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Un siècle à redécouvrir perpétuellement

Publié le 14/12/2011

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La période finale du XVIIIe siècle, celle des Restif,

Sade, Laclos, Madame de Staël, Sénancour et

Chateaubriand aussi, attire toujours les commentateurs.

Le tome XI de la vaste Histoire de la Littérature

française que publient les éditions Arthaud est

le troisième que Béatrice Didier consacre au

xviiie siècle. Il s'agit cette fois de la fin du siècle

et mème du commencement de l'autre. C'est une

des périodes chaudes de l'aventure française que

traversent alors les écrivains ; pour certains, ils ont

contribué fortement à la susciter ; d'autres se

contentent de la vivre, d'autres encore de l'analyser

; mais tous y ont été intensément mèlés et le

brasier de la Révolution et de l'Empire ne pouvait

pas demeurer étrangers aux événements. C'est ce

qui fait l'importance et l'intérèt de ce gros livre qui

va au devant des difficultés et ne dédaigne pas de

faire la part belle au menu fretin des lettres. A la

différence de l'histoire littéraire traditionnelle dans

le style de Lanson, Béatrice Didier organise son

travail à la façon des historiens de l'histoire nonévénementielle.

Ce qui l'intéresse, c'est naturellement

les auteurs du temps, mais dans la mesure où

ils sont vraiment dans leur temps. D'où la place

que tiennent ici, outre une actualité qu'il serait difficile

d'oublier, la politique, l'économie, la démographie,

l'évolution des moeurs, la société et la culture,

populaire ou intellectuelle.

 

« Combourg a été payé avec les bénéfices de la traite.

Il y a le grand frère, qui reçoit le château au décès du père, et par la même occasion, fait du petit der­ nier, le sixième survivant de dix enfants, mourant le jour de sa naissance, un délaissé.

La part qui revient à François-René n'est certes pas négligea­ ble, mais il est déçu.

Il va en Angleterre, en Améri­ que.

Il souffre.

La France transforme l'histoire du monde.

Il a vu Louix XVI, il viendra voir Bonapar­ te.

Le vicomte comprend vite que son avenir se joue dans ce pays en révolution.

Il comprend sur­ tour que cette révolution a besoin de lui, qu'il lui faut se faire le porte-parole d'un système qui a banni les rois pour instaurer d'autres princes et d'un régime qui a chassé la religion pour s'en don­ ner une autre.

Merveilleux moment où, dans la lignée du mélo­ drame naissant, Chateaubriand invente le senti­ ment et une forme neuve d'émotion.

Les pieuses émotions du Génie du christianisme bouleversent les données traditionnelles du commerce de librai­ rie comme celles de la conception de la religion.

Cet ouvrage de circonstance, comme le disait son auteur, devait avoir du succès, grâce « au nom­ breux parti qui le portait ».

On ne peut pas être plus sincère.

Mais le dernier-né de Combourg, l'expulsé, le refusé, entre alors dans la vie, dans la Révolution où les siens ont laissé leur tête, et dans l'histoire, politique et littéraire.

Les tempêtes commencent.

Il va en faire son métier.

Cela débute avec les souve­ nirs de Combourg et avec Lucile.

Les romanciers d~ Paris dans leur ville Les romanciers qui ont décrit Paris ne manquent pas ; une anthologie entière pourrait leur être consacrée.

Plus modestement, mais avec talent, les Archives nationales, à l'Hôtel de Rohan, ont pré­ senté une exposition où Balzac, Süe, Zola et Proust, témoins de la vie parisienne de leur temps, se rencontraient avec ces autres témoins que sont les peintres et les graveurs.

Il ne s'agissait pas de montrer des illustrations de leurs œuvres, mais de confronter images et textes à partir d'un même pro­ pos.

La capitale encore moyenne à la Révolution prend, dès la Restauration, les allures d'une méga­ pole ; elle devient invivable, sauf pour quelques­ uns, avec Louis-Philippe, et surtout Napoléon III et la 111• République.

