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SUJET :ON NE NAIT PAS FEMME ,ON LE DEVIENT (SIMONE DE BEAUVOIR)

Publié le 18/09/2010

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beauvoir
 
 
 
INTRO :
Qu'est-ce que la Femme ? Qu'est-ce que la Féminité ? Qu'est-ce que la Condition féminine ? Dans une phrase composée de deux segments concis - une proposition négative suivie,après simple virgule et sans autre connecteur, d'une proposition affirmative constituant apparemment son antithèse - Simone de Beauvoir apporte à ces grandes questions son élément de réponse,lequel peut, en sa formulation,apparaître à la fois d'une évidence familière et d'une actualité toujours aussi provocante..Car / Mais comment ,au juste,comprendre cette phrase ? Si nous nous plaçons en personnes ignorantes de son contexte,son interprétation semble à vrai dire fort ouverte et,nous aimerions le montrer, aisément acheminable vers la polémique, du fait sans doute de plusieurs facteurs formels qu'il nous faut envisager en préambule.
 
Tout d'abord,on observera que l 'absence totale d'adverbes ou de locutions temporelles rendent immédiatement problématique l'appréciation exacte du niveau de signification des termes employés ,et ce tout particulièrement dans le premier segment de la phrase En effet, comment sommes nous censés comprendre ici.,par exemple, le verbe "naître" ? Devons nous l'entendre au sens le plus restrictivement statique du mot,(mais sans doute aussi ,dans ce contexte ,le plus courant) ,à savoir le moment précis et limité de la "sortie hors de l'organisme maternel",(Dictionnaire Robert) ? Ou sommes -nous invités à envisager d'emblée son autre acception,plus dynamique :"commencer à exister"(ibid.),ou encore :"s'ouvrir à une vie nouvelle"(ibid.), ce qui conduirait à englober dans notre analyse, toutes ces autres"naissances" que sont pour la femme,au plan du corps mais pas seulement, les étapes -clé de la puberté, la perte de la virginité, ou la première grossesse. ..? Et que dire alors de la phase embryonnaire et de l'instant de la fécondation ? Peut -on , dans ces conditions,les évacuer sans arbitraire du débat ? Enfin, on le devine,c'est toute la définition du mot "femme"qui manifeste ainsi son extension et son ambiguïté,selon le moment et le. concept auxquels on aura choisi de rattacher sa "naissance"...
 
Au vu d'une telle expansion possible de nos notions de départ,l'opposition implicite qu'établit S.de Beauvoir entre "naître" et "devenir" paraît loin d'aller de soi !En effet,une définition élargie du concept de naissance nous a suggéré que cette dernière pouvait représenter soit un instant limité soit une phase plus ou moins étendue..Or qui dit phase dit évolution ,et qui dit évolution dit devenir....Quand faut-il,quand peut -on tracer la ligne de démarcation absolue entre les deux notions ? Y a-t-il rupture ou continuité/contiguïté logique entre le Néant statique et l'Existence dynamique? Et quant au Devenir ,s'achève t-il pour l'Homme avec l'itinéraire de son existence ? A-t-il lui aussi une borne finale,une fin un but sensé ? Autrement dit devenir femme,est-ce se diriger vers une vérité et un rôle spécifique de la femme- le fameux "éternel féminin" -si cher à une certaine idéologie masculine....-programmés de toute éternité ? Ou s'agit -il au contraire de postuler une autre réalité/essence féminine constamment liée à l'évolution incessante de l'Histoire,et tout au plus aux limites d'une époque et de ses circonstances nécessairement transitoires - une interprétation qu'a largement revendiquée le mouvement féministe?,d'après - guerre (dont on sait l'importance qu'y joua la pensée de S de Beauvoir )?
 
