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LE SYMBOLISME ET LE THÉÂTRE

Publié le 21/02/2012

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A relire le cycle d' Ubu, on se prend à se demander si la vogue dont il jouit n'est pas excessive et si l'importance accordée à Jarry (surtout depuis le Premier manifeste de Breton) est bien réelle. Simple pochade de potaches, après tout, revue et améliorée. Pourtant le jeu des hasards et des circonstances n'est peut-être pas seul à expliquer le retentissement durable du drame pour marionnettes.

« 1' « ideorealisme » de Saint-Pol Roux) (1), que le theatre symboliste nous invite : l'envol De l'ame au dela de l'apparence par le symbole comme le dit Edouard Dujardin (2) dans sa trilogie La legende d' Antonia (1891). Le recours au mythe Edouard Schure affirme que le « theatre idealiste », le « theatre du reve, [...] racontera le Grand Euvre de l'Ame dans la logende de l'Humanite ».

Faudra-t-il pour cela reprendre des mythes classiques, comme le Sar Madan (3) va le faire dans La Prometheide, iEdipe et le Sphinx ou Semiramis? creer des mythes nou- veaux comme Claudel dans Tete d'or (1890), Maeterlinck dans Pelleas et Melisande (1892) et meme Alfred Jarry dans la geste d'Ubu? Sur Paul Fort et le Theatre d'Art ce point encore, Mallarme s 'ocarte de l'exemple wagnerien.

Car, selon lui, « l'esprit francais, strictement imaginatif et abstrait, donc pootique, [...] repugne, en cela d'accord avec l'Art dans son integrite, qui est inventeur, a la Legende ».

Ce qui ne signifie pas qu'il exclue les mythes. Bien au contraire, Le Theatre les appelle, non : pas de fixes, ni de secu- lakes et de notoires, mais, un, &gage de personnalite, car it compose notre aspect multiple : que, de pres- tiges correspondant au fonctionnement national, evoque l'Art, pour le mirer en nous (1). Une sorte de mythe abstrait, quelque Igitur dramatique dont nous manque, precisement, la realisation.

Mais Mallarme avait-il besoind'ecrire ce drame? Tout livre, pour lui, est drame; tout drame n'est qu'un livre, et it n'est nul besoin de le repre- senter.

A la limite, la theorie du theatre symboliste nie la necessite du theatre. LES THEATRES Pour que le theatre symboliste echappat au livre, it lui fallait precisement une scene.

Le grand merite de Paul Fort (1872-1960), le futur poete des Ballades francaises (4), est d'avoir tente le premier de dresser en face du theatre de Boulevard et du Theatre-Libre d'Antoine son « Theatre Mystique », puis son « Theatre d'Art, theatre idealiste ».

L'experience ne dura que deux ans (1890-1892) et on eut a peine le temps d'entamer une liste impressionnante de projets.

A cote du Thelitre en liberte de Hugo, d'adaptations des Anglais Marlowe et Shelley,les symbolistes furent a l'honneur : Remy de Gourmont avec Theodat, Maeterlinck avec Les aveugles et L'in- truse, Charles Morice avec Cherubin (un four) I.

Sur Saint Pol-Roux, voir p.

577. 2.

1861-1949, disciple de Mallarme et autre fondateur de La Revue wagnerienne, essayiste, poete, dramaturge et aussi romancier (voir p.

624).

3.

Josephin Peladan (1859-1918), qui se donna lui-meme le titre de « Sar », est un des plus curieux personnages de l'epoque symboliste.

Wagnerien convaincu, tente par l'esoterisme sous toutes ses formes, it fut membre de l'ordre cabbalistique des « Rose-Croix » restaure en 1888 par Stanislas de Guaita.

II fonda le Theatre de la Rose-Croix, qui joua des pieces d'inspiration mystique.

C'est pourtant dans le domaine romanesque qu'il a donne son oeuvre la plus abondante, - et la plus importante : « ethopee » de La decadence latine (voir p.

538).

4.

Voir p.

577.

furent tour a tour servis par Paul Fort qui songea meme quelque temps a jouer Tete d'or de Claudel. Lugne-Poe et le Theatre de l'CEuvre C'est un jeune acteur, transfuge du Theatre- Libre, Lugno-Poe (1869-1940), qui allait prendre la relieve.

Le 16 decembre 1892, la representation qu'il avait donne& de La dame de la mer, d'Ibsen, au Theatre Moderne, avait decide de l'orientation nouvelle de l'art dramatique en France.

Les gestes hieratiques, la diction solennelle soutenue par les intonations lyriques, la stylisation du decor contribuaient a creer une atmosphere de mystere, a ,souligner I'analogie existant entre l'horoIne, l'Etranger et la mer, a transformer la tragedie en une vaste allegoric.

Ce fut le prelude a la repre- sentation historique de Pelleas et Melisande en mai 1893 et a la fondation du Theatre de l'Euvre en octobre de la meme armee.

Lugne-Poe voulait « faire du theatre [...] (EUVRE D'ART » et « remuer des Idees ». Pour cela, le « clergyman somnambule » (c'est ainsi que l'appelait un critique de l'epoque, Jules Lemaitre) comptait sur un jeu « religieux ». 1.