Le Parisien chez lui au X/xe siècle, comme s'appelle cette exposition, met face à face la vision de l'artiste et celle du romancier, et c'est étonnant de constater comme elles se rejoi­ gnent au point de se confondre.

Les artistes présen­ tés à cette occasion sont moins connus que les écri­ vains qui leur servent de référence : ils s'appellent Martial-Potémont, spectateur de la vie parisienne de la première moitié du XIX• siècle, ou Toulmou­ che, Moreau- Vathier, gloires de la Belle Epoque, mais leur langage coïncide exactement avec celui des auteurs qu'on les a chargés d'illustrer.

On se demande d'ailleur.s pourquoi, puisqu'il y a entre les uns et les autres de singulières discordances esthéti- ques ou de talent.

Mais les visions, différemment traduites, restent comparables.

On se reconnaît dans ces mondes-là, celui d'Eugène Süe avec ses cabarets, ses garnis, ses tapis-francs et ses asiles ; celui de Béranger avec ses greniers «où l'on est bien à vingt ans » ; celui de Zola ou de Daudet, avec, ici, leur satin, et là leur puanteur.

Proust rejoint Sarah Bernhardt et toute une société pari­ sienne représentée avec un évident besoin de faire de « la » Parisienne un personnage essentiel de l'époque.

Sand après cent ans George Sand est morte il y a cent ans.

Le village de Nohant lui a consacré une exposition qui la remit dans ses meuble~ et son paysage.

La Biblio­ thèque nationale l'a présentée dans son univers : celui des écrits et des écrivains.

La réussite est exemplaire.

Roger Pierrot et Michel Brunet, qui l'ont organisée, ont su faire le portrait de cette femme qui, après un siècle, devient, avec Balzac ou Flaubert, un des plus grands romanciers de la période romantique et post-romantique.

L'antifémi­ nisme jouant -certaines conceptions politiques aussi -elle avait été longtemps la parvenue des let­ tres.

On prenait le parti de Musset contre elle, comme celui de Baudelaire, pour des raisons diffé­ rentes.

Le point de vue a changé.

Rien n'est plus vivant que cette présentation de la vie et de l'œuvre d'Aurore Dupin dont les souve­ nirs personnels, comme on dit, sont peu nombreux, mais qui est présente à travers cette fantastique écriture produite à longueur de vie, sous forme de romans, articles ou de lettres.

Des milliers de pages serrées où elle ne fait rien d'autre que se raconter et que d'essayer de se comprendre en se racontant.

Car cette cynique, comme elle se décrit elle-même, est une tendre anxieuse qui voudrait bien savoir ce qu'elle est ; elle s'y applique avec bonne volonté à travers ses aventures sentimentales ou politiques.

Son malheur, c'est d'avoir besoin d'hommes, comme Musset ou Chopin, un peu trop sensibles, qui satisfont ses instincts mais blessent sa raison.

Madame d'Agoult, qui sait bien de quoi elle parle, le dit : « Ses amants sont pour elle un morceau de craie blanche avec lequel elle écrit son tableau.

Quand elle a fini, elle jette le morceau sous son pied, et il ne reste plus qu'une poussière vite envo­ lée "· Le personnage est envoûtant, même s'il irrite.

On a tôt fait de parler des côtés MLF de Madame Sand, comme si cela avait un sens.

Ses engage­ ments, d'Indiana qui entend protester contre le sort de la femme dans la société, et qui est publié en 1832, à ses romans berrichons, elle n'a jamais cessé de lutter contre un modèle d'existence qu'elle a au moins eu le mérite, qu'on le veuille ou non, d'expérimenter elle-même dans la plupart des cas, ou d'analyser en les étudiant de près, avec une sympathie fraternelle.

Il y a des centenaires qui se portent bien : c'est le cas de celui de la fausse bonne Dame de Nohant.. »

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