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Sommes-nous prisonniers de notre passé ?

Publié le 29/03/2005

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Cette question a deux dimensions, l’une plus personnel, l’autre plus historique et sociale. Etre prisonnier, veut dire dans ce premier temps que l’on ne peut s’extraire de ce passé, qu’il nous empêche de voir l’avenir, de nous projeter même dans le présent. C’est aussi prendre le passé comme élément de la temporalité fondamentale et non le présent ou l’avenir. Quelle est la temporalité fondamentale de l’homme ? Aussi, d’un autre point de vue, il faut se demander quelle la temporalité fondamentale de la vie sociale, quel est le poids du passé dans notre vie et dans l’histoire, prend-t-on des libertés avec notre passé, ou sommes-nous obligés de nous référer à lui en permanence ?

« La pure durée pourrait bien n'être qu'une succession de changementsqualitatifs qui se fondent, qui se pénètrent, sans contour précis, sansaucune tendance à s'extérioriser les uns par rapport aux autres, sansaucune parenté avec le nombre: ce serait l'hétérogénéité pure. Si grande que soit la diversité des thèmes abordés dans son oeuvre, HenriBergson (1859-1941) est l'homme d'une intuition unique qui éclaire toutes sesidées.

Cette intuition est que les sciences positives éliminent la durée et que levrai temps n'est pas celui que mesurent les scientifiques, mais la duréeconcrètement vécue, c'est-à-dire le temps de la conscience.

Les scientifiquesqui s'épuisent à conceptualiser, à penser le temps à travers la spatialité, lecontinu à travers le discontinu, ne peuvent parvenir à saisir dans leur être vrai lechangement, la vie.

Penser le temps de manière abstraite, c'est, au fond, endétruire la réalité.Puisque les sciences positives éliminent la durée, il s'agit de la restaurer.

Tel estle propos de l'Essai sur les données immédiates de la conscience (PUF), thèsepour l'obtention du doctorat que Bergson a soutenue à la Sorbonne en 1899,devant un jury où siégeaient notamment Emile Boutroux et Jules Lachelier.

On ytrouve cette définition :« La pure durée pourrait bien n'être qu'une succession de changementsqualitatifs qui se fondent, qui se pénètrent, sans contour précis, sans aucune tendance à s'extérioriser les uns parrapport aux autres, sans aucune parenté avec le nombre : ce serait l'hétérogénéité pure.

»Tous les phénomènes qui se produisent dans l'univers, tous les événements qui se déroulent dans l'histoire deshommes ont un commencement et une fin, donc une durée.

Appréhender cette durée, c'est, pour les scientifiques,la mesurer.

Or, la mesure du temps n'est possible que si l'on pose que celui-ci est homogène, c'est-à-dire qu'ils'écoule de manière régulière, toujours semblable à lui-même.

Mais s'il est facile de mesurer l'espace — la longueurd'un coupon de tissu, par exemple : il suffit de prendre une longueur étalon comme le mètre, de l'appliquer à lalongueur considérée et de le rapporter sur elle autant de fois qu'il le faut —, il n'en va pas de même avec le tempsqui est une succession irréversible dont on ne peut pas superposer les durées.Comment résoudre cette difficulté, sinon en traduisant le temps en espace ? C'est ce que font les scientifiques quienregistrent des simultanéités et supposent que deux phénomènes qui commencent et finissent en même temps ontla même durée.

Mais comme l'affirme Bergson, le temps homogène est une création de l'esprit car, au fond, nous nesavons rien de ce qui se passe dans l'intervalle de ces deux simultanéités.

Le principe de la mesure du temps reposesur un postulat :« Il existe des mouvements uniformes et des mouvements périodiques se répétant dans des conditions identiques.Ils sont eux-mêmes identiques et par conséquent de même durée.

»Une fois le temps spatialisé, on ne peut que se heurter à des paradoxes.

Admettons que le temps soit divisible àl'infini : il devient alors impossible de comprendre comment une heure peut s'écouler.

En effet, pour qu'une heures'écoule, il faut d'abord qu'une demi-heure s'écoule, mais pour qu'une demi-heure s'écoule, il faut qu'un quartd'heure s'écoule, et ainsi indéfiniment.

Admettons alors que le temps est composé d'instants indivisibles : on ne voitpas comment une flèche peut atteindre sa cible, puisqu'à chaque instant donné, la flèche occupe une longueurégale à elle-même.

Or, être en mouvement consisterait pour elle non à coïncider avec sa propre longueur, mais àpasser au-delà.

Autrement dit, à chaque instant donné, la flèche est dans un espace égal à elle-même, c'est-à-direen repos ou immobile.

Il en résulte que si le temps est divisible en instants indivisibles, alors le mouvement est unesuite d'immobilités.

Bergson en conclut qu'on ne peut mesurer le temps qu'en le dénaturant.

Le vrai temps estindivisible. Il en est de même du mouvement.

Mais les scientifiques le soumettent à la même analyse que le temps, en enfaisant ainsi le symbole vivant d'une durée en apparence homogène :« On dit le plus souvent qu'un mouvement a lieu dans l'espace, et quand on déclare le mouvement homogène etdivisible, c'est à l'espace parcouru que l'on pense, comme si on pouvait le confondre avec le mouvement lui-même.

»C'est à cette confusion entre le mouvement et l'espace qu'on doit, selon Bergson, le fameux paradoxe de Zénon.

Cedernier affirmait qu'Achille, le plus rapide des Grecs, ne pourrait rattraper la tortue si celle-ci disposait d'une certaineavance, car il devrait sans cesse parcourir la moitié de l'intervalle qui le séparerait de la tortue.

Autrement dit,l'écart entre deux mobiles est irréductible car, si petit que soit l'écart, on peut toujours en trouver un plus petit.

Or,l'intuition sensible montre qu'Achille rejoindrait sans difficulté la tortue, tout simplement parce que sa course, au lieud'être arbitrairement divisible comme l'espace, n'est en réalité divisée que selon les foulées successives.Le sophisme de Zénon repose donc sur la décomposition arbitraire du mouvement et sur la confusion du mouvementd'un mobile avec les positions successives de ce mobile à chaque point de sa trajectoire.

Or, ces positions en despoints immobiles représentent autant d'immobilités et, comme telles, ne sauraient composer le mouvement.Autrement dit, à moins qu'il ne s'arrête en un point de son trajet, c'est toujours d'un seul bond qu'un mobile effectuesa course.

Tout mouvement continu, comme le temps, est donc indivisible.

Qu'en est-il du vrai temps ?« Si je veux me préparer un verre d'eau sucrée, j'ai beau faire, je dois attendre que le sucre fonde.

Ce petit fait estgros d'enseignement.

Car le temps que j'ai à attendre n'est plus ce temps mathématique qui s'appliquerait aussi bienle long de l'histoire entière du monde matériel, lors même qu'elle serait étalée tout d'un coup dans l'espace.

Ilcoïncide avec mon impatience, c'est-à-dire avec une certaine portion de durée à moi, qui n'est pas allongeable nirétrécissable à volonté.

Ce n'est plus du pensé, c'est du vécu.

Ce n'est plus une relation, c'est de l'absolu.

»Dans la conscience de l'attente, nous éprouvons dans le temps ce quelque chose d'absolu qui n'est ni extensible ni. »

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