou " philosophie naturelle ") doit trouver ses principes dans la " philosophie première " (nous dirions aujourd'huimétaphysique), qui porte sur les causes et les principes primordiaux (Dieu et l'immortalité de l'âme). Les hommes sont des " machines " divines Est-ce pour se conformer au diktat religieux que Descartes va inventer un monde étrange, précurseur, aux yeux de certains, del'univers relativiste d'aujourd'hui ? Pour lui, l'univers physique est entièrement composé de matière ; il n'y a pas de vide .

Cette matière est inerte en elle-même.

C'est Dieu qui lui a imprimé un mouvement, et cette quantité de mouvement demeure identique dans letemps .

La seule cause des phénomènes physiques est le choc qui transmet le mouvement de corps en corps. L'univers de Descartes est fait de planètes entraînées dans un tourbillon de matière dont le Soleil est le centre.

Ces planètes sontelles-mêmes les centres de tourbillons secondaires entraînant leurs satellites.

Il écrit : " Toutes les planètes (au nombre desquellesnous mettrons désormais la Terre) demeurent toujours suspendues entre les mêmes parties de cette matière du ciel.

" Le tour estjoué, la Terre redevient immobile.

" On ne saurait trouver dans la Terre, ni dans les autres planètes, aucun mouvement, selon la propre signification de ce mot, parce qu'elles ne sont point transportées du voisinage des parties du ciel qui les touchent, en tant que nousconsidérons ces parties comme au repos.

" Tour de passe-passe ou intuition d'un principe de la relativité ? On en discute encore.Toujours est-il que le système du monde de Descartes ne s'opposait plus au dogme religieux de l'immobilité de la Terre. Cette conception mécaniste s'étend aussi aux animaux et aux hommes.

Ces derniers ne sont que des " machines " mises au point et" remontées " par Dieu.

A Amsterdam, où il s'installe en 1628, Descartes demande à son boucher de lui " porter en [s]on logis lesparties qu'[il veut] anatomiser plus à loisir" .

Il fera ainsi de nombreuses observations pertinentes sur le fonctionnement desdites "machines ". Même s'il a tendance à gommer les acquis de ses prédécesseurs, Descartes a une vision novatrice et téméraire.

Il a pris pour point dedépart sa fameuse formule : " Je suppose que le corps n'est autre chose qu'une statue ou machine de terre" .

Œuvre de Dieu, cecorps-machine, humain ou animal, fonctionne, comme toute chose dans la nature, en transformant le mouvement que Dieu a mis enlui - jusqu'à sa mort, qui ressemble à l'arrêt d'un automate privé de " ressort ".

Il décrit la digestion en termes mécaniques et chimiques. L'affaire du cœur est plus intéressante.

Nous savons, par sa correspondance, que Descartes a lu le De motu cordis (Du mouvement du cœur ) du médecin anglais William Harvey (1578-1657), découvreur de la circulation sanguine .

Mais, s'il accepte l'idée que le sang circule dans le corps, s'il insiste sur les aspects mécaniques (artères et veines sont des tuyaux ; les valves, de petites portes), il rejette la théorie deHarvey selon laquelle le cœur est une pompe.

Il attribue le mouvement à une production de chaleur dans lecorps. Selon Descartes, le sang circule parce que le cœur est un foyer qui l'échauffe constamment, un foyer dont le feu est sans lumière,comme le " feu " de la fermentation du foin ou du moût de raisin.

Les admirateurs de Descartes diront que Harvey donne la vraiedescription sans expliquer pourquoi le cœur bat, tandis que Descartes se trompe, mais, du moins, fournit une explication.

Le sang deDescartes transporte les " esprits animaux ", particules légères et mobiles qui montent dans le cerveau, puis parcourent les nerfs et modifient la forme des muscles - notion qui rappelle les neurotransmetteurs et les neurohormones d'aujourd'hui. Descartes pense aussi que les jappements de joie ou de douleur d'un chien sont des phénomènes de type réflexe, comme le cri que pousse un homme qui se brûle, et le mouvement qu'il fait pour retirer la main du feu.

Les passions, plaisir et douleur, sont aussi desmécanismes.

A la différence des hommes, les animaux ne sont conscients ni de leur douleur ni de leur plaisir.

La preuve, c'est qu'ilsne parlent pas et ne peuvent nommer leurs sentiments. Les hommes, eux, pensent.

Descartes établit ici sa fameuse notion dualiste, la grande division hiérarchique de la nature, la séparationentre les êtres qui ne sont que des corps-machines et ceux qui ont une âme.

Les bêtes et les hommes.

La pensée ne peut être l'œuvre du corps.

Elle renvoie à une autre réalité, l'âme, qui est entièrement distincte du corps. Mais comment ces substances, âme et corps, jugées incompatibles entre elles et de natures différentes, peuvent-elles communiquer? " Ceci est le point le plus difficile à expliquer ", admet Descartes, qui situe le siège de l'âme dans la glande pinéale (aujourd'huiépiphyse) du cerveau , pour des raisons qui nous paraissent saugrenues.

Il écrit dans les Passions de l'âme (publié en 1649) : " La raison qui me persuade que l'âme ne peut avoir en tout le corps aucun autre lieu que cette glande où elle exerce immédiatement sesfonctions est que je considère que les autres parties de notre cerveau sont toutes doubles, comme nous avons deux yeux, deuxmains, deux oreilles, et enfin tous les organes de nos sens extérieurs sont doubles.

(...) Il faut nécessairement qu'il y ait quelque lieuoù les deux images qui viennent par les deux yeux (...) se puissent assembler en une avant qu'elles parviennent à l'âme, afin qu'ellesne lui représentent pas deux objets au lieu d'un.

" Mélange de candeur et de modernité. »

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