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Le sommet de la terre

Publié le 27/02/2008

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3-14 juin 1992 -   La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), qui s'est tenue à Rio-de-Janeiro du 3 au 14 juin 1992, s'est achevée par le Sommet de la Terre, qui a vu défiler à la tribune 117 chefs d'Etat et de gouvernement. Outre la charte de la Terre, énonçant vingt-sept grands principes, et l'Agenda 21, vaste catalogue de 800 mesures à l'intérieur duquel chaque pays pourra choisir ses priorités, trois textes ont été définitivement rédigés, avec plus ou moins de difficultés, sur la forêt, le climat, la biodiversité.

   Plusieurs pays du Nord, en particulier le Japon, ont annoncé des aides additionnelles importantes, et l'affrontement attendu entre pays nantis et pays du tiers-monde n'a finalement pas eu lieu.

 

   Les 178 délégations nationales à la conférence de Rio avaient cinq textes à examiner pendant leurs deux semaines de travaux : deux conventions, deux déclarations et le fameux Agenda 21, programme d'action pour le vingt et unième siècle. La déclaration de Rio ou charte de la Terre, n'a pas soulevé de difficulté particulière, car elle énonce les grands principes - vingt-sept au total - d'une bonne gestion des ressources de la planète. Cette charte résume la philosophie du " développement durable " (sustainable development) élaborée sous l'égide des Nations unies par la commission Brundtland.

   La déclaration sur la forêt a été plus laborieuse à adopter.

   Sous la pression des pays à fort potentiel forestier comme le Brésil, la Malaisie ou l'Indonésie, le projet de convention primitivement prévu par la CNUED avait dû être abandonné. On s'est donc rabattu sur une simple déclaration, dont les termes vagues ne peuvent inquiéter ni les pays tropicaux, impatients d'exploiter leur bois, ni les pays du Nord soucieux de voir préserver un patrimoine commun de l'humanité. Cette déclaration, toutefois, est considérée comme le prélude à une convention en bonne et due forme, qui sera élaborée prochainement.

   La convention " biodiversité ", qui s'attache à préserver la flore et la faune menacées de disparition, aura été la plus difficile à faire admettre. Les pays du Sud ne voulaient pas se voir imposer des territoires mis en réserve, ce qui aurait constitué une entrave à leur souveraineté. Et les pays du Nord, qui exploitent à leur profit les ressources naturelles du monde entier, ne voulaient pas voir s'ériger des barrières empêchant l'accès à ces ressources. Finalement, seuls les Etats-Unis ont refusé jusqu'au bout de signer un texte qui, selon eux, mettait en danger leur industrie des biotechnologies par des contraintes nouvelles modifiant le système des brevets et les droits de la propriété intellectuelle . La France, qui déplorait l'absence de liste des espèces menacées et des espaces à protéger, s'est ralliée sans enthousiasme au texte.

   La convention " climat " a soulevé moins de difficulté que prévu dans la mesure où la conférence préparatoire de New-York, en mai dernier, avait déblayé le terrain sous la pression des Américains : il était entendu qu'on ne fixerait ni calendrier ni normes trop contraignants pour réduire la pollution atmosphérique, soupçonnée de contribuer à l'effet de serre et donc au réchauffement climatique. La Communauté européenne, pour sa part, avait renoncé à proposer une " écotaxe " sur l'énergie, comme lui avait suggéré la Commission de Bruxelles, ce qui a provoqué la colère du commissaire européen à l'environnement, M. Carlo Ripa Di Meana, le seul responsable de haut rang ayant refusé de se rendre à Rio L'Agenda 21, enfin, un catalogue de 800 pages où sont énumérés les programmes d'action que la CNUED entend promouvoir lors de la prochaine décennie, est le document qui a fait le plus l'unanimité, dans la mesure où chaque Etat peut y puiser un programme de son choix et fixer lui-même sa participation financière.