Mallarme, « Richard Wagner, reverie d'un poete francais ».

Ce texte avait paru dans La Revue wagnerienne du 8 aoilt 1885. l' « idéoréalisme » de Saint-Pol Roux) (1), que le théâtre symboliste nous invite : à [ ...

] l'envol De l'âme au delà de l'apparence par le symbole comme le dit Édouard Dujardin (2 ) dans sa trilogie La légende d'Antonia (1891).

Le recours au mythe Édouard Schuré affirme que le « théâtre idéaliste », le « théâtre du rêve, [ ...

] racontera le Grand Œuvre de l'Ame dans la légende de l'Humanité ».

Faudra-t-il pour cela reprendre des mythes classiques, comme le Sâr Péladan (3 ) va le faire dans La Prométhéide, Œdipe et le Sphinx ou Sémiramis? créer des mythes nou­ veaux comme Claudel dans Tête d'or (1890), Maeterlinck dans Pelléas et Mélisande (1892) et même Alfred Jarry dans la geste d'Ubu? Sur ce point encore, Mallarmé s'écarte de l'exemple wagnérien.

Car, selon lui, « l'esprit français, strictement imaginatif et abstrait, donc poétique, [ ...

]répugne, en cela d'accord avec l'Art dans son intégrité, qui est inventeur, à la Légende ».

Ce qui ne signifie pas qu'il exclue les mythes.

Bien au contraire, Le Théâtre les appelle, non : pas de fixes, ni de sécu­ laires et de notoires, mais, un, dégagé de personnalité, car il compose notre aspect multiple : que, de pres­ tiges correspondant au fonctionnement national, évoque l'Art, pour le mirer en nous ( 1).

Une sorte de mythe abstrait, quelque /gitur dramatique dont nous manque, précisément, la réalisation.

Mais Mallarmé avait-il besoin d'écrire ce drame? Tout livre, pour lui, est drame; tout drame n'est qu'un livre, et il n'est nul besoin de le repré­ senter.

A la limite, la théorie du théâtre symboliste nie la nécessité du théâtre.

LES THÉÂTRES Paul Fort et le Théâtre d'Art Pour que le théâtre symboliste échappât au livre, il lui fallait précisément une scène.

Le grand mérite de Paul Fort (1872-1960), le futur poète des Ballades françaises ( 4), est d'avoir tenté le premier de dresser en face du théâtre de Boulevard et du Théâtre-Libre d'Antoine son « Théâtre Mystique », puis son « Théâtre d'Art, théâtre idéaliste ».

L'expérience ne dura que deux ans (1890-1892) et on eut à peine le temps d'entamer une liste impressionnante de projets.

A côté du Théâtre en liberté de Hugo, d'adaptations des Anglais Marlowe et Shelley, les symbolistes furent à 1 'honneur : Remy de Gourmont avec Théodat, Maeterlinck avec Les aveugles et L'in­ truse, Charles Morice avec Chérubin (un four) 1.

Sur Saint Pol-Roux, voir p.

577.

2.

1861-1949, disciple de Mallarmé et autre fondateur de La Revue wagnérienne, essayiste, poète, dramaturge et aussi romancier (voir p.

624).

3.

Joséphin Péladan (1859-1918), qui se donna lui·même le titre de « Sâr », est un des plus curieux personnages de l'époque symboliste.

Wagnérien convaincu, tenté par l'ésotérisme sous toutes ses formes, il fut membre de l'ordre cabbalistique des « Rose-Croix » restauré en 1888 par Stanislas de Guaita.

Il fonda le Théâtre de la Rose-Croix, qui joua des pièces d'inspiration mystique.

C'est pourtant dans le domaine romanesque qu'il a donné son œuvre la plus abondante,- et la plus importante :l' « éthopée » de La décadence latine (voir p.

538).

4.

Voir p.

577.

furent tour à tour servis par Paul Fort qui songea même quelque temps à jouer Tête d'or de Claudel.

Lugné-Poe et le Théâtre de l'Œuvre C'est un jeune acteur, transfuge du Théâtre­ Libre, Lugné-Poe (1869-1940), qui allait prendre la relève.

Le 16 décembre 1892, la représentation qu'il avait donnée de La dame de la mer, d'Ibsen, au Théâtre Moderne, avait décidé de l'orientation nouvelle de 1 'art dramatique en France.

Les gestes hiératiques, la diction solennelle soutenue par les intonations lyriques, la stylisation du décor contribuaient à créer une atmosphère de mystère, à souligner l'analogie existant entre l'héroïne, l'Étranger et la mer, à transformer la tragédie en une vaste allégorie.

Ce fut le prélude à la repré­ sentation historique de Pelléas et Mélisande en mai 1893 et à la fondation du Théâtre de l'Œuvre en octobre de la même année.

Lugné-Poe voulait « faire du théâtre [ ...

] ŒUVRE D'ART » et « remuer des Idées ».

Pour cela, le « clergyman somnambule » (c'est ainsi que l'appelait un critique de l'époque, Jules Lemaitre) comptait sur un jeu« religieux ».

1.

Mallarmé, « Richard Wagner, rêverie d'un poëte français ».

Ce texte avait paru dans La Revue wagnérienne du 8 août 1885.. »

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