De même,au niveau énonciatif,le choix d'un "on" plutôt que d'un "nous" ne contribue pas à restreindre l'amplitude du champ de signification possible de cette phrase :en effet,le pronom "on"ne représente-t-il pas une version élargie du "nous ,à savoir : "nous"envisagé non seulement de l'intérieur mais aussi de l'extérieur (nous vus par nous-mêmes ainsi que par ceux qui n'appartiennent pas à ce "nous" - et qui ne suivent donc pas nécessairement sa manière de voir !) C'est précisément de cette ambivalence essentielle du pronom "on" qu'a magistralement su jouer, rappelons-le,le "réalisme" de Flaubert..... En conséquence,on peut se demander quel point de vue s'exprime ici ,et bien plus encore, sur quel ton : est-ce l'opinion d'une femme s'exprimant au nom du "nous "des autres femmes,dans une optique sinon fatalement féministe,du moins immanquablement féminine ? Ou faut-il imaginer que S.de Beauvoir,sans doute avec malice ,peut-être avec désabusement , s'attache à insinuer que l'on pourrait très exactement solliciter les mêmes mots pour soutenir le point de vue inverse du sien.....(en l'occurrence celui d'un mâle phallocrate caricatural )? Ou encore, voudrait-elle plus simplement suggérer que l'on pourrait,dans cette phrase,remplacer le mot"femme"par le mot " homme"( au sens de "mâle" et d'"être humain") sans en altérer fondamentalement ni la signification ,ni la portée polémique ?
 
Conclusions intermédiaires (transition vers le développement ) :
En résumé, il semblerait donc que ,d'entrée de jeu ,deux possibilitées d'interprétation diamétralement opposées de notre phrase. puissent se profiler, suivant que l'on opte pour compréhension statique ou dynamique des termes de son vocabulaireet ce,nous le verrons,sans même devoir nous résoudre à choisir absolument entre l'acception large ou étroite des termes /(vocables) en jeu..L'une,pessimiste,tend à suggérer qu'une femme,en définitive,ne "naît" jamais à une identité autonome,prisonnière qu'elle est d'une image idéale,particulièrement contraignante puisqu' inscrite de façon fixe et stable dans un devenir clairement annoncé ;l'autre,optimiste, indiquerait au contraire que la femme est peut-être à considérer comme le symbole même de la liberté,puisque ,d'unepart, la nécessité perpétuelle de chercher à concevoir (ou rêver )son statut au quotidien la contraint à ne jamais se satisfaire de l'acquis du présent,si encourageant puisse-t-il être..,et que d'autre part,les caractéristiques de la masculinité et de la féminité sont ,chez l'être humain,plus interchangeables peut-être qu'on ne l'imagine..Pourc ette femme-là,,"naître" et "devenir" sont synonymes à un seul détail près :devenir,pour elle c'est naître mais en faisant abstraction de ltoute idée de commencement......Voilà en tous les cas comment ,personnellement,,nous nous sentons ,quoiqu'avec certaines réserves. ,enclins à réagir en fin de compte.face à cette phrase.
 
Au reste ,la connaissance du contexte d'insertion de cette phrase -Le Deuxième Sexe -,loin de résorber les tensions contradictoires que nous évoquions à l'instant,semblerait au contraire confirmer la pertinence de nos impressions premières.De fait,S de Beauvoir,dans l'introduction de son ouvrage,affirme d'une part qu'elle considère comme nettement périmée la querelle du féminisme,ce qui nous inciterait à écarter l'hypothèse de lecture voyant dans cette phrase une prise en compte sarcastique de la vision des mâles sur la femme;mais d'autre part,elle n'a pas non plus voulu basculer dans la vision,utopiste à des yeux,d'une nature humaine unitaire abolissant les effets de la différence sexuelle au niveau des rapports entre les êtres.("Il est clair,écrit-elle,qu'aucune femme ne peut prétendre sans mauvaise foi à se situer par delà son sexe."op.cit.,.p.13 ).La richesse ambivalente du "on" utilisé dans la phrase qui nous occupe reste donc entière...
 
