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Sextus Empiricus et la vérité

Publié le 27/02/2008

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Les dogmatiques disputent entre eux sur le Vrai : quelques uns disent qu'il y a quelque chose de Vrai ; et d'autres qu'il n'y a rien de vrai. Cela étant on ne peut point décider cette controverse, parce que si celui qui dit qu'il y a quelque chose de vrai, le dit sans démonstration, on ne le croira pas, à cause que cela est contesté : et s'il veut apporter une démonstration et qu'il avoue qu'elle est fausse, il se réfutera lui-même : mais s'il dit que sa démonstration est vraie, il tombera dans le Diallèle. (Car il prouvera qu'il y a quelque chose de vrai par une démonstration qu'il dit être vraie mais qu'il ne peut prouver être vraie à moins qu'il n'ait prouvé qu'il y a quelque chose de vrai.) De plus on lui demandera une démonstration pour prouver que sa première démonstration est vraie, et encore une démonstration de cette seconde, et ainsi à l'infini. Mais on ne peut point démontrer ainsi à l'infini ; et par conséquent il faut dire qu'on ne peut connaître en aucune manière qu'il y ait quelque chose de vrai. Bien plus. Ce quelque chose, qu'ils disent être le genre généralissime de toutes choses, est ou vrai ou faux ; ou bien, il n'est ni vrai ni faux ; ou bien il est vrai et faux tout ensemble. S'ils disent qu'il est faux, ils avoueront que toutes choses sont fausses: car comme, de ce que cette chose, qui est animal, est animée, il s'enfuit que tous les animaux en particulier sont animés; de même, si le quelque chose qui est le genre généralissime de toutes choses est faux, toutes les choses particulières seront fausses aussi, et il n'y aura rien de vrai ; mais de là on conclura aussi qu'il n'y a rien de faux. Car cette proportion, toutes choses sont fausses, sera fausse aussi parce qu'elle est quelque chose : et comme cette proposition particulière, il y a quelque chose de faux, est comprise dans la générale qui est fausse, elle fera fausse aussi, et par conséquentétant faux que toutes choses soient fausses, et qu'il y ait quelque chose de faux, il n'y aura rien de faux. Que si le quelque chose généralissime est vrai:, toutes choses seront vraies ; mais on inférera de là, qu'il n'y a rien de vrai, parce que cette proposition, il n'y a rien de vrai, étant quelque chose, sera vraie aussi. Si ce quelque chose est vrai et faux tout ensemble, toutes les choses particulières qui sont fous ce genre feront aussi vraies et fausses en même temps : d'où on conclura qu'il n'y a rien qui soit vrai de sa nature, parce que ce qui est vrai par sa nature, ne peut en aucune manière être faux. Enfin si ce quelque chose n'est ni vrai ni faux, il faudra avouer que toutes les choses particulières, qui sont sous ce genre n'étant ni vraies ni fausses, ne feront rien et n'existeront point. Voilà donc des raisons qui nous empêchent de savoir évidemment si le Vrai existe. Sextus Empiricus - Esquisses pyrhoniennes.La vérité, par définition, consiste à réaliser l'accord de la pensée et du réel quand on veut rendre compte du monde extérieur : le vrai est la correspondance du discours à la réalité. Connaître les choses telles qu'elles sont en elles-mêmes, c'est posséder la vérité. Tout le monde semble d'ailleurs s'accorder sur cette correspondance depuis le XIIIème siècle. Mais plus rares sont ceux qui se sont posés la question de l'existence de la vérité, et donc du vrai. Pourtant, si certains admettent la possibilité d'une connaissance de la réalité, donc de l'existence du vrai, d'autres sont persuadés du contraire. Une démonstration n'est-elle pas alors nécessaire ? Pour Sextus Empiricus, le désaccord au sujet du vrai ne peut être tranché car une telle démonstration est impossible et l'existence du vrai ne saurait être prouvée. En effet, ligne 1 à 3, il y a un désaccord opposant ceux qui affirment qu'il existe quelque chose de vrai à ceux plaidant qu'une telle vérité est inexistante. Cependant, ligne 3 à 12, est-il possible qu'une démonstration validant l'une ou l'autre des thèses soit apportée ? Pour aller plus loin, ligne 13 à 30, on peut faire l'expérience de toutes les combinaisons, à partir du vrai et du faux, pouvant s'appliquer à un ensemble général, et en observer l'aboutissement.

« possible de démontrer l'unique existence du faux, et donc la non-existence du vrai.

Cela établirai bien une vérité,car la vérité est l'affirmation de ce qui existe ou la négation de ce qui n'existe pas.

De plus, notre connaissance dela réalité extérieure, possibilité admise par les dogmatiques, se verrai accroître.

On peut comprendre alors la divisionau sein même de l'école dogmatique en ce qui concerne l'existence du vrai : pour les uns il existe quelque chose devrai, pour les autres il n'existe rien de vrai, et pourtant ils s'appuient sur la même idée de démonstration possible dela vérité.

On peut donc se demander sur quoi s'appuient ceux qui « disent quelque chose de vrai » pour croire cela,et qu'est-ce que la preuve de ce qu'ils avancent nous apporterait ?Croire en l'existence du vrai n'est-ce pas croire en la capacité de bien penser de l'être humain? En effet, bienpenser, c'est connaître la vérité, ou diriger son entendement par le chemin qui mène à la vérité.

Le philosophe, quise veut bon penseur, peut donc être amener à croire en l'existence du vrai : c'est bien le cas de certainsdogmatiques dont parle Sextus Empiricus.

Le - 1 -NICOLLE Clément TS1 vrai n'est pas lé réel, c'est la réalité des choses.

