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Le suicide : UN CRIME OU UN DROIT ?

Publié le 23/10/2012

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droit

UN CRIME OU UN DROIT ?

 

Chaque jour, depuis la plus lointaine Antiquité et dans toutes les sociétés, des

 

individus choisissent d'attenter à leurs jours en recourant au suicide. Acte exclusivement humain, celui-ci fut longtemps réprimé ou condamné, notamment en Occident, par l'Église ou par la loi. Pour certains penseurs, en revanche, il constitue l'expression d'une liberté fondamentale, celle du droit à la mort. En tout état de cause, le recours croissant au suicide dans nos sociétés modernes pose un problème non négligeable en termes d'éthique et de santé publique.

QU'EST-CE QUE LE SUICIDE ?

 

La terminologie

• Le mot « suicide » vient du latin sui, «de soi», et de cadere, «tuer».

Il apparait au xviiie siècle seulement

- d'abord en 1734, sous la plume

 

de l'abbé Prévost, l'auteur de Manon Lescaut ; puis sous celle de l'abbé Desfontaines, dans le Supplément du Dictionnaire de Trévoux (1752) rédigé par les jésuites de l'académie de Trévoux (Ain) - pour désigner ce que Ton nommait jusque-là, par périphrase, le «meurtre desoi-méme»

 

- on parlait aussi de «s'homicider», de «mettre fin à ses jours» ou encore de «prendre congé», expression que Ton trouve chez Diderot en 1767.

• D'autres termes sont utilisés ensuite pour désigner les différentes réalités et situations que recouvre

 

le suicide. Le verbe «se suicider» apparaît en 1795, puis les substantifs «suicidé» - celui qui réussit son suicide - en 1830, «suicidant»

- celui qui commet une tentative de suicide - en 1855 et «suicidaire»

- qui adopte une conduite à risque équivalant à un suicide - en 1905.

 

Les définitions

• Dans le Suicide (1897), le sociologue Emile Durkheim écrit : «On appelle suicide tout acte de mort qui résulte directement ou indirectement d'un acte positif ou négatif, accompli par la victime elle-même et qu'elle savait savoir produire ce résultat.»

 

Il voit donc dans l'acte suicidaire un geste délibéré et quasi rationnel.

• Sur cet élément rationnel, les psychiatres et psychanalystes se prononcent diversement : les uns, comme le docteur Dominique Esquirol en 1838, affirment que «l'homme n'attente à ses jours

que dans le délire et [que] tous les suicidés sont des aliénés » ; les autres, comme le psychologue Achille Delmas un siècle plus tard, en 1932, répliquent que le suicide est «l'acte par lequel se donne la mort tout homme lucide».

• Dans Deuil et Mélancolie (1916), Sigmund Freud le décrit comme un meurtre transposé, substitutif et réfléchi, comme un retournement centripète de la haine et de l'hostilité éprouvées par le suicidaire : « Nul n'éprouve de velléités de suicide qui ne soient une impulsion au meurtre retourné contre soi-même. »

 

• Pour les philosophes, les problèmes essentiels que met en jeu l'acte suicidaire sont ceux de Dieu, du libre-arbitre, de la liberté, de la responsabilité individuelle, du sens de la vie et de la mort.

• Depuis 1968, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui étudie le phénomène du suicide au niveau mondial, le définit comme un «attentat contre sa propre personne, avec un degré variable dans l'intention de mourir» et insiste sur son issue fatale.

• En résumé, le suicide, tel qu'on l'entend aujourd'hui, est l'acte volontaire que des individus commettent contre eux-mêmes pour mettre fin, avant son terme naturel, au cours de leur existence.

 

Suicide et SACRIFICE

 

• Des sociologues, comme Maurice Halbwachs, soulignent qu'il convient de distinguer entre suicide et sacrifice.

• Ceux qui pratiquent le suicide le font en recherchant un bénéfice ou un soulagement purement personnels, ce qui n'est pas le cas des individus dont la mort apparaît comme un sacrifice de leur vie pour en sauver d'autres, pour attirer l'attention sur une cause ou au nom d'idées qui sacralisent leur acte mortifère. C'est le cas, par exemple, des kamikazes japonais en 19441945, des bonzes qui s'immolaient par le feu à l’époque de la guerre du Viêt-nam, du Praguois Yan Palach, en 1969, qui entendait protester contre l'invasion de son pays par l'Armée rouge, ou des terroristes de tout bord responsables d'attentats-suicides.

droit

« • Il justifie la condamnation du suicide au nom du cinquième commandement de Moïse- «Tu ne tueras point »- qui interdit l'homicide volontaire, sur quiconque et donc sur soi-même.