Mais,avant de sauter aux conclusions ,il est bien sûr nécessaire de nous demander de façon plus attentive à quelles conditions et selon quelle optique l'énoncé qui nous occupe peut être recevable.En effet,comme nous le suggérions plus haut, des données de nature multiples peuvent entrer en considération. pour qui cherche à cerner la définition du mot "femme",Nous retiendrons en priorité ,quant à nous,celles de la physiologie et de son corollaire la biologie,puis celles de la psychologie et de la sociologie,et enfin celles de la religion chrétienne -en restreignant toutefois nos généralités au contexte de la réalité occidentale- et nous nous demanderons à chaque fois dans quelle mesure elle peuvent nous aider à discuter la valeur et la pertinence de cette phrase.De plus,il s'agira également pour nous d'envisager dans quelle mesure la leçon de cette phrase ne concernerait pas tout aussi bien la gent masculine ...
 
DEVELOPPEMENT.
 
A) DISTANCE... :
C'est sans doute au plan de la physiologie et de la biologie que l'assertion de S.de Beauvoir paraît le moins longtemps à même de tenir la distance..Certes,au sens étroit du terme,il est relativement vrai de dire qu'on ne naît pas femme,étant donné qu'au moment de sa venue au monde la future femme n'est alors en mesure ni de procréer ni d'allaiter un de ses semblables ;on remarquera au surcroît , qu' en temps absolu,le délai d'accession à ces deux capacités est le plus long parmi tous les mammifères, si ce n'est même parmi tous les êtres vivants,ce qui renforce naturellement,dans un premier temps le sentiment possible d'un contraste déterminant sous ce rapport entre le stade de la venue au monde et celui du changement pubertaire..Néanmoins,il est tout aussi juste de souligner que,contrairement par exemple à certains insectes tel le papillon,le passage corporel à l'état d'adulte ne s'accompagne d'aucune disparition ou destruction d'une quelconque "chrysalide",c'est à dire d'un élément constitutif antérieur ,ce qui revient à dire qu'avant même de devenir une femme le nourrisson femelle,la fillette et la jeune fille le sont ,en fait déjà ! Et la destruction de l'hymen,demandera-t-on ? Il ne signifie pas l'accomplissement de la puberté,ou de la nubilité mais l'accès à une (éventuelle )maternité )
 
Quant à prétendre que le début du devenir biologique féminin ne prendrait place qu'après l'instant de l'accouchement,toutes les connaissances scientifiques en ce domaine paraissent confirmer l'inverse..De fait,outre que la différentiation des sexes s'établit,comme nous le savons ,bien avant la venue au monde,il semblerait même,embryologiquement parlant,que tout se passe comme si l'on débutait plutôt femelle et que plus tard seulement, se concrétisaient définitivement(?)chez le mâle ses caractères distinctifs. C'est à tout le moins les conclusions qu'on a pu émettre suite à des expériences portant sur l'annihilation des effets de la testostérone sur les foetus::privé de cette hormone pourtant essentielle à son identité sexuelle,,un embryon de structure chromosomique XY ne meurt pas,mais se développe en femelle en dépit de cette dernière...
 
 Tentant maintenant d'examiner le propos de S.de Beauvoir à la lumière d'une perspective psycho-sociologique,c'est à dire en définissant la naissance et le devenir humains comme l'accession progressive de la conscience individuelle au sentiment de son identité propre puis à celle de sa fonction ,son importance relative et sa signification au sein de son entourage (famille,couple,société,...),l'on constatera certainement que,s'il paraît plus largement recevable à tous niveaux ,il qualifie tout aussi bien,pour ne pas dire indifféremment,l'expérience qu'en peuvent avoir les individus des deux sexes..En effet,l' influence du conditionnement social sur le développement et l'accomplissement de l'identité sexuelle -et,au-delà,personnelle-de l'être humain n' est pratiquement plus à faire,tant nombre de témoignages convergeants et probants se sont multipliés,tout spécialement depuis l'essor de la psychanalyse ainsi que celle de la réflexion féministe ,après -guerre et après mai soixante -huit .Dans son essai datant de 1970 ,intitulé Du côté des petites filles, dont il fut beaucoup parlé en son temps,la féministe Elena Belotti,a évoqué de façon passionnante les multiples facettes des contraintes implicites et des préjugés agissants que l'on peut voir s'exercer sur les jeunes enfants,garçons ou filles,à partir de leur naissance (sinon avant...),et qui perdurent tout au long de leur prime intégration..Entre cent autres,citons pour l'exemple.....etc. Cf.une illustration de votre choix pour chaque sexe ).
 