Connaître les choses telles qu'elles sont en elles-mêmes, connaîtreles propriétés physiques qui leur sont propres, c'est posséder la vérité donc l'existence du vrai ne permettrai pas deprouver l'existence d'un monde extérieur réel.

Néanmoins, la recherche de la preuve de l'existence du vrai n'est pasvaine : l'effort de l'esprit humain pour parvenir à une authentique vérité peut être couronnée de succès.

Ainsi, cettepreuve, apportée, serait une concrétisation.

De plus, cela permettrait d'officialiser, en quelque sorte, les théories quinous régissent: elles ne seraient plus attaquables sur le fait qu'on ne peut dire qu'elles sont vraies car on ne sait sile vrai existe.

Aussi, juger, c'est affirmer mentalement qu'une chose est ou n'est point.

L'essence même du jugementcomporte donc qu'il soit vrai ou faux : tout jugement est en soi et à priori déterminé, décidé quant à la vérité ou lafausseté.

Ainsi, un jugement ne peut être vrai qu'à la condition que le vrai existe, donc que son existence soitdémontrée.

Mais, à l'opposé de cette croyance en la possibilité de la démonstration de l'existence du vrai, setrouvent ceux qui « disent qu'ils n'existe rien de vrai » : que prônent ces derniers, et pourquoi pensent-ils cela ?Ceux qui pensent qu'il existe un démonstration de la non existence du vrai peuvent avoir plusieurs raisons de pensercela.

Il est possible qu'ils aient adopté cette position par simple esprit de contradiction en vers ceux qui pensentque le vrai existe.

D'ailleurs, la philosophie sceptique, qui renonce à la possibilité de la démonstration de l'existencedu vrai, a pour principe de s'opposer à la philosophie dogmatique, ou tout du moins de la mettre en doute.

Peut-êtreencore pourrait-on penser que certains philosophes croient qu'ils n'existent rien de vrai par dépit, car ils neparviennent à un aboutissement dans la quête de la preuve de la vérité.

Cependant, on peut attaquer cet argumentsur le fait qu'ils n'arrivent pas non plus à démontrer la non-existence du vrai.

La cause la plus probable pourexpliquer que certains philosophes « disent qui n'existe rien de vrai » est sûrement la suivante : étant donné quenotre rapport avec le monde dépend de la connaissance que nous en avons, et que notre connaissance de la réalitépeut s'avérer être exacte ou non, alors nous entretenons avec le monde un rapport de vérité.

Or, les images quenous percevons de l'univers extérieur sont multiples et variables.

La vérité est pourtant caractérisée par sapermanence et son universalité.

Ainsi, une correspondance entre ma pensée et le réel est impossible, ou tout dumoins improbable, puisque je n'en perçois pas l'exactitude.

De là, on conclurait qu'il n'existe rien de vrai, puisqueposséder la vérité c'est connaître les choses en elles-mêmes.

Mais, en tenant compte de cette démonstration,comment expliquer que certains prônent encore qu'il existe quelque chose de vrai ? La réponse est simple : cettedémonstration est elle-même basée sur des incertitudes.

En effet, peut-être que nos sens se jouent de nous etfaillent à nous montrer la réalité telle qu'elle est vraiment, ou peut-être que notre raisonnement nous amène àposséder de l'univers extérieure des représentations qui lui sont incohérentes.

On peut également se demander cequ'apporterait la preuve que rien n'est vrai.

En effet, cela irai à l'encontre de nos agissements car, comme nousl'avons dit plus haut, notre rapport avec le monde est un rapport de vérité.

Si la preuve de la non-existence du vraiétait apportée, notre rapport avec l'univers extérieur deviendrai fictif, ce qui engendrerait en l'homme une perte derepères.

D'autant plus que, comme nous serions conscient que rien de vrai n'existe, nous serions conscients de vivredans un univers fictif.

Aussi, toutes les théories et les sciences, qui se disent être exactes (notamment lesmathématiques) seraient anéanties.

En effet, toute science a besoin d'un point d'appui : c'est le fondement surlequel l'architecte sur lequel l'architecte élève son édifice.

Il s'agit en fait d'évidences difficilement incontestables,que l'on nomme axiomes.

Or, s'il est démontré qu'il n'existe rien de vrai, ces points d'appui se révèlerontautomatiquement faux, car ce qui n'est pas vrai est faux, et tout le raisonnement logique qui en découlera seraégalement inexacte.

De plus, nos jugements seraient transformés car, si rien n'est vrai, alors ils seront établiscomme étant faux et nos certitudes deviendront incertitudes.Il serai donc plutôt en faveur de nos agissements que ce soit la preuve de l'existence du vrai - 2 -NICOLLE Clément TS1 qui soit apportée.

Mais, si ce désaccord persiste, n'est-ce pas qu'aucune démonstration de l'existence ou non duvrai n'est possible ? En effet, il semble impossible de pouvoir démontrer l'une ou l'autre des croyances qui constituent le désaccord.Dans le texte, Sextus Empiricus ne développe seulement le cas de ceux qui « disent qu'il existe quelque chose devrai » car ceux qui « disent qu'il n'existe rien de vrai » ne peuvent démontrer leur position.

Supposons qu'ilsparviennent à démontrer qu'il n'existe rien de vrai, alors leur démonstration même devrait être vraie, or elle montreque rien ne peut être vraie.

Il y a donc une incohérence, et une telle démonstration ne peut se faire.

En ce quiconcerne les philosophes qui affirment l'existence du vrai, l'auteur décompose leurs possibilités de démonstration en. »

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