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SIGNORELLI

Publié le 25/06/2012

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C'est aux fresques d'Orvieto qu'il appartient de nous montrer combien, lorsqu'il unit à son amour du nu celui des éléments expressifs individuels, Signorelli peut être immense et terrible. La doctrine de Vincent de Beauvais, selon laquelle l'homme, au jour final, surgira de la terre, jeune, beau, ainsi qu'à son image même Dieu l'a créé au premier jour du monde, exalte Signorelli, fait de lui un être heureux et triomphant. La Fin du monde d'Orvieto est l'apothéose de la race humaine exaltée dans sa forme et dans sa vie, dans l'instant suprême qui précède sa destruction.

« Ses contours sont infiniment sinueux; son modelé, noyé dans le clair-obscur; ses volumes, dont aucun n'est fixe, soulignent avec souplesse les variations de la ligne.

On ne semble pas avoir pensé jusqu'à ce jour que, s'il fallait vraiment trouver à Signorelli un maître florentin, celui-ci ne pouvait être que Paolo Uccello, lequel, en peignant le mouvement tumultueux d'une bataille, garde le souci d'inscrire avec précision chaque forme particulière, d'accentuer le caractère par de fermes contours et d'établir si solidement ses volumes qu'il donne à Bernard Berenson l'impression d'avoir peint des automates dont les gestes ont été arrêtés brus­ quement par quelque accident de machinerie.

Luca Signorelli va plus loin.

La forme, qu'il avait choisie et faite sienne après les leçons de Piero della Francesca et probablement les exemples de Paolo Uccello, était fixée en volumes marmoréens, sans vibrations dans le clair-obscur, et elle exprimait le mouvement par la repré­ sentation de son moment le plus caractéristique.

C'est sur la couleur qu'il comptait pour l'amener à exprimer le drame.

Une couleur sombre comme du sang coagulé, des rouges éteints, des verts troubles et comme pourris, des bleus de nuit, des jaunes putrides, des chairs bronzées et pour ain­ si dire recuites, des ombres denses et chaudes, et, dans les fresques, une alternance de verts gris et de violets livides, de roses passés et d'azurs pâlis.

Ces tonalités irréelles s'appliquent sur des formes d'un extrême réalisme.

Enfin les nus.

C'était au Kaiser-Friedrich-Museum que se trouvait l'Education de Pan, un des tableaux les plus fascinants qui fût au monde: l'essence même de l'œuvre de Signorelli; on y voyait à quel sommet a pu atteindre la synthèse, toujours poursuivie par Luca, entre la forme sculpturale et le caractère dramatique de la couleur.

C'était le triomphe classique de la repré­ sentation du corps humain, réduit à l'essence même des purs volumes.

En ces années funestes, il a été sauvagement brûlé.

C'est aux fresques d'Orvieto qu'il appartient de nous montrer combien, lorsqu'il unit à son amour du nu celui des éléments expressifs individuels, Signorelli peut être immense et ter­ rible.

La doctrine de Vincent de Beauvais, selon laquelle l'homme, au jour final, surgira de la terre, jeune, beau, ainsi qu'à son image même Dieu l'a créé au premier jour du monde, exalte Signorelli, fait de lui un être heureux et triomphant.

La Fin du monde d'Orvieto est l'apothéose de la race humaine exaltée dans sa forme et dans sa vie, dans l'instant suprême qui précède sa destruction.

Michel-Ange a vu ces fresques, mais malgré l'admiration qu'elles ont pu lui inspirer, le Jugement dernier de la Sixtine ne leur doit rien.

Les conceptions de Signorelli étaient trop éloignées des siennes.

La résurrection paisible et étonnée de la chair, la sérénissime extase des bienheureux devant le chœur des anges et la révolte des damnés contre les agents impassibles de l'ordre divin, qui sont le drame final de l'humanité à la chapelle orviétane, sont loin, et dans quelle immense mesure, de la tumultueuse félicité des élus, en haut, autour du Christ géant, et de ce malheur qui précipite et réabsorbe les damnés au limon de la terre, qui sont la tragédie finale de la chapelle Sixtine; aussi éloignés que le Discobole de Myron est loin du Torse du Belvédère.

Mondes divers et divergents qui ne se rencontrent pas.

Le fil subtil et brillant tissé par la critique et qui, passant par un Signorelli élève de Polla­ jolo, unissait Piero della Francesca à Michel-Ange, était fragile.

Il s'est brisé.

Et comme toutes les théories trop faciles, celle-ci s'est consumée et est devenue fumée.

(Gakrie tks Offices, Florence.) ROBERTO PAPIN! Professeur agrégé d'histoire de l'art à l'Université Florence 133. »

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