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Songes-tu que ce meurtre, c'est tout ce qui me reste de ma vertu? Alfred de Musset

Publié le 22/02/2012

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Lorenzaccio, dont est extraite la phrase ci-dessus, est un drame romantique écrit par Alfred de Musset (18101857) avant son départ pour l'Italie de décembre 1833. Cette pièce figurera, avec Les Caprices de Marianne, dans le premier des deux volumes de théâtre publiés par Musset en août 1834. Musset fait son apprentissage du théâtre avec La Quittance du diable (1830), mélodrame fantastique qui n'a pu être représenté, peut-être en raison de la Révolution de Juillet. Ayant ensuite échoué au théâtre à la création de La Nuit vénitienne ou Les Noces de Laurette (1830), représentée sur la scène de l'Odéon, il décide de ne plus faire jouer les pièces qu'il écrit désormais pour le seul plaisir de la lecture.
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« C'est à ce premier Brutus que Lorenzo fait allusion devant sa tante et sa mère (acte II, scène 4).

Il le condamneexpressément et préfère évoquer Tarquin le fils qui, faisant violence à sa parente, la vertueuse Lucrèce, a étécause du suicide de cette dernière.Mais cet épisode a précisément été l'occasion offerte à Brutus pour déclencher la révolution.

A mots couverts,Lorenzo fait allusion à sa propre vie : Tarquin est ici le tyran et Brutus l'instaurateur de la République, tout comme leduc sera destitué par Lorenzo-Brutus.

Du reste, à l'instar de Brutus, qui simule la folie en s'introduisant dans lafamille royale, Lorenzo s'applique le masque de la dépravation pour approcher sans encombre le duc : « LORENZO.

— Je suis très fort sur l'histoire romaine.

Il y avait une fois un jeune gentilhomme nommé Tarquin le fils.CATHERINE.

— Ah! C'est une histoire de sang.

LORENZO.

— Pas du tout; c'est un conte de fées.

Brutus était unfou, un monomane, et rien de plus.

Tarquin était un duc plein de sagesse, qui allait voir en pantoufles si les petitesfilles dormaient.CATHERINE.

— Dites-vous aussi du mal de Lucrèce? LORENZO.

— Elle s'est donné le plaisir du péché et la gloire dutrépas.

Elle s'est laissé prendre toute vive comme une alouette au piège, et puis elle s'est fourrébien gentiment son petit couteau dans le ventre.

»(acte II, scène 4) L'autre Brutus, près de cinq siècles après le premier, et son descendant, s'appelle aussi Junius Brutus (Marcus JuniusBrutus).

Il s'était engagé, avec Cassius, dans la conspiration contre César, son père adoptif, qu'il assassine en 44avant le Christ.

Lorenzo dira encore à Philippe Strozzi, au sujet de sa décision de tuer le tyran que, tout d'abord, il afait le serment de libérer Florence de l'un de ses tyrans sans trop savoir pourquoi : « ...je tendis vers le ciel mes bras trempés de rosée, et je jurai qu'un des tyrans de ma patrie mourrait de ma main.J'étais un étudiant paisible et je ne m'occupais alors que des arts et des sciences, et il m'est impossible de direcomment cet étrange serment s'est fait en moi.

Peut-être est-ce là ce qu'on éprouve quand on devient amoureux.

»(acte III, scène 3) Pourtant sa vocation se précise : « Tous les Césars me faisaient penser à Brutus.

» Et il ajoute que, de ce jour, naît et se développe l'obsession d'être ce Brutus qu'il admire et qui lui sert d'exemple àimiter : « J'ai commencé à vivre avec cette idée : il faut que je sois un Brutus.

»(acte III, scène 3) Les circonstances l'empêchent de tuer le pape Clément VII.

Il jette son dévolu sur Alexandre de Médicis et ils'imagine que tuer le tyran, c'est tuer la tyrannie, extirper le mal de la société.

L'assassinat est érigé au rang d'unacte absolu et, bien entendu, la suite des événements montrera que son acte solitaire procède d'une illusion,surtout si l'on considère qu'en agissant de la sorte, il a la présomption de secouer l'apathie de ses concitoyens, deles mettre au défi d'agir, comme si, nouveau Brutus, il voulait faire des émules, non dans un esprit de fraternitérévolutionnaire mais à l'inverse, animé d'un sentiment d'orgueil et de mépris pour l'humanité : «Je voulais agir seul sans le secours d'aucun homme.

Je travaillais pour l'humanité; mais mon orgueil restait solitaireau milieu de tous mes rêves philanthropiques.

Il fallait donc entamer par la ruse un combat singulier avec monennemi.

Je ne voulais pas soulever les masses, ni conquérir la gloire bavarde d'un paralytique comme Cicéron; jevoulais arriver à l'homme, me prendre corps à corps avec la tyrannie vivante, la tuer, et après cela porter mon épéesanglante sur la tribune, et laisser la fumée du sang monter au nez des harangueurs, pour réchauffer leur cervelleampoulée.

»(acte III, scène 3) Philippe Strozzi se rallierait volontiers à l'exemple de Lorenzo qu'il identifie à Brutus, meurtrier de César.

Mais Lorenzovoudrait l'en dissuader et c'est le premier Brutus qu'il invoque.

Celui-ci, simulant la folie, avait offert à Apollon deDelphes un bâton d'or dissimulé dans une branche évidée, symbole de sa sottise et de sa folie apparentes abritantune précieuse intelligence.

Lorenzo retient surtout de ce fait historique la duplicité que, jour après jour, il a dûtémoigner depuis deux ans devant Alexandre et qui a détruit sa foi juvénile dans un changement : « PHILIPPE.

- Tu es notre Brutus si tu dis vrai.

LORENZO.

- Je me suis cru un Brutus, mon pauvre Philippe; je me suissouvenu du bâton d'or couvert d'écorce.

Maintenant, je connais les hommes, et je te conseille de ne pas t'en mêler.. »

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