Vingt ans et plus après la parution de ce livre,les thèses de Madame Belotti.n'ont,à l'évidence,rien perdu de leur justesse.Bien au contraire,l'acuité de ses vues ressort aujourd'hui enrichie de ce que nous ont apporté les observations concernant la réceptivité psychique du foetus et sa capacité d'entendre ou de capter,dès le stade prénatal,les "messages"verbaux ou non qu'émettent à son endroit sa mère,son père,son entourage...;et en ce qui regarde l'intensité des phénomènes de conditionnement dont il était question,on ne peut l'imaginer qu'immanquablement accrue,à l'âge des bébés éprouvettes ,de l'échographie et des débats sur la manipulation génétique....
 
Bien sûr,on ne saurait oublier les progrès accomplis,grâce entre autres à la revendication féministe,dans la lutte contre le clivage idéologique des rôles,des attributions et des destinées entre les deux sexes..Indéniablement,la réflexion féministe à contribué à ébranler l'axiome de la prééminence "naturelle"du sexe mâle et celui de la nature "spontanément " subordonnée de la fonction: féminine :preuves en soient les changements d'attitude et souvent même l'évolution législative en matière d'accession féminine aux études (qu'elle paraît lointaine ,l'époque de Marie Curie. ou même de Simone de Beauvoir !...),de débouchés professionnels,politiques et culturels (Mesdames Marguerite Yourcenar/Duras,Corazon Aquino,Edith Cresson,ou Yvette Jaggi en attestent éloquemment...),de droits civiques et matrimoniaux (le dernier demi-canton helvétique interdisant encore le droit de vote aux femmes fait,en Europe,figure d'honteuse exception !),et finalement la reconnaissance plus tolérante -ou plus éclairée du moins - des homosexuels ou des transsexuels dans la socièté (que l'on songe simplement au récent témoignage dans L'Illustré ,journal familial par excellence,de ----------------------------------------;un tel article et un tel discours eût été il y a moins de dix ans encore...)Au plan rationnel pur ,nombre d'éléments nous porteraient donc à réfuter l'énoncé de S.de Beauvoir,en lui rétorquant que,fort présumablement,on ne naît pas plus Homme que Femme au plan mental,et que ,au plan biologique,on naît davantage Femme .Il devrait donc ,logiquement ,s'ensuivre,que l'homme devrait être amené à se percevoir et s' accepter comme le sexe corollaire de la femme ,le gène alternatif en quelque sorte,le sexe faible...
 
(B) ADHESION... :)
Or la réalité quotidienne,de nos jours encore,est loin d'induire de pareilles impressions et démontre au contraire que le principe de la primauté masculine,peut-être affaibli,sans doute entamé par sa propre remise en cause,a néanmoins de long jours devant lui.,comme l'a bien démontré plus d'une réaction enregistrée (et pas uniquement du côté masculin! ) à l'occasion de la récente journée journée de grève des femmes suisses..Effectivement,on a pu rappeler ce jour-là qu'en période de mutation économique (en Europe),ou d'inquiétude existentielle ou religieuse (le renouveau intégriste passablement concomitant ,entre autres de la progression du Sida),les femmes se retrouvaient pénalisées d'une manière ou d'une autre au plan de leur autonomie ou de leur droits.
 
