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Le sentiment religieux implique-t-il la croyance en un être divin ?

Publié le 12/01/2004

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a) C'est d'abord sur la notion de divinisation, qui est au centre de l'énoncé, qu'il faut faire porter l'analyse. L'énoncé laisse entendre peu ou prou que cette divinisation serait l'oeuvre d'un homme : le sentiment religieux, besoin consubstantiel à l'espèce, produirait littéralement, par une relation de cause à effet (portée par le verbe « impliquer ») la divinisation de ce sur quoi il porte. A l'encontre de cela, et même pour répondre positivement à l'énoncé, il faut inverser la relation : c'est Dieu qui me fait croire, c'est la présence du divin qui implique le sentiment religieux. Ainsi le Dieu « sensible au coeur » de Pascal n'est pas produit par le coeur, mais c'est au contraire lui qui rend le coeur sensible. C'est tout le sens du « mystère » de Jésus, auquel on croit d'abord, avant de chercher à étayer cette foi, qui est un fait donné.b) Cette relation peut être comprise dans l'autre sens : l'attitude religieuse se définit alors comme divinisation de ce sur quoi elle porte, y compris quand ce n'est plus un objet divin en tant que tel. L'analyse de Nietzsche vise par exemple à le dénoncer dans les sciences, notamment dans le § 344 du Gai Savoir (« en quoi nous sommes, nous aussi, encore pieux »). Ainsi, pour lui, la science repose elle aussi sur une « foi métaphysique », qui « fut aussi celle de Platon, pour qui le vrai s'identifie à Dieu et toute vérité est divine ». L'attitude religieuse, qui consiste à diviniser ce sur quoi elle porte, se retrouve aussi en dehors de la religion. II - La divinité n'épuise pas l'attitude religieuse.

La raison peut admettre l'existence de Dieu sans pour autant se soumettre aux exigences de la religion. Telle sera l'attitude adoptée par la plupart des philosophes du siècle des Lumières. Mais, la reconnaissance de l'existence de Dieu implique une révélation divine. Il ne peut donc y avoir de foi en Dieu chez celui qui n'est pas religieux.

« III - Le fait religieux n'implique pas nécessairement un Dieu et une croyance. a) Selon son étymologie, la religion est un lien ou une mise en relation.

En latin, « religare » signifie relier.

La religionrelie l'homme à un être transcendant.

Une autre étymologie ferait dériver le mot « religion » de « religio » à savoirl'intégrité, le scrupule à remplir ses devoirs.

On peut, à la lumière de ces deux hypothèses étymologiques, définir plusprécisément la religion comme système de croyances et de pratiques qui, dans le respect et la vénération, relie deshommes entre eux et avec une ou des instance(s) non sensible(s), et donne sens à l'existence subjective.

Cettedéfinition présuppose la délimitation du monde en un domaine sacré et un domaine profane , qui serait le traituniversel de l'attitude religieuse : « Toutes les croyances religieuses connues présentent un même caractèrecommun : la division du monde en deux domaines comprenant, l'un tout ce qui est sacré, l'autre tout ce qui estprofane, tel est le trait distinctif de la pensée religieuse » (« Les formes élémentaires de la vie religieuse »).

« Onpourrait dire que l'histoire des religions, des plus primitives aux plus élaborées, est constituée par les manifestationsdes réalités sacrées.

De la plus élémentaire hiérophanie : par exemple, la manifestation du sacré dans un objetquelconque, une pierre ou un arbre jusqu'à la hiérophanie suprême qui est, pour un chrétien, l'incarnation de Dieudans J.C.

C'est toujours le même acte mystérieux : la manifestation de quelque chose de « tout autre », d'uneréalité qui n'appartient pas à notre monde, dans des objets qui font partie intégrante de notre monde naturel,profane.

» Mircéa Eliade. L'idée de transcendance s'est substituée à l'idée du divin, et nous laisse entrevoir la structure essentielle de toutereligion: la distinction entre un ici-bas et un au-delà qui renvoie à celle du sacré et du profane.

Cette dernièredistinction semble devoir fournir une solution à la recherche, initiée par l'énoncé, d'une caractéristique essentielle dureligieux: quelque définition que l'on propose de la religion, il est remarquable qu'elle enveloppe cette opposition dusacré et du profane, quand elle ne coïncide pas purement et simplement avec elle », dit ainsi Caillois. b) À la lumière de cette idée, il y a lieu de revenir sur l'énoncé, qui évoque le « sentiment religieux » comme s'ils'agissait d'une sorte de pléonasme : or ce présupposé prédestine la notion de religion à une définition par la foi, quine saurait l'épuiser.

Le rapport au sacré n'est pas en effet réductible à l'ordre de la foi. Conclusion. Réduisant la religion à un sentiment, et recherchant ensuite si la religion se définit par la foi en Dieu, l'énoncécommet donc une pétition de principe : il faut donc le contester pour découvrir que la foi en Dieu n'est qu'unecaractéristique comme une autre du religieux.. »

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