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Suffit-il d'être cultivé ?

Publié le 16/12/2009

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Être cultivé semble se définir comme la caractéristique suffisante pour évoquer le fait humain, parce que cette caractéristique permet à l’homme de se distinguer de l’animalité. En effet, il est possible de mettre en lumière des propriétés qui visent à caractériser l’humanité telles qu’un langage non rigide, modulable à l’infini, à la différence du langage animal qui est fixe et permet la communication de messages sans qu’il y ait possibilité d’erreur dans la transmission. Ainsi, Descartes soulignera dans la cinquième partie du Discours de la Méthode l’importance du langage en tant que grande caractéristique commune à la culture humaine. De même,  Hegel distinguant l’homme de l’animal dans la Phénoménologie de l’esprit par sa capacité de contemplation, participe de la définition d’une culture humaine. Être cultivé, au sens d’appartenir à la culture humaine, semble donc la condition sine qua non et suffisante pour être défini comme homme.

« Il semble qu'être cultivé ne soit pas une condition suffisante pour préserver l'homme de tout comportementirrespectueux de l'humanité.

En effet, nous avons vu que l'homme porte en lui une liberté d'agir.

Toutefois, cesactions ne sont pas toujours utilisées à des fins bonnes.

C'est ce qu'explique Kant dans Propos de pédagogie : étant dépourvu d'instincts, l'homme peut se comporter de façon mauvaise.

Être cultivé, posséder les caractéristiques laculture humaine, n'est pas suffisant pour empêcher l'homme de ne pas respecter l'humanité, et donc par là de serendre indigne de son statut d'homme.

Le propre de la culture humaine étant de ne pas être déterminée, cettedernière se révèle parfois impuissante à désamorcer une mauvaise utilisation de cette liberté qui la caractérise.

Lecas extrême des crimes contre l'humanité nous donne un exemple de l'incapacité de la culture humaine à préserverpar essence la dignité de l'homme en tant qu'être respectueux de l'humanité.

On peut donc ici souligner ici un paradoxe : alors que l'on attend de la culture qu'elle nous permette de nous rendre dignes de l'humanité et de vivre avec elle, il semble qu'elle puisse nous conduire à l'effet inverse.

Finalement,s'adonner à des pratiques culturelles caractéristiques de l'homme c'est aussi risquer de corrompre son humanitémême.

Cette thèse est développée par Rousseau dans son Discours sur les sciences et les arts mais également dans la Lettre à d'Alembert : les représentations théâtrales par exemple, alors qu'elles appartiennent à la culture humaine, sont corruptrices des mœurs des hommes.

Être cultivé ne paraît donc pas être à lui seul le gage d'une identitéhumaine digne, nous venons de voir en effet qu'elle peut nous avilir.

Le terme de culture tire son étymologie du latin « colere » et désignait au sens premier le travail de la terreavant de désigner au sens figuré celui de l'esprit.

Si Cicéron rapprocha les deux sens de la culture, le constat d'uneculture suffisante pour distinguer l'homme de l'animal mais insuffisante pour le faire accéder au stade de la dignitéhumaine nous interroge sur un lien possible entre le verbe honorer –autre sens de « colere » - et le fait d'êtrecultivé.

Être cultivé en tant que fait d'appartenir à la culture humaine ne semble pas suffire à « honorer »l'humanité.

Comment réconcilier ces deux termes liés par l'étymologie, faire qu'être cultivé s'inscrive entièrementdans le cadre de l'homme ? En découvrant que l'on peut être cultivé sans pour autant faire honneur à l'humanité, il faut se rendrecompte que si la culture humaine est indispensable elle ne semble pas pouvoir être utilisée seule, sous peine dedénaturer l'homme.

En se demandant si le fait d'être cultivé, de s'inscrire dans la culture humaine était suffisantpour se prétendre homme digne, nous établissons le présupposé que la culture est la caractéristique première del'homme.

Peut-être avons-nous en réalité à repenser la notion d'humanité : qu'attendons-nous fondamentalementd'un homme ? Est-ce vraiment qu'à la différence d'un animal il ait pu choisir la façon de mettre en œuvre sespratiques culturelles ? Si l'on interroge plutôt la capacité de l'homme à vivre dans une société humaine commecondition nécessaire pour appeler une être homme, nous avons vu que la culture, malgré le lien qu'elle permetd'entretenir entre les hommes par de grandes caractéristiques communes et à plus petite échelle entre des groupesd'individus, ne permet pas à elle seule aux hommes de se reconnaître entre eux et de se comporter dignement,conformément à ce qu'impose le statut d'homme.

Reconsidérer la notion d'humanité en convoquant la conceptionaristotélicienne de l'homme nous permet ce nouvel éclairage.

« L'homme est un être de raison » écrit Aristote dansla Politique : il semble en effet que l'absence de raison soit le facteur déterminant des comportements humains mais indignes de l'homme évoqués plus haut.

S'ils ne sont pas les faits de personnes sans culture humaine, l'absence deraison associée à cette culture permet que ces crimes soient commis.

En effet, Kant rappelle dans la Doctrine de lavertu que les capacités humaines, la culture de l'homme, doivent être conduites par la raison afin que l'hommepuisse accéder à la vertu.

De ce point de vue, la qualité qui semble bien donner à l'être humain son statut d'homme–en tant qu'être digne de son humanité, respectueux envers lui-même et donc envers celle-ci-, c'est la vertu.

Êtrecultivé, posséder une culture humaine ne suffit pas à accéder à la véritable humanité, il faut encore s'assurer quecette culture humaine ne peut aller à l'encontre de l'humanité même, et ce, en a combinant à l'utilisation de laraison – caractéristique également propre à l'homme.

Être cultivé dans le cadre de la raison signifie réellement êtrehomme, parce que cela signifie être vertueux.

Il ne suffit donc pas d'être cultivé pour saisir la complexité de l'homme.

La culture est un élément. »

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