Il semblerait donc,conformément en tout cas à la lecture pessimiste de la phrase de S.de Beauvoir,qu'il soit actuellement , pour un individu féminin ,un peu plus difficile encore de traverser harmonieusement l'épopée évolutive qui conduit de la nouveau (!) - née à la femme dite adulte..Et pourquoi donc cela ? Parce que, pensons-nous,certaines interprétations des phénomènes corporels et certaines données de notre héritage mythico-religieux demeurent, au niveau de notre inconscient collectif ,d'une vivacité têtue...Nous aimerions proposer ici,à titre d'illustration,quelques remarques à propos de deux lieux communs suscités ,tôt ou tard ,par tout débat de fond consacré au problème de l'identité féminine: : le discours sur l '"éclosion"et les "servitudes" de l'adolescence féminine et celui qui évoque le rôle de la première femme "fatale" de la création :Eve..
De façon certes compréhensible,on tient souvent pour raisonnable,ou sinon acquise ,l'idée que la transformation pubertaire impose davantage encore à la jeune filles qu'au jeune garçon l'impression d'un nouvel apprentissage de soi,c'est à dire ,en l'occurrence,d'une perception intense de l 'action et de l'effet du devenir à l'oeuvre dans la forme et le rythme même de son corps..A peine est-il besoin de mentionner ici ces deux facteurs -clé de la "nouvelle donne" féminine que sont ,d'une part, la "servitude mensuelle "de la période ovulatoire (si opportunément résumée par l'expression : "retour de règles"...)laquelle peut venir contrarier le tonus et parfois encore la liberté d'action ,et d'autre part - à plus longue échéance quoi que de façon moins déterminée - la possibilité,corrélative, d'une grossesse,avec les suites. ,avec les implications contraignantes qu'on sait.Bien sûr,les conditions de cet aspect du "problème féminin" , sous l'effet du progrès de la technique médicale et pharmaceutique,se sont indéniablement modifiées au cours des âges ; mais il demeure que l'adolescente,puis la femme,se voient désormais confrontées à l'idée qu'un jour peut-être,elles seront dépositaires -donc en quelque sorte majoritairement responsables -du développement d'une vie dans leur ventre durant neuf mois et qu'il peut paraître normal qu'elles considèrent ,pour cette raison et avec la part de contrainte que cela peut supposer,leur corps comme plus "fragile",parce que plus "précieux "encore, que celui d'un homme...
Or,si l'on a mainte fois relevé le caractère malaisé ,voire dramatique pour certaines de cette phase de mutation physique autant que mentale plus d'un(e) continue ,peut-on penser,à occulter peu ou prou ses conséquences les plus problématiquement insidieuses....En effet le type de de préjugé qu'engendre un tel état d'esprit vaudra alors souvent à la jeune fille,de la part de son entourage, une attitude plus protectrice, moins favorable à encourager chez elle l 'esprit de découverte,de curiosité pure,de recherche au besoin hasardeuse....; en résumé : la prise en charge individuelle de son propre devenir..La jeune fille,,la jeune femme ensuite,doit être "préservée" : son "innocence "d'abord (empêcher toute idée de (més)aventure ) , puis sa "virginité ",(ne pas compromettre les conditions d'une maternité parfaite,c'est à dire la sécurité d'un cadre strictement matrimonial)et enfin ,aurait écrit Molière ,en un sourire entendu,son "honnêteté ...".Ainsi donc,,on ne s'étonnera pas que plus d'une adolescente (ou d'une femme "mûre") puisse éprouver,fût -ce inconsciemment,un sentiment de trouble face au statut de son devenir adulte :n'est-elle pas ,des deux sexes,celui qui présente de la façon la plus spectaculaire et souvent la plus précoce les signes extérieurs de la transformation adulte ,mais à qui,dans le même temps, on refusera constamment de reconnaître en proportion correspondante l'autonomie vitale qui pourrait en découler ?