   Les pays du Nord se sont engagés à fournir des aides additionnelles : 4 milliards de dollars pour l'ensemble des pays de la CEE dans les cinq ans à venir, le triplement de l'aide au développement annoncé par M. Felipe Gonzalez, 440 millions de dollars du gouvernement japonais et 250 millions de dollars additionnels promis par M. George Bush, pour ne prendre que les exemples les plus importants.

   Mais le financement des mesures envisagées et le calendrier concernant le budget des pays industrialisés consacré au développement (les fameux 0,7 % du PNB) restent extrêmement flous. Peu de pays concernés - même si la France s'est engagée pour l'an 2000 - sont capables de définir avec précision et certitude leurs engagements et ce qu'ils représentent en terme d'argent nouveau. " Ce n'est pas uniquement négatif, précise un diplomate, cela prouve que les dirigeants ne privilégient plus les effets d'annonce au détriment des réalisations concrètes. " " L'attente en ce domaine était excessive ", affirme pour sa part M. Curtis Bohlen, un haut fonctionnaire américain.

   Seul le Japon a annoncé une augmentation de près de 50 % (correspondant aux 440 millions de dollars) de son aide aux projets de développement respectueux de l'environnement. Les délégués japonais, venus à Rio en nombre, ont néanmoins été attristés par l'annulation en dernière minute de la venue de leur premier ministre, retenu à Tokyo par un débat parlementaire. Devant le refus du secrétaire général de l'ONU, M. Boutros-Ghali, de diffuser une vidéoconférence qui aurait constitué un " fâcheux précédent ", la délégation japonaise a dû se contenter de distribuer le discours de M. Kiichi Miyazawa où le premier ministre affirme notamment " l'objectif de construction d'une nouvelle ère constituée de citoyens du globe ".

   Ce " nouveau type " de relation internationale a prévalu pendant ces quinze jours. La diplomatie planétaire sort en effet quelque peu chamboulée. " Plus de pays, mais moins d'acteurs ", résume l'ambassadeur brésilien, M. Marcos Azambuja. La fin de la guerre froide, et la très grande discrétion des pays de l'ancienne Union soviétique, n'a pas été remplacée par l'affrontement Nord-Sud un moment redouté. " Les clivages traditionnels ont été bousculés en raison d'un principal facteur, dit le ministre des affaires étrangères brésilien, M. Celso Lafer le sujet proposé, environnement et développement, recouvre une substance trop complexe et trop vaste pour entraîner une bipolarisation. " " La CEE elle-même n'a pas pu accorder ses violons sur de nombreux points ", explique un négociateur. Autre élément notable de cette évolution, le relatif isolement des Etats-Unis qui, comme le souligne en privé un président latino-américain, " n'est plus à l'avant-garde, comme fatigué par tant d'années de guerre froide ". La proposition du président George Bush d'organiser une réunion avant la fin de l'année sur les changements climatiques a été accueillie avec un scepticisme résumé par M. Jacques Delors : " La précipitation ne sert à rien et apparaît parfois comme un inutile accès de mauvaise humeur ", a-t-il affirmé en précisant qu' " on ne peut pas parler de village-monde, et nier à l'ONU les moyens d'exercer son rôle. " Seuls M. Fidel Castro, et, dans une moindre mesure, le premier ministre chinois M. Li Peng, ont défendu le traditionnel discours tiers-mondiste. Les pays africains ont eu la satisfaction d'obtenir pour leur part l'assurance de la mise en place d'une convention sur la désertification, qui constitue l'un de leurs principaux sujets d'inquiétude. La seule note réellement émouvante de ces dernières journées a été donnée par le discours du président haïtien, renversé l'année dernière par un coup d'Etat militaire : " Sept millions d'habitants de mon pays sont menacés par une pollution politique qui a conduit plus de 40 000 personnes à l'exil depuis huit mois ", a déclaré M. Jean-Bertrand Aristide.

DENIS HAUTIN-GUIRAUT Le Monde du 16 juin 1992

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