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Le technicien n'est-il qu'un exécutant ?

Publié le 16/02/2004

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Le technicien est par définition la personne versée dans la connaissance d'un art ou d'une pratique. On distingue alors généralement le technicien du concepteur qui serait celui qui pense, conçoit, définit, alors que le technicien serait celui qui met en pratique ce que les autres ont pensé pourlui. En ce sens, le technicien est celui qui exécute et on pourrait alors le qualifier d'exécutant. Ainsi, on opère une distinction, par exemple, entre les ingénieurs qui conçoivent une voiture et les techniciens qui la fabriquent ou la réparent. Dans leurs actions, ils connaissent la mécanique, ils savent alors faire en sorte de faire disparaître des dysfonctionnements même s'ils ne sont pas ceux qui ont conçu le moteur, qui l'ont pensé. Toutefois, aborder la technique uniquement comme une pratique n'est-ce pas nier une de ses dimensions ? En effet, la technique ne suppose-t-elle pas déjà un certain savoir qui ferait que le technicien ne se réduit pas à mettre en pratique ce que d'autres ont pensé pour lui ? En d'autres termes, il faudrait se demander si l'activité technique ne suppose pas également une activité de la pensée. En effet, si le technicien n'était qu'un exécutant, il pourrait simplement être remplacé par une machine, on considèrerait que son activité n'est que mécanique. Il faudrait alors montrer en quoi la pratique technique conduit à son tour à interroger la théorie. En d'autres termes, si on veut montrer que le technicien n'est pas qu'un exécutant, il faut montrer en quoi il est nécessaire de sortir d'une opposition entre la théorie et la pratique en faveur de la théorie. Pourcela, vous pouvez montrer en quoi l'usage de l'outil suppose déjà une intelligence par exemple. Vous pouvez ici réfléchir sur la question de la main et de l'outil.

« Physiologiquement, l'usage de la main dépend du vouloir et de la pensée.

Elle n'est pas un outil inerte qu'on actionnemais une réponse à une volonté, et même à un élan qui est une sorte de savoir pré-scientifique. "On a fait l'arc, le treuil et la voile sans savoir assez ce qu'on faisait.

[...] On a souvent remarqué que nos lointainsancêtres avaient une technique fort avancée avec des idées d'enfants.

Nos descendants diront à peu près la mêmechose de nous [...] ; mais, en nous comme en eux, il y a toujours une point de puissance qui est en avance sur lesavoir." > Alain, La technique contre l'esprit, 3 novembre 1932, in Propos, Gallimard, coll.

Pléiade, t.

I, p.

1102.L'usage de la main est indubitablement lié à l'usage d'un certain savoir, enfoui, presque spontané ou inné, si l'onveut.

L'usage de la main n'est pas l'utilisation d'un outil mais celui de son propre corps subordonné à une pensée. II ] Le technicien est toutefois remplaçable par une machine : le travail de technicien est avilissant pour l'homme qui n'est alors qu'un outil : « Plus les techniques progressent, plus la réflexion est en recul.

» Gabriel Marcel, Les Hommes contre l'humain, 1951.La technique serait donc déshumanisante puisqu'elle contribue à effacer le propre de l'homme : sa capacité àréfléchir.

La technique est ici perçue comme avilissante pour l'humain, qui se réduit à faire de son corps un outil auservice de la matière, de l'utile, et qui est un outil entre les mains de l'inventeur (qui lui reste un être doué deréflexion) et du contremaître, qui connaît (et détient donc le savoir) la machine à construire.

Le technicien ne seraitdonc qu'un rouage dans une mécanique où son individualité, où son humanité n'ont plus leur place. la main se réduit parfois à n'être qu'un outil : « Dès que l'homme, au lieu d'agir avec l'outil sur l'objet de travail, n'agit plusque comme moteur d'une machine-outil, l'eau, le vent, la vapeur peuvent leremplacer, et le déguisement de la force motrice sous des muscles humainsdevient purement accidentel.

» Marx, Le Capital, 1867.

En somme, lorsque letravail d'un homme se borne à être répétitif, ne demandant aucun savoir niconnaissance particulière, en somme quand il est avilissant, alors la main n'estplus main, elle n'est qu'outil (précisons que Marx parle ici du travail industrielet non pas du travail manufacturé en général).

Et en effet, on peut sedemander si dans un travail à la chaîne, lorsque l'ouvrier ne fait que visser lemême boulon sur la même pièce à longueur de journée, sans savoir à quoiservira la pièce en question dans le produit final, on peut considérer qu'il n'estplus qu'outil, un outil remplaçable par une machine.

Et d'ailleurs, de fait,beaucoup d'ouvriers ont vu leur travail remplacé par des machines. le technicien répond effectivement à une demande extérieure : « Un monde gagné pour la technique est perdu pour la liberté ».

Bernanos.

Ilsemble que pour Bernanos, la technique est la perte d'une liberté, une libertécréatrice.

En effet, un mouvement technique est un mouvement répété, quifait toujours la même action, qui est connu à l'avance.

Ceci est à l'opposéd'une création de la main et du technicien, qui n'est alors considéré quecomme simple exécutant. Transition : Mais l'artiste également est un artisan, un technicien.

Il mélange ses couleurs selon une règle, les applique sur la toile selon une autre, le musicien connaît son solfège et l'utilise au service de la création.

La où il y atechnique, la créativité n'est pas nécessairement absente.

Technique et créativité ne sont pas exclusives l'une del'autre. III ] Le technicien n'est pas avili, il est libre : à La science ne précède pas toujours la technique : « Historiquement, la technique a précédé la science, l'homme primitif a connu des techniques.

» Jacques Ellul, LaTechnique ou l'Enjeu du siècle, 1954. « L'inventeur de l'arc n'avait aucune idée de la pesanteur, ni de la trajectoire.

Cela conduit à juger que la technique,quoique réglée sur l'expérience, et fidèlement transmise de maître en apprenti, n'a pas conduit toute seule à lascience.

» Alain, Propos du 28 février 1931.

Autrement dit, la technique est utilise même si la science ne l'expliquepas, ne l'appuie pas par des théorèmes.

Cela remet en question l'idée que la technique n'est qu'une application dessciences, et est donc inférieures.

La technique est utile avant la science et même, n'en découle pasnécessairement. le technicien est finalement celui qui crée : « Ce n'est pas seulement son utilisation, c'est bien la technique elle-même qui est déjà domination (sur la nature etsur les hommes), une domination méthodique, scientifique, calculée et calculante.

» Marcuse, Culture et Société,1965.. »

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