Devoir de Philosophie

TARTUFFE: Scènes 2 à 5 de Molière (analyse)

Publié le 15/06/2011

Extrait du document

Le fil conducteur de toute l'action est ainsi noué : tout le deuxième acte sera occupé par l'avenir du couple des jeunes gens que menace l'amour d'Orgon pour Tartuffe, les deux entrevues d'Elmire et Tartuffe auront pour but d'empêcher Tartuffe d'épouser Mariane, et Orgon achèvera la pièce en prononçant L'éloge de Valère : la promesse que le mariage des jeunes gens aura lieu achèvera formellement le dénouement et signifiera que l'ordre perturbé par le parasite aura bien été rétabli. Relativement marginal sur le plan symbolique et indiciel, le mariage contrarié s'avère pleinement fonctionnel : loin d'être anecdotique, ce motif est au centre de la construction dramatique.

« 3.

Orgon est un membre de la haute bourgeoisie, comme le prouvent son train de maison (I, 1, v.

86-90) et le faitqu'il a eu à s'engager pour soutenir le trône au moment de la Fronde (I, 2, v.

181-182).

Cette dernière indication estcapitale, car elle situe la condition d'Orgon, prépare le dénouement, et permet de comprendre l'engagement politiquede Molière.

Contre les forces traditionalistes de la haute noblesse et du haut clergé, le régime s'appuie sur la hautebourgeoisie, qu'il fait entrer dans l'État.

Cartésien autant que gassendiste, Molière s'engage aux côtés du jeune roi-ingénieur qui modernise l'État en le bureaucratisant, et qui transforme l'autorité traditionnelle du roi en une autoritérationnelle.4-5.

Orgon est tout simplement coléreux (v.

409, 425), comme l'indique son nom (grec, orgè, la colère).

Cetirascible est ensuite amoureux de son parasite.

Sa passion l'aveugle et fait errer son jugement (v.

183-190, 195-197, scène 4, v.

272, 275-279).Il s'inscrit dans la lignée bien établie des pères ou tuteurs « monomanes « de Molière, ce que le sketch de la scène 4rend évident.

Bon père néanmoins, et humain malgré lui, il est prisonnier de ses contradictions (v.

280-281, v.

416,v.

418), comme Alceste ou Harpagon. UN ABSENT OMNIPRÉSENT 6-7.

À la fin du premier acte nous savons que Tartuffe est un gueux (v.

63) qui parasite la maison (v.

62, 66, 201),qu'il a tourné la tête du chef de famille (v.

195), dont il est devenu le « directeur de conscience « (v.

52-54, 188),qu'il joue les dévots (v.

45), et n'est qu'un hypocrite (v.

69-70), jaloux de Madame, dont il pourrait bien être épris(v.

84).

Nous le savons goinfre (v.

194, v.

238240), avide, et peu honnête (v.

201).Dorine a esquissé son portrait physique (v.

234).

Par une erreur fréquente, on s'imagine que ces vers signalent unpourceau de sacristie, alors que, bien plus que l'aspect physique, ils expriment la bonne santé, l'appétit, et lemanque de scrupules du parasite.

C'est un anachronisme : un léger embonpoint et une forte stature passaient alorspour constituer la beauté masculine.

C'est surtout un contresens : une telle interprétation ne permet pas decomprendre la distribution originelle (Du Croisy tient le rôle), ni la confiance du rusé face aux ouvertures d'Elmire àl'acte III, non plus que l'attitude d'Orgon.

Ce que nous savons de Tartuffe, nous ne le savons que par des tiers,Mme Pernelle, Dorine ou Orgon, qui, en des sens opposés, sont tous partiaux.

Dorine indique du reste assezclairement les raisons pour lesquelles elle est personnellement importunée par le personnage (v.

191-195, v.

203-210).Tartuffe dissimule son « appétit », pourtant visible de tous, sous le masque austère du dévot, c'est entendu.

Maisquel est cet « appétit » ? Il s'agit plus de la volonté de puissance et d'ascension sociale d'un gueux libertin que desimple « gourmandise » ! Une telle interprétation, qui demeure celle de Guichamaud, réduit une grande comédie demoeurs à la farce, que Molière, il est vrai, y a partout mêlée.

Tartuffe est un parasite, mais il n'est plus celui dePlaute ; Tartuffe est un petit neveu du moine paillard de la farce, mais nous sommes parmi la haute bourgeoisie duGrand Siècle, et non plus parmi les vilains du tréteau médiéval.

Tartuffe n'est pas Messer Gaster.

Toute l'action, etnotamment les péripéties du dernier acte, s'expliquent par la volonté d'ascension sociale de ce gueux instruit dans lesein de l'Église, écarté des places par le privilège, et avide de promotion par tous les moyens. L'ACTION 8.

Les vers 181-184 montrent que la nature d'Orgon n'est pas d'être la dupe de Tartuffe, mais celle d'un « généreux» à l'ancienne mode, aux passions baroques et cornéliennes.

Son ardeur est de servir avec une abnégation aveugle: hier le Prince ou son ami Argas, aujourd'hui Tartuffe (cf.

Guicharnaud : « Le trait premier d'Orgon n'est pas sa "bêtise " à proprement parler, mais son goût, sa passion du service.

« op.

cit.).

Orgon n'est pas par essence perverset immoral : il vaut ce que vaut le maître auquel il se donne.

Le théâtre classique reposant sur la fixité desessences, il est impensable qu'Orgon change de nature ou de volonté.

Mais il peut changer de héros (cf.

v.

1604-1606) : par là se prépare le dénouement, fort bien lié, comme le veut la dramaturgie classique, à la logique mêmedes caractères.

Ce trait essentiel a échappé aux critiques qui ne voient dans ce merveilleux dénouement qu'unrecours à la machine ! 9.

Désormais le destin du couple Mariane-Valère (v.

410-426) constitue le premier enjeu dramatique, la fragilité ducouple des jeunes gens étant inversement proportionnelle à la solidité du couple antagoniste que forment le père etson parasite.

Molière ne vise pas à l'originalité, mais à l'excellence.

Il recherche donc volontairement un enjeutypique de la comédie, le mariage contrarié de Mariane et de Damis (v.

217-223). 10.

Le fil conducteur de toute l'action est ainsi noué : tout le deuxième acte sera occupé par l'avenir du couple desjeunes gens que menace l'amour d'Orgon pour Tartuffe, les deux entrevues d'Elmire et Tartuffe auront pour butd'empêcher Tartuffe d'épouser Mariane, et Orgon achèvera la pièce en prononçant L'éloge de Valère : la promesseque le mariage des jeunes gens aura lieu achèvera formellement le dénouement et signifiera que l'ordre perturbé parle parasite aura bien été rétabli.

Relativement marginal sur le plan symbolique et indiciel, le mariage contrarié s'avèrepleinement fonctionnel : loin d'être anecdotique, ce motif est au centre de la construction dramatique.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles