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Sciences & Techniques: Les fonctions du rêve

Publié le 22/02/2012

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... Vous ne verrez pas la rue à travers la vitre. Vous serez habité par votre rêve de la nuit... Les hypothèses concernant les fonctions du rêve abondent. Elles correspondent à trois points de vue : psychanalytique, physiologique ou génétique. Qu'adviendrait-il de nos vies et de nos sociétés dans l'arbitraire et quotidienne obligation de suspendre temporairement toute activité ? L'évidente nécessité du sommeil a certainement contribué à occulter la double question de ses causes et de ses fonctions. Philosophes, physiologistes et médecins se sont, de tout temps, beaucoup plus préoccupés de l'état vigile et conscient que de sa suspension récurrente. Au début de ce siècle, le sommeil était encore conçu comme une période de repos et une cessation de toute activité nerveuse. Pourtant, les neurones poursuivent leur dialogue non seulement pendant les phases de sommeil paradoxal, mais aussi durant les périodes de sommeil lent.

« Bien que la théorie freudienne soit particulièrement succincte quant à la fonction du rêve - et plus encore du sommeil - elle représentenéanmoins l'une des deux bornes fondamentales dans l'histoire du rêve, la seconde étant bien entendu la découverte du sommeilparadoxal, alors dénommé " REM-sleep " par Aserinski et Kleitman en 1953.

Pour l'une comme pour l'autre se dégage clairement un "avant " d'un " après ".

L'idée d'interpréter les rêves existait pourtant bien avant la théorie freudienne, dans une perspective prémonitoire,divine ou divinatoire, mais aussi à la suite de travaux plus rationnels d'Alfred Maury ou d'Hervey de Saint-Denys au XIXe siècle.

Pasplus que les considérations sur l' inconscient ou la sexualité qui avaient déjà été évoquées à la fin du XIXe siècle, l'idée de proposer une sémiologie du rêve n'était pas en soi une nouveauté.

La singularité de l'œuvre de Freud tient à l'édifice théorique qui proposait nonseulement d'interpréter les rêves selon une grille d'encodage et de décodage particulière (utilisation des restes diurnes, condensation,déplacement, dramatisation, relâchement de la censure et établissement d'un compromis), mais d'intégrer cette interprétation estdonc le contenu onirique, manifeste ou latent, à un système psychodynamique.

Avec Freud, le rêve devient véhicule, exutoire etrévélateur de forces pulsionnelles. Cet aspect de la conception freudienne, qui a été à juste titre le mieux propagé puisqu'il constitue le noyau de son propos sur le rêve,relève d'une vision médicale plutôt que biologique, s'attachant à l'individu sur un mode anthropocentrique et sémiologique plutôt qu'àl'espèce ou la population sous un angle télénomique.

La confusion qui s'est glissée entre valeur sémiologique et télénomique du rêve,et que Freud avait pourtant parfaitement évitée en posant la question des fonctions du rêve, continue certainement de hanter certainsesprits, pour lesquels le rêve serait l'apanage des animaux doués de parole, capables d'en faire le récit.

Pourtant, à l'exception dudauphin , nos cousins mammifères rêvent, de même que les nouveau-nés humains.

La fonction du rêve ne se limite donc pas au récit que l'on peut offrir à l'analyste. Nombre de théories ultérieures touchant aux fonctions du rêve se sont positionnées par rapport aux thèses freudiennes, à la recherched'arguments expérimentaux visant tantôt à étayer, tantôt à infirmer la conception psychanalytique du rêve.

Assez répandue dans laphysiologie occidentale, cette arrière-pensée concernait en particulier l'école américaine du sommeil, de culture ou de formationpsychiatrique dans les années 1950 et 1960.

Certaines expériences de privation du sommeil, pratiquées à cette époque, ont étéconçues, voire interprétées en fonction de cet a priori : ainsi la privation de sommeil paradoxal chez l'animal provoque desmodifications comportementales - agressivité, boulimie, désinhibition sexuelle - qui ont été interprétées comme une élévation de lapression instinctuelle.

