Devoir de Philosophie

La sympathie permet-elle de connaître autrui ?

Publié le 26/03/2004

Extrait du document

Certes, la sympathie est toujours fondée de manière plus ou moins consciente sur la reconnaissance d'un quelque chose que l'on a en commun avec la personne avec qui nous sympathisons. Mais l'homme n'est pas transparent. Il semble difficile de réduire la complexité de l'être humain à une approche extérieure, c'est-à-dire à des marques apparentes de sympathie, telles que la cordialité, le sourire ou le plaisir d'être ensemble. L'ami ne reste-t-il pas, envers et contre tout, un Autre que moi, avec la part d'imprévisibilité qui lui est propre ? [I. La sympathie est trait d'union entre autrui et moi] La sympathie est un phénomène affectif étrange où deux ou plusieurs individus ont l'impression de se connaître déjà, ou de s'être toujours connus. C'est là une reconnaissance plus ou moins inconsciente de quelque chose que l'on partage, que l'on a en commun. Quelqu'un, un ami ou un inconnu envers qui j'ai un préjugé favorable me convient, sans que je sache toujours pourquoi. [1. À travers la sympathie, autrui est un autre moi-même] Comment pourrais-je ne pas connaître autrui lorsqu'il m'est sympathique?

Comment pourrais-je connaître une personne (ou un peuple) pour lesquels j'éprouve des sentiments de répulsion,, voire de haine ? Il est certain que, dans ce cas, je ne pourrai porter aucun jugement objectif. S'ensuit-il que la sympathie est une condition de la connaissance d'autrui ? De nombreux exemples ne montrent-ils pas que la sympathie pour une personne. au lieu de nous rendre plus lucide à son égard. nous aveugle au contraire ? D'ailleurs. Gaston Bachelard a bien mis en évidence les dangers d'un point de vue affectif dans toute démarche de connaissance. Toute la question est de savoir quel type d'approche est le mieux adapté à la connaissance des autres hommes.

« temps.

Aristote affirmait en ce sens « L'ami est un autre soi-même.

» Éthique à Nicomaque, IX, 4. La sympathie (ici l'amitié), est fondée sur une ressemblance entre les hommesqui confirme la thèse selon laquelle qui se ressemble s'assemble.

Par lasympathie, nous nous découvrons à autrui ; nous sommes avec l'ami tel quenous serions vis-à-vis de nous-même ; on ne triche pas.

Chacun est tel qu'ilapparaît, on est en terrain de reconnaissance, c'est-à-dire entre nous. [2.

La sympathie engendre une communication des âmes entre elles] On parle volontiers dans ce cas là d'un courant qui passe entre nous et lespersonnes qui nous sont sympathiques.

Quelque chose semble bien êtretransmis, et pourtant invisible, non palpable.

C'est à notre insu que l'onéchange quelque chose avec autrui, et réciproquement.

À force de fréquenterdes personnes qui nous sont sympathiques, nous développons des goûtssimilaires et formons dans le meilleur des cas un groupe d'amis.

Une certainefamiliarité s'instaure, on se connaît de mieux en mieux.

Lucrèce, dans De lanature des choses, explique ce curieux phénomène ainsi : l'âme humaine,constituée de « simulacres » (c'est-à-dire d'atomes invisibles), envoie à lapersonne amie quelques-uns de ses simulacres, qui vont alors s'infiltrer dansceux de l'ami.

La fréquentation assidue des amis fait que les âmess'interpénètrent les unes sur les autres, elles s'échangent mutuellement desatomes invisibles.

Un certain mimétisme physique et mental est à l'oeuvre entre les amis. [Transition] On a vu en quoi la sympathie instaure entre les êtres une communication inconsciente des esprits, qui se manifesteà travers un phénomène de mimétisme : je deviens autrui et autrui devient un autre moi-même.

Mais la sympathiecerne-t-elle toute la complexité de l'être humain ?La sympathie peut-elle réellement être omnisciente? L'homme n'est pas aussi transparent.. [II.

La complexité des rapports humains dépasse largement le cadre de la sympathie...] Il y a en effet une grande naïveté à croire que la sympathie peut résumer et révéler la personnalité, la psychologied'autrui.

L'être humain est constitué d'une telle façon qu'il est déjà obscur à lui-même.

Pour connaître autrui, encorefaut-il se connaître soi-même ! [1.

la sympathie peut n'être que le masque de l'intérêt ...] La sympathie est aisément imitable, et peut cacher une certaine forme d'égoïsme, voire les plus viles passions.

Unvisage aimable peut cacher une profonde haine de l'autre.

Prenons l'exemple de la condescendance on prétendcompatir à la souffrance de l'Autre pour mieux ne pas lui venir en aide, par un effet de bonne conscience.

On s'écriealors « Le pauvre ! », en pensant : « Regarde ! Heureusement qu'on n'est pas comme lui ! ».

Dans ce même registre,l'ambition, la haine, peuvent revêtir le masque de l'amabilité, en cachant le désir de mieux piéger son adversaire.

Ils'agit d'endormir sa méfiance.

Le faux dévot, merveilleusement peint dans le Tartuffe de Molière, ne nous convainc-t-il pas de l'efficacité de l'amabilité pour mieux conquérir le coeur de la femme qu'il aime ? Pascal, dans ses Pensées, résumait le peu de foi qu'il accordait à l'amitié en ces termes: « L'union qui estentre les hommes n'est fondée que sur cette mutuelle tromperie ; et peud'amitiés subsisteraient, si chacun savait ce que son ami dit de lui lorsqu'il n'yest pas (...).

L'homme n'est donc que déguisement, que mensonge ethypocrisie, et en soi-même et à l'égard des autres.

Il ne veut donc pas qu'onlui dise la vérité.

Il évite de la dire aux autres.

» Pensées, n° 100 (éd.Brunschvicg).La sympathie s'apparente alors à un code social qui sert au mieux nos intérêts: flatter est une promesse de réussite sociale, d'estime, bref dereconnaissance de la part de ses pairs.

Chacun se ment à lui-même.Autrement dit, personne ne sait à qui il a affaire, même dans le cas d'unepersonne à l'apparence sincère.

Il n'y a aucun critère de sincérité ici. [2.

La sympathie entre les êtres repose souvent sur un malentendu...] Il est manifeste que nous sommes souvent dupes d'autrui, car nous avonstoujours affaire à une première impression, soit à des apparences.

Difficile depercer à jour ce qui se cache derrière l'amabilité d'autrui.

Car commentdistinguer, sur quel critère, l'homme réellement bienveillant de l'homme quimime la bienveillance ?La sympathie n'est peut-être, en fin de compte, qu'un vernis social destiné àrendre les relations humaines plus agréables, plus policées, c'est-à-dire plus humaines...

Curieuse inhumanité que cesouci d'humanité...

On ne se soucie pas de savoir si l'on ressemble à ce que l'on paraît être ; et peut-être, après. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles