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La succession des théories scientifiques contredit-elle l'idée d'un ordre permanent de la nature ?

Publié le 19/01/2004

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L'énoncé et le sens de ce sujet ne sont pas très clairs. Il est évident qu'il serait oiseux de chercher à établir si le caractère permanent ou non de l'ordre de la nature peut dépendre de la succession des théories, même scientifiques, que nous émettons sur lui : cette succession ne saurait rien prouver quant à la permanence de cet ordre. Mais on peut peut-être s'interroger sur le bien-fondé de l'idée même d'un ordre permanent de la nature. On pourrait donc adopter le plan suivant:

  • 1. La succession des théories scientifiques ne contredit pas l'idée d'un ordre permanent de la nature.

a) La science en cherchant à énoncer des lois, postule cet ordre. b) La succession des théories montre seulement que les théories scientifiques ne rendent pas toujours parfaitement compte de cet ordre, même si elles le cernent de mieux en mieux.

  • 2. Mais la permanence de cet ordre ne saurait être prouvée.

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« SECONDE CORRECTIONAnalyse du sujet● Deux termes fondamentaux sont à analyser : succession des théories scientifiques et ordre permanent de la nature.

On s'interroge sur leur relation : la contradiction.● La succession des théories scientifiques : il s'agit ici de s'interroger sur l'histoire des science, comme on passe d'une conception à une autre : ex.

en biologie, on passe de l'idée d'un principe vital pour expliquer le vivant(C.

Bernard) à la suppression de ce principe dans la biologie moléculaire (Monod).

Une théorie est un ensemble d'énoncés cohérents qui pose des lois, et à partir de laquelle, si les condition initiales sont données, on peutprévoir ou prédire ce qui arrivera (avec plus ou moins de probabilité).

Cette théorie est dite scientifique si elle porte sur le monde sensible, celui qui peut faire l'objet d'une expérience.● Idée d'un ordre permanent de la nature : le principe de cet ordre permanent revient à celui qui pose que la nature est régie par des lois qui ordonnent le réel (le jour, puis la nuit) en des séries causales (loi de causalité) quipermettent alors la prédiction.

Cette idée suppose alors que la loi est dans la nature, et n'est pas simplement une généralisation de certaines régularités. Problématique On peut définir avec Kant la nature comme « l'ensemble des phénomènes, en tant qu'ils sont ordonnés par des lois ».

Dès lors, l'idée de nature renvoie immédiatement à l'idée d'une loi qui est la source de la permanence decette nature, et qui fait que cette nature peut être connue.

Dès lors, la succession des théories, qui prétendent nous donner les lois réelles de la nature, loin de mettre en échec cette idée d'une permanence de la nature, ne font quemontrer que nous n'avons pas encore atteint la loi véritable.

Mais alors, qui nous dit que cette loi existe réellement ? En effet, si pour toute loi posée, on peut supposer qu'elle est susceptible d'être remise en cause par une théoriefuture, alors cela ne veut-il pas dire que nos lois ne sont et ne seront toujours que des généralisations ? Et si tel est le cas, pourquoi conserver encore cette idée d'une permanence de la nature ?I) L'idée même de théorie suppose l'idée de permanence de la nature.

La succession des théories ne peut que montrer que les lois de cette permanence ne sont pas encore révélées. – Une théorie scientifique est un ensemble d'énoncés consistant en des lois qui permettent de prédire à partir des conditions initiales les états futurs du système.

Or, si ces lois n'étaient pas permanente, si elles pouvaientchanger, alors la prédiction serait impossible.

La possibilité que nous offrent les théories scientifiques de prédire suppose donc à première vue que la nature est un ordre permanent, régie par des lois immuables.

La théorievraie est alors celle qui découvre ces lois.– En ce sens, il faut interpréter la succession des théories scientifiques non pas comme l'indice d'une non permanence des lois, mais plutôt comme celui de l'ignorance où nous sommes encore des lois fondamentales.Autrement dit, la science progresse par des hypothèses, qui sont ses théories, hypothèses qui peuvent toujours être remises en cause si un fait les dément.

C'est ce caractère hypothétique des lois, toujours soumises àl'expérience possible, qui fait d'une théorie une théorie scientifique.

La science avance par essais et erreurs, la théorie scientifique doit être falsifiable, comme l'a montré Popper ( La logique de la découverte scientifique ).

La succession des théories ne marque que le progrès de la connaissance dans l'élimination des nos erreurs, par l'extension du champ des expérimentations.Pour mieux le comprendre, prenons un exemple.

Au XVII° siècle, un maître puisatier de Florence constate qu'il est impossible de faire monter l'eau du puits au moyen d'une pompe aspirante à une hauteur supérieure à 10,33 m au-dessus de la surface de l'eau.

Galilée, instruit par Torricelli de cette observation, pose l'hypothèse que cette hauteur d'eau est inversement proportionnelle à la densité de ce liquide qu'est l'eau.

Torricelli se propose de vérifiercette hypothèse par l'expérience suivante : on retournera dans un cristallisoir un long tube contenant du mercure (qui a la particularité d'être beaucoup plus dense que l'eau) et on mesurera à quelle hauteur se stabilise celiquide.

Par un calcul simple, à partir de l'hypothèse de Galilée et connaissant la densité respective de l'eau et du mercure, on peut prévoir que le mercure se stabilisera à une hauteur d'environ 76 cm.

Aux yeux de Popper, noussommes bien ici dans le domaine de la science car il y a bien falsifiabilité de l'hypothèse.

En effet, si la hauteur de mercure constatée est très différente de celle qu'on attend, on est assuré que l'hypothèse de Galilée est fausse.Si, en revanche, la hauteur de mercure est bien de 76 cm (ce qui fut le cas) alors l'hypothèse est probablement vraie.

Les théories scientifiques ont un caractère hypothétique.

On peut infirmer une thèse mais jamais laconfirmer totalement.

« Nous ne savons pas, nous pouvons seulement conjecturer ».

L'attitude scientifique est donc une attitude critique qui ne cherche pas des vérifications mais tout au contraire des tests qui peuvent réfuterla théorie mais non l'établir définitivement.II) Mais l'ordre permanent n'est-il pas alors un postulat inutile ?– Mais alors l'idée d'une permanence de la nature paraît de ce point de vue se réduire à un postulat qui n'est valable que pour celui qui admet que ses lois ne sont pas des généralisation, et qui nie donc qu'il est possible qu'unethéorie future détrône la sienne.

En effet, si la théorie admet que les lois qu'elle proposent sont vraies, alors elles doivent valoir pour tous les cas futurs.

Or comment ce qui était valide à un temps t peut-il ne plus l'être ? Comment ce qui permettait une prédiction satisfaisante peut-il échouer ensuite, si le monde est le même ? Le fait futur qui vient remettre en cause la théorie peut très bien être le signe que le monde a changé, que ses lois nesont pas éternelles.– Et en effet, comme l'avait déjà montré Hume dans l' Enquête sur l'entendement humain , il n'est pas contradictoire que le soleil ne se lève pas demain, même s'il s'est levé jusqu'à présent.

Autrement dit, la théorie scientifique qui admet l'ordre permanent de la nature doit en conclure la nécessité que le soleil se lève.

Néanmoins, cette nécessité naturelle n'est pas perçue par elle-même.

Une régularité n'est pasune nécessité.

Si je ne fais pas l'expérience de la nécessité d'un fait empirique, d'un fait d'expérience, c'est-à-dire que je ne fais pas l'expérience de l'impossibilité du contraire, alors je nepeux affirmer scientifiquement que ce fait se reproduira et obéit à des lois éternelles.Hume: Expérience et Causalité1.

La notion d'expérience : impressions et idéesPour Hume, sont données à l'esprit d'abord des impressions, à savoir des perceptions vives, et en second lieu les idées qui en sont les copies affaiblies (Traité de la nature humaine).

Aupoint de départ de sa philosophie, nous rencontrons donc, non seulement des données élémentaires, mais encore des données qui ne se distinguent que par la manière dont nous enfaisons l'expérience.

Il n'y a pas d'extériorité, celle des choses* dont nous instruisent les sens, ni d'intériorité, celle de l'esprit quand il réfléchit sur lui-même : il n'y a que l'expérience etses critères, la vivacité ou la faiblesse du senti.2.

La critique de la causalité : la raison comme habitudeToute la pensée relève alors des relations entre ces données et de la manière dont nous les éprouvons.

C'est dire qu'il n'y a aucune relation, si ce n'est celles que l'esprit établit.

Ainsi,l'idée de causalité, qui signifie qu'il y a une connexion nécessaire entre deux choses, la cause et l'effet, n'est pas perçue dans les choses mêmes, mais vient de ce que l'esprit prendl'habitude de les lier (Enquête sur l'entendement humain).

C'est une simple tendance de l'esprit, une association spontanée entre ses idées, qui nous fait croire à une causalité que nousn'observons jamais.

– Ces remarques permettent alors de montrer que l'idée d'un ordre permanent de la nature suppose l'idée d'une nécessité des évènements naturels.

Or cette nécessité ne nous est pasdonnée dans l'expérience.

On doit donc supposer que la succession des théories peut très bien relever d'une irrégularité, inévitable dans un monde ou le hasard a sa place. III) Néanmoins, la succession des théories possède son ordre propre – On peut cependant remarquer que la succession des théories ne se fait pas de manière désordonnée.

C'est toujours à partir d'un nouveau fait, inexplicable dans la théorie précédente, qu'un changement de théorie a lieu.Comme l'explique Khun dans La structure des révolutions scientifiques, la découverte d'un fait irréductible peut donner l'occasion d'un changement de paradigme, c'est-à-dire de l'ensemble des normes d'expérimentations et des théories, pour un domaine donné (comme ce fut le cas dans le passage de la physique newtonienne à la physique quantique).

Mais alors, le paradigme suivant a vocation à englober et expliquer les faits de l'ancienne théorie,plus les nouveaux. LA NOTION DE PARADIGME SELON KUHNL'histoire des sciences, pour Kuhn, n'est pas constituée par un progrès continu et cumulatif, mais par des sauts, par des crises qui voient des paradigmes se substituer soudainement à d'autres.

Un paradigme, c'est un modèledominant, faits de principes théoriques, de pratiques communes, d'exemples fondateurs qui soudent une communauté de chercheurs, qui orientent leur recherche et sélectionnent les problèmes intéressants à leurs yeux.

Unparadigme n'est jamais totalement explicite.

C'est pourquoi, selon Kuhn, le questionnement scientifique n'est jamais neutre.Dans la postface à son livre La Structure des révolutions scientifiques (1 962), Kuhn cherche à classer les différentes significations du concept de paradigme :. »

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