Poussons plus loin le raisonnement.De la notion de fragilité et de prudence nécessaire chez une femme à l'égard de son corps,dans le domaine du travail ou de ses occupations en général,on en viendra assez aisément. à la démonstration de leur rentabilité nécessairement restreinte comparativement aux possibilités des hommes ,et ,en fin de compte,à celle de leur relative dépendance rapport à ces derniers.Or qui se met à penser en ces termes aboutira tôt ou tard à l'idée d'une soumission ,ou à tout le moins d'une légitime compensation ,en retour, de l'"aide "consentie.Et l'on pourra s'acheminer vers une conception selon laquelle,l'activité maternelle et domestique de la femme est une sorte de dû quasiment naturel subordonnant dans une certaine mesure la femme à l'homme .
Au reste,on le sait,la jeune file ,depuis son adolescence se voit progressivement autorisée,puis finalement encouragée,à mettre en évidence l'aspect séducteur.de sa féminité :sa beauté,son charme,son élégance,sa "coquetterie...Et,fort des réflexions précédentes,il est permis de se demandes si,à nouveau,on ne débouche pas sur l'idée que ,à défaut de pouvoir se montrer pleinement efficace dans les tâches risquées ou trop éprouvantes,,la "vocation" de la femme ne serait pas plutôt de chercher à procurer ,au moyen de son apparence,délassement et agrément à l'homme., par exemple en offrant à ses yeux une apparence aussi avenante que possible.On aura bien sûr reconnu ici les premiers jalons de la théorie de la femme-objet...
Toutefois,cette argumentation d'ordre essentiellement physiologique ne suffirait sans doute pas à soutenir en profondeur le sentiment d'une différence fondamentale entre les devenirs mâles et femelles au sein de l'espèce humaine si la théorie sous-jacente de la "dette féminine" ne s'ancrait pas ,bien en-deçà,dans le mythe de la Faute d'Eve.
En effet,pour le formuler brièvement ,la Femme est,au plan mythique judéo-chrétien,celle qui a bel et bien provoqué l'émergence de l'Homme dans l'humanoïde en initiant son compagnon - involontairement ou pas ,peu importe ici - à la dangereuse éthique du désir et du plaisir face au fruit défendu : l'arbre du Bien et du Mal,du Savoir,des Interrogations existentielles,de la Spéculation,de la Contemplation du Devenir...Parmi ces "fruits ",l'un des plus redoutables,des plus incontrôlables car le moins "fonctionnel" de tous : la notion du Plaisir...
Et c'est évidemment le lieu de rappeler que l'autre grand choc probable de l'adolescence féminine, au -delà de la révélation de la fécondité ( expérience qui est tout autant le fait du jeune homme,avec la découverte la maturation de ses spermatozoïdes ) provient de la prise de conscience concrète de la double fonction de sa sexualité.,atypique et sinon paradoxale en comparaison des autres créatures terrestres.Effectivement,la femelle humaine se trouve être,sauf erreur ou autre cas d'exception,la seule à devoir,pendant la majeure partie de son existence,gérer en alternance de phases de désir sexuel biologiquement productives et d'autres apparemment "gratuites" en dehors de la pure satisfaction d'un besoin de plaisir.Voilà qui pendant longtemps,c'est à dire avant l'arrivée de moyens contraceptifs fiables pour les deux sexes,a pu la différencier profondément de l'homme ,celui-ci ne fonctionnant que selon le seul régime de la potentialité reproductrice continuelle : la finalité décisive de l'acte sexuel,dans ces conditions dépendait donc prioritairement de l'état physiologique de la femme
De là à faire porter à cette dernière la plus grande part de la responsabilité en ce domaine,il y a un pas assez vite franchissable... et on ne devine alors que trop aisément comment peut être réutilisée ici la théorie de la dette féminine La Femme,coupable à la base du malheur foncier des hommes,mais ayant néanmoins en ressource compensatoire la faculté unique de pouvoir ,occasionnellement offrir à ce dernier du plaisir sans conséquence,n'est-il pas, disons,logique que son compagnon se voit partagé entre l'envie d'exploiter,à titre de "réparation" ,ce potentiel "subversif" ,et,celle d'en réclamer le contrôle pour empêcher que ne s'aggrave sa situation de "pécheur originel " - une autre bonne raison pour lui de dénier à la Femme l'accès au stade d'adulte à part entière et d'accentuer son statut de "sexe puni" de la création!
 
 DEBUT DE LA PHASE DE CONCLUSION (TRANSITION ):
Mais,objectera-on non sans pertinence,un tel type de discours peut-il encore perdurer face à la révolution qu'amène immanquablement le progrès foudroyant accompli,en cette fin de siècle,en matière de contraception et de recherche bio-génétique ?Comment imaginer que l'invention de la pilule anti-conceptionnelle ,qui permet à une femme (et à son partenaire )de ne plus subir passivement le double régime de sa sexualité mais d'en décider librement,n'ait pas puissamment modifié le concept de responsabilité sexuelle au sein du couple ? Et plus encore,la perspective de pouvoir ,un jour peut-être,choisir le sexe de son enfant n'affaiblira-t-elle pas considérablement l'association mentale : sexe "faible" -sexe puni que nous pensions pouvoir relever plus haut ? (Quel humain aurait la présomption - et surtout le coeur -de punir paradoxalement un enfant pour le sexe duquel il se serait sciemment déterminé ...?)Au demeurant le progrès technique,affecte également,on le voit chaque jour davantage, l'ancienne conception du "handicap naturel " de la femme face à certaines professions ou certaines activités.Sans tout résoudre,l'automatisation et plus récemment l'informatisation de nombre de travaux exigeant ,entre autres,un effort physique ou un risque jusque-là dévolu de préférence aux hommes.à singulièrement remis en cause la vision traditionnelle de la répartition des tâches entre les sexes.
Certes,nous venons de le dire,ces progrès ne lèvent pas tous les problèmes.liés à la condition féminine,pas plus qu'ils ne simplifient les rapports entre les deux sexes.La participation accrue de la Femme au travail extra-domestique,s'il occasionne un meilleur rendement économique pour la société (ou ,plus exactement,un rendement intensifié...) et plus d'aisance financière pour le couple ,implique en retour une élevation des exigences et des pressions imposées à ce dernier : plus de fatigue pour encore moins de temps à consacrer soit au couple soit aux enfants,on connaît bien ce diagnostic...; ceci sans oublier l'épineux problème de la rémunération des tâches ménagères et éducatives - même et surtout partagées -inhérentes à toute (sur) vie familiale : la disponibilité,le don de soi,la patience et la tendresse pour l'entourage rentrent décidément bien mal dans les colonnes d'une fiche de salaire...Et un nouvelle menace se profile : si l'émancipation de la Femme finit par apporter plus de maux que de profit au couple,elle pourrait bien ,à nouveau ,se voir attribuer le rôle de fauteuse de trouble ; tout (ou presque)serait à recommencer.
SYNTHESE DU TRAVAIL :
En conclusion,nous pensons pouvoir constater que,au-delà de l'alibi bien relatif parce que si mouvant de la barrière des sexes,le devenir de l'homme et de la femme ne doivent et ne peuvent s'envisager sous la forme de deux processus séparés (ou même vraiment différents )mais ,bien plutôt,ils constituent deux phénomènes étroitement solidaires.En conséquence,c'est bien l'Homme en tant qu'espèce ,et non pas l'homme ou la femme en tant que races sexuées,qui doit repenser son rapport au monde et sa vision du devenir Comme nous l'avons mentionné,il paraît de jour en jour plus possible d'atténuer ,soit par voie technique,soit par voie sociale,les différences spécifiques distinguant les deux sexes.Mais jusqu'à quel point faut-il le souhaiter ?Là commencent sans doutes les vraies questions,et là commencerait un nouveau travail...
Avis /remarque personnelle en guise de fin :
Au terme de mon essai de discussion,la richesse de la phrase de S.de Beauvoir me paraît décidément intacte .Elle demeure à la fois accusation ,si nous en avons besoin,et un encouragement si nous en demandons.Puisse-t-elle conserver longtemps cette vigueur roborative,au nom d'un certain éternel féminin,espérons -le unique et singulier dans l'esprit de chacun...
 

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