De même l'hypothèse d'activation-synthèse proposée par Allan Hobson, fondée sur l'étude de l'activité dusystème nerveux en phase paradoxale, ne semble pas affranchie pour autant de toute préoccupation psychanalytique. La conception freudienne de l'interprétation du rêve n'a pratiquement subi aucune retouche au sein dumouvement analytique.

Seule la conception de Jung semble différer quelque peu de celle de Freud .

Géré par le moi onirique qui propose son entremise afin de faire surgir l' inconscient dans le conscient, le rêve procède avant tout de la dramatisation, sans condensation ni déplacement.

Il s'agit d'un scénario théâtral,conservant sa structure logique et se poursuivant jusqu'à sa conclusion.

Le canal du rêve laisse s'exprimerdes complexes inconscients propres à l'individu aussi bien des archétypes relevant de l'inconscientcollectif.

Selon Jung, la fonction du rêve serait compensatoire, en contrebalançant le conscient par son envers, allant même jusqu'à remplir une fonction d'avertissement.

Cette fonction compensatoire, que Jung compare à la fonctionimmunitaire, chargée de défendre l'intégrité de l'individu, et que l'on pourrait aujourd'hui taxer de processus opposant, fait jouer au rêveun rôle régulateur, un rôle de guide dans l'édification de la personnalité.

A condition de lui appliquer une lecture des plus larges, lavision de Jung n'est ainsi pas complètement dénuée de parenté avec la conception neuroéthologique récemment proposée par Jouvet. Rêve et mémorisation L'apprentissage et la mémoire constituent une autre facette des fonctions supposées du sommeil.

Le sommeil paradoxal, durantlequel le cerveau connaît une intense activité métabolique, pourrait constituer une période privilégiée de remodelage synaptique. L'ajustement du système nerveux à l'expérience dépendrait de la plasticité synaptique, qui consiste à créer de nouvelles synapses et à en éliminer d'autres, ou de façon plus subtile, à moduler le poids synaptique - autrement dit à modifier l'importance de telle ou tellesynapse dans la réponse résultante du neurone post-synaptique.

L'un des grands problèmes de la neurobiologie de la mémoire tientau transfert entre stockage immédiat et stockage à long terme des informations.

Cette consolidation mnésique concerne une faiblefraction d'informations, mais nécessite la conversion d'un codage reposant sur le transfert électrique de messages dans un circuitneuronal en une mémoire inscrite dans la structure même du circuit.

Une telle transition entre mémoire à court et long terme supposepar conséquent une étape de plasticité synaptique guidée par l'activité électrique du réseau.

C'est précisément cette fonction quemourrait assurer le rêve. En situation d'apprentissage, le rat augmente le nombre de ses phases paradoxales.

A l'inverse, la privation de sommeil paradoxalréduit ses facultés d'apprentissage.

La situation semble à peu près analogue chez l'Homme.

La durée du sommeil paradoxalaugmente sensiblement lorsque le sujet doit mémoriser des informations pour les restituer le lendemain.

De plus, le fait d'allonger lesphases paradoxales améliore la rétention des acquis de la veille. Ces travaux souffrent néanmoins de quelques difficultés d'interprétation.

L'apprentissage, comme d'ailleurs la privation de sommeil,constituent une situation de stress pour l'animal.

Or, le stress entraîne lui aussi un accroissement du sommeil paradoxal.

De plus la privation " sélective " de sommeil paradoxal modifie l'ensemble de la composition du sommeil et altère ainsi, à un moindre degré, lesommeil lent. Francis Crick soulève, lui, une difficulté d'interprétation d'un autre ordre, en proposant une lecture diamétralement opposée.

Si lesommeil paradoxal favorise la mémorisation d'informations, c'est peut-être tout simplement parce que le rêve permet l'oubli.

Il éviteainsi la structuration des réseaux neuronaux et autorise de nouvelles acquisitions.

Plutôt qu'un oubli aléatoire, comparable à une usure. »

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