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Je suis une force qui va ! Victor Hugo

Publié le 22/02/2012

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Cette phrase est extraite du drame de Victor Hugo : Hernani: cette pièce a été écrite en moins d'un mois (d'août à septembre 1829); jouée, pour la première fois, au Théâtre-Français, le 25 février 1830, elle a été l'occasion d'une bataille, restée fameuse, entre Classiques et Romantiques. En faisant entendre un cri de révolte contre un ordre social et politique tenu pour injuste — l'ordre qu'incarne, dans la pièce, le roi Don Carlos — , le bandit d'honneur Hernani (héros éponyme : qui a donné son titre à la pièce) prélude, à sa manière, aux journées révolutionnaires de juillet 1830, à ce qu'on a dénommé la révolution des Trois Glorieuses. Certes, Hernani transcende d'emblée les contraintes d'ordre historique pour se dresser de toute sa stature dans une dimension métaphysique : Hugo brosse le portrait en pied du héros romantique selon son coeur. C'est ainsi que le Moi masculin occupe avec véhémence le devant de la scène.
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« injuste envers lui? Cette force, où va-t-elle? La réponse est franche : vers la nuit de l'abîme.

L'idée de chute,associée à celle de la malédiction divine, bien qu'elle ne soit pas incompatible avec celle d'un rachat (par la passionamoureuse), se colore d'une connotation luciférienne qui, d( façon révélatrice, transparaît dans les propos que tienDon Ruy Gomez quand il accueille le pèlerin Hernani e avant même de connaître sa véritable identité : «J'accueillerais Satan, si Dieu me l'envoyait.

» (v.

852) De fait, Don Ruy reconnaîtra vite en son hôte le «dé.

mon» qu'il recueille.

Mais s'il se juge « damné» (v.

1084).Hernani, loin de blasphémer contre Dieu, s'accuse en personne de son malheur, se veut coupable devant Don Ruy etdevant Dieu d'aimer une femme interdite : Doria Sol («Moi qui te parle ici, je suis coupable» v.

1083) Or le châtimentqui lui échoit, c'est d'être ici-bas retranché de la communauté des hommes, malheureux et solitaire, et de répandre,par contagion, le malheur autour de lui.Force destructive ou, du moins, négative, Hernani puise pourtant dans la pleine conscience de sa destinée l'amèredélectation de la victime qui se sait promise à une existence exceptionnelle.

Orgueil en partie justifié, dès lors que lepâtre, mué en brigand d'honneur, voit enfin sa véritable valeur confirmée par la reconnaissance publique de sa hautelignée : «Dieu qui donne le sceptre et qui te le donnaM'a fait duc de Segorbe et duc de Cardona,Marquis de Monroy, comte Albatera, vicomteDe Gor, seigneur de lieux dont j'ignore le compte.Je suis Jean d'Aragon, grand maître d'Avis,né Dans l'exil, fils proscrit d'un père assassinéPar sentence du tien, roi Carlos de Castille!» (acte IV, scène 4, v.

1 723 à 1 729) Don Carlos lui-même l'honorera en lui attribuant cette haute distinction qu'est la Toison d'Or.

La dualité d'Hernani semanifeste donc avec constance tout au long de la pièce.

C'est que ce héros tient la gageure de conjoindre en sapersonne les tendances les plus contradictoires, ce qui est, en définitive, une manifestation de toute-puissance.Ainsi, l'union des contraires culmine dans cet accord paradoxal de l'amour et de la mort, qui scelle le destin de cetamant avide d'absolu.Avant tout, Hernani paraît voué à la mort, qui préside aux «mystères» dont il n'est que l'«agent aveugle et sourd»;et c'est aussi la mort qui a fait le vide autour de lui, dans la mesure où tous ses amis viennent de livrer un combatqui, pour être glorieux, n'en a pas moins été désespéré.

Coupable de leur mort, condamné à détruire tous ceux quil'approchent, ce héros romantique poursuit sa marche inexorable vers l'abîme.Sa vie est, du reste, tributaire de la volonté de ses puissants rivaux, Don Ruy et Don Carlos, et Don Ruy nemanquera pas, au dénouement, de rappeler à Hernani la promesse suicidaire que celui-ci lui avait faite en échangede sa protection (acte III, scène 7).Toutefois, la mort a beau triompher in extremis en acculant le héros à une irrémédiable impuissance, le véritablesalut lui échoit néanmoins par l'entremise de la passion que lui voue Doria Sol : l'amour rédempteur soustrait Hernanià l'absurdité de sa destinée.

De fait, il ne s'agit pas tant de l'amour que de la passion, c'est-à-dire de ce lien vital,irréductible, que la mort ne semble pouvoir rompre que dans le moment même où il se soustrait à son empire,inaltérable pour l'éternité.

Il revient à Doria Sol d'exprimer dans l'absolu la passion qui l'unit, par-delà la mort, àHernani : «Calme-toi.

Je suis mieux.

— Vers des clartés nouvelles Nous allons tout à l'heure ensemble ouvrir nos ailes.

Partonsd'un vol égal vers un monde meilleur.

»(acte V, scène 6, v.

2151 à 2153) De même, c'est Doria Sol qui, dès l'acte I, atteste, dans le présent, la réalité du lien amoureux conçu comme le seulantidote contre l'absence mortelle de l'homme qu'elle aime : « Allez où vous voudrez, j'irai.

Restez, partez,Je suis à vous.

Pourquoi fais-je ainsi? Je l'ignore.J'ai besoin de vous voir et de vous voir encoreEt de vous voir toujours.Quand le bruit de vos pasS'efface, alors je crois que mon coeur ne bat pas,Vous me manquez, je suis absente de moi-même;Mais dès qu'enfin ce pas que j'attends et que j'aimeVient frapper mon oreille, alors il me souvient. »

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