Sa transgression constitue un péché et vaut au suicidé la damnation éternelle.

C'est au concile de Braga , en 563, et au synode d'Auxerre , en 580, que l'Église décide de punir les suicidés.

• À la sanction de l'Église, le droit médiéval ajoute la sanction civile de la communauté humaine qui s'esti me bafouée .

Il décrète l'indignit é du corps, privé de sépulture -souven~ le cadavre est doué au sol ou à une claie, traîné face contre terre ou pendu à une potence -, et, à partir du Xl' siècle en France , la confiscation de la propriété du suicidé .

Après les lois géné rales de Charlemagne, les établissements (ordonnances ) de Saint Louis réglementent le suicide : « Un procès sera fait au cadavre du suicidé, par-devant les autorités compétentes, comme pour les cas d 'homicide d 'autrui .

» • Le suicide est également interdit par le judaïsme et l'islam.

VERS LA DtPtNAUSAnON • Sous l'Influence des humanistes de la Renai ssance , comme Montaigne -qui apprend à relativiser la mort et en fait un choix sensé -, et des penseurs des Lumi ères, l'interdit religieux et la réprobation sociale qui frappent le suicide reculent.

• Deux philosophes , le baron d'Holbach et D11vid Hume publient des traités respectivement Système de la nature (1770 } et Essai sur le (lm ).

la littérature -le suicide de Roméo et Juliette, dans la tragédie de Shakespeare, le montre bien -, le suicide est romantique , tant dans la Nouvelle Héloïse (1761 } de Jean -Jacques Rousseau que dans les Souffr11nces du jeune Werther (1774} de Goethe.

• Les physiolo gues s'lntéressen~ eux, aux causes du suicide, mett ant en évidence que celui-ci relève essentiellement d'un acte de démence .

Du coup, le suicide apparaît moins relever de la religion et de la justice que de la médecine .

• En France, le Code de 1791 , sans l'approuver, met fin à la répression du suicide.

C'est bientôt le cas un peu partout en Europe.

• À partir du XIX' siècle, la réfle xion sur le suicide devient un objet de recherche des sciences sociales -dont le représentant le plus important est alors Émile Durkheim .

Celles -ci ne s e demandent pas s'il est légitime ou non pour l'homme de mettre fin à sa propre vie.

Elles recherchent en priorité les causes et les raisons produites par la société elle-même qui pous sent les individus à ce geste.

SOUS LE COUP DE LA LOI • Ni le suicide ni la tentative de suicide ne sont plus réprimés depuis longtemps , en France comme dans les autres pays européens .

Seules sont réprimé es l'aide et l'inci tation au suicide, individuel ou collectif, ainsi que l'ont montré les procès impliquant des dirigeants de sectes.

• Ceux de l'Ordre du temple solaire sont poursuivi s pour «participat ion à une association de malfaiteur s en vue de la préparation d'un crime», à la suite de plusieurs suicides collectifs dans les années 1990.

• En 1982 , le livre Suicide mode d'emploi répertorie des recettes permettant de mourir à coup sûr et sans douleur.

Il bénéficie de la contradiction inscrite dans la loi entre la cdiberté de disposer de soi-même » et les ccrôle et devoir des tiers à protéger une personne en danger».

Ses auteurs justifient sa publication par le fait «qu'un droit n'est rien sans la liberté de l'exercer>> .

Plus de soixante­ dix suicides seront imputés avec certitude à la lecture de cet ouvrage.

Cette affaire suscite une émotion telle qu'elle aboutit à la promulgation de la loi du 31 décembre 1987 qui fait un délit de la provocation au suicide.

L'ASSISTANCE AU SUICIDE • À l 'heure actuelle, l'assistance au États européens comme la Suisse et les Pays -Bas admettent des exceptions et autorisent l'assistance au suicide dans certaines circonstances.

En dehors de l'Europe , seul l'État de l'Oregon, aux États-Unis , autorise explicitement l'assistance au suicide.

LA MESURE DU PHÉNOMtNE LES CHIFFRES DE LA MORTALirt • Les statistiques sur la mortalité par suicide résultent de l'exploitation des certificats de décès.

t:OMS estime que quelque 815 ooo personnes sont mortes par suicide dans le monde en 2000.

Le suicide est donc une cause importante de mortalit é , avec un taux de 14,5 pour 100 000 perso nnes - toutes les 40 secondes, un individu se suicide dans le monde .

• Dans les quinze pays de l 'Union européenne (2000} , environ 60 000 personnes meurent chaque année des suites d'un suicide .

Ce nombre est plus important que celui des décès consécutifs à un accident de la route (50 000} ou à un meurtre (5 000}.

• En France , quelque 11 000 décès ont été enregistrés comme suicides en 2000, ce qui représente un taux de 17,5 pour 100 000 habitants.

Toutefois, il semble établi que ces donnée s sous-estiment la réalité , car un certain nombre de suicides ne sont pas pris en compte lors de la certification des causes de décès .

Cette sous-estimation pourait être de l'ordre de 20 à 25 %.

Elle est souvent liée aux préjug és religieu x ou sociaux, le suicide étant considéré comme déshonorant suicide est un sujet sur lequel la société par certaines familles.

s'interroge et qui fait l 'objet d'un débat éthique et politique .

Elle consiste dans LEs cARAcrtRimouEs le fait de donner la mort ou d'aide r à socloDtMOGRAPHIQUES se donner la mort quelqu 'un qui en fait Le sexe la demande dans des circonstances • Les décès masculins par suicide déterminées , par exemple lorsqu'un sont environ trois fois plus nombreux patient souffre au-delà du supportable que les décè s féminins jusque vers et qu'il n'est plus possible d'envisager 50 ans, et deux fois plus nombreux une amélioration de sa qualité de vie.

aux âges plus élevés.

En 2000, • !:interrogation porte sur la différence sur les décès enregistrés en France, existant entre un suicide médicalement les suici des sont très majoritairement assisté , où le malade est l'acteur de son masculins : 8 000 hommes contre propre décès , et l'euthanasie, où une 3 000 femmes , soit 3,8% de l'ensemble tierce personne administre un produit des décès masculins et 1,2 % mortel à la demande d'un patient.

de l'ensemble des décès féminins.

• Trois arguments éthiques sont invoqués !:incidence du suici de est ainsi pour justifier la pratique du suicide de 29 pour 100 000 hommes et médicalement assisté : le droit de mourir , de 10 pour 100 000 femmes.

l'autodétermination et la bienfai sance L'âge -c'est-à-dire l'obligation du médecin • En France , la différence de taux de ne pas nuire à son patient.

de suicide entre hommes et femmes • Les adversaires de cette assistance est élevé chez les jeunes de 15 à 24 ans, au suicide évoquent de leur côté de même que chez les personnes âgées trois arguments principau x : le de plus de 75 ans : dans ces tranches caractère sacré de la vie, l'intégrité d'âges, les hommes se suicident professionnelle -qui interdit des trois fois et demi à quatre fois pratique s incompatibles avec le sens plus souvent que les femmes.

de la mission médicale -et le risque • Le taux de suicide croit avec l'âge d'un dérapage progressif vers jusqu'à 40 ans, puis au-delà de 70 ans.

des pratiques inacceptables .

C'est entre 35 et 54 ans que les décès • Dans la plupart des États européens, enregistrés pour cause de suicide notamment en Autriche , en Italie , au sont les plus importants, avec plus Royaume -Uni, en Espagne , au Portugal de 2 000 décès pour chacune des et en Pologne, l'assistance au suicide deux tranche s d'âg e 35-44 et 45-54 ans.

est pénalement réprimée.

Ailleurs , • Le nombre de cas de suicides a notamment en Belgique, en Écosse, fortement augmenté chez les personnes en Suède ou en France , il n'est pas âgées.

Le suicide peut alors être lié au prévu de disposition pénale expresse refus de la douleur ou de la dépendance réprimant l'assis tance au suicide, due à des patholo gies chroniques.

mais l'interprétation par analogie de En sens inverse, le décès de personnes la loi aboutit au même résultat que d'âge très élevé consécutif à un dans les pays précités.

Seuls quelques « syndrom e de glissement », qui induit la perte de l'envie de vivre, n'est pas comptabilisé comme suicide .

Compte tenu de l'évolu tion démographique et du vieillissement de la société , le nombre de suicides est appelé à augmenter dans la population âgée.

Les autres fadeurs de risque • La situation matrimoniale constitue un facteur déterminant dans le risqu e de suicide, particulièrement chez les hommes.

Les personnes veuves, séparées ou vivant seules présentent un taux de suicide une fois et demie à deux fois plus élevé que les personnes mariées .

• La formation, le revenu et la profession exercent aussi une influence réelle, bien que plus faible, sur le risque de suicide.

LEs MODES DE SUICIDE • Les modes de suici de diffèrent selon les sexes.

• En France , tous âges confondus, le suicide • La différence essentielle porte sur les 11rmes ti feu et les intoxications : l'utilisation d 'une arme à feu est à l'origine de 30 % des suicides masculins et 9 % des suicides féminins, tandis que 26 % des femmes et 8 % des hommes ont recours à l'intoxication.

• Les suicides en sautant dans le vide d 'une fenêtre ou d'un autre lieu élevé -pon~ falaise ...

- semblent plus parti­ culièrement commis par les femmes .

• Les modes de suicide varient peu avec l'âge chez les hommes -les armes à feu sont plus fréquemment employées par les plus jeunes et l'intoxication par les 25-44 ans.

En revanche , ils diffèrent beaucoup plus chez les femmes : les intoxications restent toujours très importantes , mais les armes à feu sont utilisées dans un cas sur six chez les plus jeunes .

Les suicides par noy11de , aujourd'hui rares chez les jeunes , deviennent importants aux âges élevés.

CAUSES ET FACTIUIS DtClfNCIIANTS • Les quatre principales causes du suicide sont l'incommunicabilité au sein de la famille, la soumission à des transgressions majeures -inceste , violence -, des antécédents familiau x et l'exclusion.

• Les causes de l'isolement sont elles­ même diverses : maladie , chômage , exclusio n, prison , divorce, situations d'échecs , déception sentimentale, mort du conjo in~ dépendance -alcoolique , toxicomaniaque , sectaire -, situations de stres s -professionnel, émotionnel, affectif -, troubles biologiques -sommeil, alimentation -, dépression.

UN MAL SOCIAL ·Le poids du suicide dans l'ensemble des causes de décès donne un aperçu de la gravité de ce phénomène en termes de santé publique .

En France, les suicides représentent plus de 15% des décès entre 15 et 44 ans -20 % entre 25 et 34 ans.

Le suicide représente la deuxième cause de mortalité après les accidents de la route pou r les 15- 24 ans et la première pour les 25-34 ans.

·La France est l'un des pays d 'Europe les plus touchés par le suicid e, au même .

niveau que le Danemark : 17,5 sur 100 ooo habitants.

Elle est précédée par la Russie (40}, la Hon grie (31,5), la Finlande (24) et l'Autriche (19}.

La Suèd e, réputée comme le « pays du suicide », présent e un taux de 14 pour 100 000.

Le taux des États-Unis est de 1 1, celui du Japon de 25.

• La courbe du suicide est ascensionnelle depuis les années 1950 en France (6 400 suicides par an}, comme dans le reste du monde .

Elle est liée à l'évo lution morale et culturelle que traverse n t les sociétés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

L'ORfENr: L'AUTIE BGAID • Le regard que porte l'Orient sur le suicide est plus respectueux que le regard occidental, en particulier parce que l'Individualisme y est moins marqué .

• Ainsi, la croyance des hindous dans la métempsycose -transmigration des ames des défunts dans plusieurs corps -peut les pousser à hater la délivrance de leur âme par la pratique de rituels dont le suicide -par immolation ou jeOne -apparail comme la forme sacrée .

D'autre pa~ jusqu'en 1947, certaines épouses hindoues issues des hautes castes appliquaient la coutume de la soli en se laissant brûler vives sur le bûcher funéraire de leur conjoint défunt.

• Certaines traditions comme celle du Japon admettent le suicide dans le cadre d'un code de l'honneur .

Suicide rituel pour éviter un sort indigne -le_,..

du samouraï - ou suicide vécu comme un passage par les vieillards, qui selon la tradition sont conduits au sommet de la montagne pour y mourir.

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